25.12.20

Tendances (13) : chères disparues

 Hier, nous avons rendu visite à une vieille amie, dont nous avons fêté un certain anniversaire. Nous n'avons pas oublié, mais nous n'avions aussi pas intérêt je crois, car elle n'aurait pas été contente, notre amie, et se serait débrouillée pour le faire savoir. Mais ce n'était pas la peine, nous ne l'oublions pas. C'était bien joli, l'atmosphère de la réunion


C'est cette période qu'a choisie Rika Zaraï pour s'éclipser. France Inter lui a tiré un portrait glaçant : la chanteuse de "sans chemise sans pantalon" a écrit des livres contreversés de médecine naturelle prétendant guérir le sida ... Même si rien n'est faux, ce n'est pas pourtant l'image que j'en garderais. Enfant, je découvrais l'enchantement du Temps des fleurs, de Casatchok, et de Michaël :
J'ai découvert sa biographie , tout en finesse, loin des préjugés français, sur Akadem. C'est ici.




My favorite things (34) : Lumières de Noël

 Hier, seul soir sans couvre-feu, nous avons décidé d'aller voir les lumières de la ville. Nous avons pris le tram jusqu'à la Place Garibaldi. Curieusement, c'était un peu "cheap" :


Au Théâtre de Nice, c'était plus joli :

Mais la palme revient sans aucun doute, à la place Saint-François, qui a mis les moyens :
J'ai eu des crampes tant c'était long et je m'y suis reprise à deux fois !

Après, il y a eu l'esplanade des jets d'eau, mais c'était un peu loin parce que c'était fermé :

Et sur la place Masséna, des projections :

Pendant ce temps-là, aux Galeries Lafayette, ça balance terrible :



On peut remonter jusqu'à l'église Notre-Dame, grand dispositif comme à la place Saint-François, mais le résultat est plus sobre quand même :


A la Gare du Sud, beauté et sobriété :

Mais finalement, à quatre pas de ma maison, à l'église Jeanne d'Arc, c'est pas si mal !


En cheminant avec la parasha (12) : Vahigache

François Gérard, Joseph reconnu par ses frères, 1789, Angers, musée des Beaux-Arts


Au début de la parasha, Yehuda reprend le récit du premier entretien avec Joseph. Mais il y apporte quelques modification : les frères n'ont pas dit que Benjamin était le "chéri" de son père, et n'ont pas précisé que le faire venir en Egypte reviendrait à tuer le père. Jacob ne mentionne pas la dévoration de l'autre. C'est toute l'histoire familiale qui tourne dans la tête de Yehuda, notamment l'histoire des fauves qu'il a lui même construite, un point de l'histoire que Joseph ne connaît pas. La phrase "Pourrais-je voir la douleur qui accablerait mon père?" Cette vision, il la connut une première fois; rappelez-vous que les frères envoient des serviteurs annoncer la "mort" de Joseph, afin de ne pas être confrontés au premier choc du père.

Joseph ne croit pas vraiment totalement Yehuda, puisqu'il demande aussitôt : "Je suis Joseph; mon père vit-il encore ? Joseph a du mal avec son lien de famille, qu'il accole à son nom : Joseph votre frère (45-4), mon père (45-9) ton fils Joseph (45-9). Il parle à Jacob de "ta famille" (45-10). Mais le seul qu'il appelle son frère par deux fois est Benjamin (45-12 et 45-14), c'est par lui qu'il commence les retrouvailles physiques, Benjamin le seul non coupable de tous ... les autres prostrés dans le silence, la stupeur et peut-être la crainte aussi ; ils ne reparlent qu'au verset 15, après les embrassades, mais on ne sait ce qu'ils dirent. Que pouvaient-ils dire d'ailleurs qui soit à la hauteur des circonstances, on ne se perd pas en gérémiades comme dans le cinéma français, on focuse ailleurs en bon hollywoodien, qui rappelle la hiérarchie : il faut l'accord du boss, même si Joseph s'est déclaré père du Pharaon, c'est bien toujours ce dernier aux commandes, et (les temps changeront !) il est d'accord. Le texte le rappelle bien alors qu'on le sait déjà, "Joseph leur donna des voitures d'après l'ordre de Pharaon (45-21"). clin d'œil : on reparle fringues "Il donna à tous, individuellement, des habillements de rechange," dont cinq spécialement pour Benjamin (le rédacteur doit être séfarade lol, il dit hamsa !). Joseph connaît bien ses frères : "Point de rixes durant le voyage !" (45-24)

Bien sûr Jacob ne croit pas  tout de suite ses menteurs de fils (45-26), puis on voit ensuite le vrai père juif convaincu "MON FILS JOSEPH vit encore ! Ah ! j'irai et le verrai avant de mourir ! "(45-26). Pardon à tous, dans ma tête, je n'ai pu m'empêcher de substituer l'image de ma belle-mère dans sa cuisine ...

Et c'est à Beer Sheva, lieu symbolique par excellence que Jacob, sacrifie, retrouve la parole de Dieu, ses promesses et son assurance-vie pour le voyage

Dans la généalogie, on ne saura rien des enfantements de Dina, et on reparlera brièvement de la femme de Joseph, dont la seule chose que l'on sait déjà et qui est redite , c'est que c'est la fille d'un Putiphar (tiens donc ?)  et qu'elle est fille de prêtre, choix étrange ...

La Bible détaille bien l'installation légale et réglementée des bergers de la famille de Jacob dans le pays, tout est prévu et entériné par Pharaon. Car la famine gagne l'Egypte, et avec va croître la fortune de Pharaon qui recevra les bêtes, l'argent, puis la terre et les hommes qui se vendent eux-mêmes pour l'achat du pain.

18.12.20

En cheminant avec la parasha (11) : Mikets : un suspense familial

Basilique Saint marc de Venise

Avez-vous remarqué, les songes vont par deux dans la Génèse. Comme si un seul rêve, ce n'est rien, on oublie. La clé des songes ne suffit pas, pour ouvrir le coffre, il faut une combinaison. Joseph l'explique ensuite : "Et si le songe s'est reproduit à Pharaon, par deux fois, c'est que la chose est arrêtée devant Dieu."(41-32)

Comme toujours, Joseph fait attention à son look, afin d'aller voir Pharaon :il se rase et change ses vêtements. Ensuite, c'est Pharaon qui veillera à son look de dirigeant en l'habillant de byssus, tissu précieux par excellence.

Dès le retour sur la scène des frères de Joseph, le premier rêve prend vie ?  "Les frères de Joseph arrivés devant lui se prosternèrent devant lui la face contre terre. "(42-6). Non, pas encore, ils ne sont que dix en fait, il manque Benjamin

La suite est digne de tous les suspenses: Joseph prend un otage, mais prend soin des autres : il leur donne tout de même de la nourriture à emporter, il ne prend pas d'argent : pour les frères, qui commencent à regretter leur passé (on ne parle pas de repentir, juste de prix à payer pour la faute passée), le désarroi s'installe. Le récit troublant des frères et la présence de l'argent remplit Jacob de doute, il ne croit plus ses fils, peut-être a-t-il toujours eu des doutes et ne peut se résoudre à tomber dans un nouveau piège qui lui ferait perdre tous les fils de Rachel. Quitte à perdre Siméon, le deuxième fils de Léa, contre qui il avait des griefs : avec Lévi, c'est lui qui a tué tous les hommes de la tribu qui a agressé Dina.

Deuxième rêve avéré : tous les frères s'inclinent une deuxième fois devant Joseph, et ils sont bien onze cette fois puisque Benjamin et Siméon sont là aussi (43-26)

Acte suivant : la scène de vol. Elle rappelle le souvenir de Rachel, la mère de Joseph, qui a volé les pénates de son père, ce qui dit-on a raccourci sa vie ... Les frères, sûrs d'eux, demandent la mort du voleur et l'esclavage des autres, le serviteur ne requiert que l'esclavage du coupable. Les frères n'accablent pas Benjamin, mais tous se prosternent, et c'est le 2e rêve de Joseph qui se réalise (44-14).

La fin de la parasha laisse le lecteur en plein suspense. Comment les frères rentreraient-ils sans Benjamin ?

11.12.20

En cheminant avec la parasha (10) : Vayechev: Cecil B. deMille



 Joseph, c'est le chouchou pourri-gâté, le sale gosse quoi. Evidemment, ses frères ne l'aiment pas, ils ne fréquentent d'ailleurs que les fils des servantes (37-2) :  il passe son temps à rapporter à papa-gâteau, à recevoir des cadeaux (la robe longue);  un mégalo qui ne résiste pas à faire le récit de ses rêves : c'est moi la gerbe debout, et tout le monde se prosterne devant moi, soleil et lune compris, et vous aussi les onze pauvres étoiles. Même Joseph est excédé, qui rappelle sa mère d'entre les morts ("moi et ta mère viendrions se prosterner devant toi "?)

Puis, c'est le vrai film de la fin de Joseph auprès de sa famille : son père le missionne, lui indique un lieu, il cherche, il rencontre un homme qui le renseigne, ses frères voient venir non l'homme aux colts d'or mais "l'homme aux songes". Il ne manque que la musique d'Enrio. Ils complotent de l'enfermer dans une citerne "nous verrons alors ce qu'il adviendra de ses rêves". C'est un peu comme une tragédie grecque : peut-être ne serait-il rien arrivé si Joseph était resté petit berger chez lui ... Il y a les brutes qui veulent le tuer, celui qui veut le sauver en trouvant un prétexte (Ruben), celui qui veut en tirer profit (Yehouda) tout en s'épargnant la malédiction pour le meurtre d'un frère. Seul Ruben se désole de sa disparition, et les frères n'ont pas le courage d'affronter le père, trouvant un subterfuge en utilisant la robe de Joseph pour le faire croire mort. Le chagrin de Jacob est racinien; le premier vrai chagrin exprimé d'un père dans la Genèse, alors que bien des pères ont vu ou cru leur fils mort ...

Commence un autre récit filmique, l'histoire bien connue de Tamar qui se déguise en prostituée pour avoir un enfant de son beau-père. Avec ses paroles prophétiques : 

"Elle répondit : "que me donneras-tu  pour me posséder ?" Il répliqua: "je t'enverrai un chevreau de mon troupeau".

Banco

Puis nous reprenons le récit de la vie de Joseph, chez Putiphar. Là aussi, récit très  détaillé, et Joseph est une fois de plus précipité dans le malheur avec une histoire de tunique 

Et de nouveau une histoire de rêves ... Joseph est bien "l'homme aux songes" ...


6.12.20

En cheminant avec la parasha (09) : Vayichla'h : mise en ordre

                                                            Gustave Doré

 Cette parasha, c'est l'heure de vérité pour Jacob, et il faut reconnaître qu'il fait très bonne impression. Plus de mensonges. Et face à lui-même, il va affronter tout ce qu'il avait laissé de côté ces dernières années. Cela m'a fait songer aux préparations de Kippour : avant de retrouver son Dieu, il faut régler ses devoirs envers le prochain. Jacob doit beaucoup à son frère : il lui a volé droit d'aînesse et bénédiction. J'ose espérer que ce n'est pas seulement par tactique qu'il opère minutieusement tous les préparatifs des retrouvailles. On nous dévoile un patriarche vraiment très responsable : c'est la grande opération séduction respectueuse envers Esav. Ce qui nous permet de connaître aussi ses priorités : les biens, il va falloir les partager, et il y a une espèce d'esprit Chat Botté chez Jacob : on montre ses richesses, les unes après les autres ... mais c'est pour les partager. Puis on place sa famille, par ordre de préférence : cela peut apparaître cynique, mais je me mets à la place de Jacob : dans l'urgence absolue, il est pardonnable de faire des "choix de Sophie". Alors Jacob met les servantes et leurs enfants devant, puis Léa et ses enfants, et enfin Rachel et Joseph, ses préférés, tout au fond. 
C'est là que tout est réglé, il peut affronter son Dieu. Ce Dieu sans nom. Voyez l'importance des noms : par deux fois, Jacob veut connaître celui de son adversaire, mais il n'aura pas de réponse : le Dieu des Juifs n'a pas de nom. 

Les frères se retrouvent et sincèrement, on peut admirer Esav, le dindon de la farce : il pardonne à Jacob ce que rien ne pourra rembourser, ni troupeaux ni esclaves. Et plus tard dans la parasha, on apprend qu'il déménagera, car il n'y a pas de place pour deux. Pauvre Esav ...

Quelque part, cependant, la tradition du mensonge continue son chemin, se transmettant à la génération suivante, et c'est le terrible épisode concernant Dina. Dina outragée, c'est un terrible mensonge qui viendra à bout de ses agresseurs qui ont l'air pourtant de se repentir avec de nombreux signes du terrible outrage : un mensonge qui utilise la relation avec Dieu, la circoncision ; il fallait oser, et ils osent. Ceux dont le père a lutté avec Dieu se sentent-ils tout permis ? 

Dans cette parasha, Rachel meurt aussi. Un détail qui ne m'avait jamais frappé : Rachel était-elle de la même religion que son époux ? Rappelez-vous, dans la parasha précédente, elle a volé les Pénates de son père. Jacob, avant de rentrer en Eretz, fait brûler toutes les divinités étrangères. Et aussitôt après, Rachel meurt en couches ...

26.11.20

En cheminant avec la parasha (8) : Vayètsè : des rayures et des points

                                                     Jacob et le troupeau de Laban, Ribera


Je n'avais pas réalisé qu'avec la relecture, je cheminerai avec cette idée de mensonge. Cette semaine encore, elle est au cœur du texte.

Laban, tout d'abord, est maître en la matière. Tous ton discours en est empreint, dès son effusion à l'arrivée de Jacob. Celui qui ne voulait rien de "son corps et sa chair" va avoir quatorze ans de salaire pour ses deux filles, dont une seule faisait partie du contrat de départ.
C'est pourquoi l'on n'en veut pas trop à Jacob quand lui aussi, il ment à Laban pour préparer son départ : pour récupérer le maximum de bêtes, il propose à Laban un marché de dupe où il va user de magie tout en s'assurant que le "partage" sera incontestable. On ne comprend pas trop comment il s'y prend, mais il arrive à faire naître un maximum de bêtes "non blanches", sa part dans le troupeau à naître. Il ment alors à ses femmes en prétextant une intervention divine explicite. Puis il s'enfuit sans dire au revoir. 

On assiste alors à un morceau d'éloquence de Laban, qui, on dirait, ne manque pas d'humour : "Je t'aurais reconduit avec allégresse, avec des chants, au son du tambourin et de la harpe ! " J'imagine tout à fait une mise en scène par Tex Avery ou les frères Cohen.

La seule fois où Jacob ne ment pas : "quant à celui que tu trouverais en possession de tes dieux, qu'il cesse de vivre !",  cela lui portera malheur. Car il ignorait que c'était Rachel, menteuse devant son père, qui était la voleuse. Pour ne pas être démasquée, elle prétend même avoir ses règles, alors qu'elle porte Benjamin.  Les commentateurs disent que cela sera la cause de sa mort, après la naissance de son dernier fils. 

22.11.20

Murakami et Ozawa : aide à la lecture (12) : troisième conversation : De Telemann à Bartok

 

Concertos de Telemann et de Vivaldi, mai 1965


Premier et troisième concertos pour piano de Bartok, juillet 1965

 premier concerto pour piano Tchaikovsky

Symphonie fantastique de Berlioz





21.11.20

Murakami et Ozawa : aide à la lecture (11) : troisième conversation : Lire une partition attentivement

 Murakami : "Je ne suis pas sûre de comprendre ce qu'implique la lecture d'une partition, mais je vois ça comme le travail de traductionque je fais au quotidien. Je lis des livres en anglais, je les transpose en japonais, et je bute parfois sur un passage difficile. J'ai beau y réfléchir très longtemps, pas moyen de comprendre. Alors, j'en suis réduit à rester assis les bras croisés, à garder les yeux fixés sur ces lignes pendant des heures :parfois je finis par comprendre ; d'autres fois, il n'y a rien à faire. dans ces cas là je saute le passage difficile, passe à la suite et y reviens de temps à autre ; au bout de deux ou trois jours, tout s'éclaire enfin, comme si une voix intérieure me disait : "voilà donc ce que ça veut dire", et le sens se révèle en toute simplicité, comme si de rien n'était. "

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

My favorite things (33) : Corona (5)

 1. Lectures:
Recette pour temps de froid

"Dans la cuisine j'ai préparé une limonade chaude. J'avais mis à macérer dans du miel du citron, du gingembre, de la cannelle, des clous de girofle et de la cardamone ; dans les semaines à venir, je pourrai faire du vin chaud avec cette préparation, en ajoutant du vin rouge."

OGAWA Ito, La république du bonheur, ch. Riz au mukago, p190

2. Estampes

Hokusai. Le coquillage violet

3. Musique
Apparemment, la vielle n'est pas inconnue du peuple juif ...






19.11.20

My favorite things (32) : Corona (4)

 1. Lectures

"L'adieu aux lettres s'est achevé sans encombre, cette année encore.
La vérité, c'est que la famille Amemiya n'était pas écrivain public de génération en génération et l'adieu aux lettres était une cérémonie inventée par l'Aînée; du coup, j'aurais pu tout arrêter. Mais cela m'aurait gênée, quelque part, et puis, ça aurait été dommage, cette cérémonie avait son utilité, bref, tant qu'on m'enverrait des lettres à brûler, je continuerais, c'était mon destin, me semblait-il.
Parce que, de la même façon que les humains ont une âme, les mots en ont une à eux. Alors, pourquoi pas une cérémonie pour les envoyer au paradis ? "

OGAWA Ito, La république du bonheur, ch. Miso de Pétasite, p258

2. Jardinage

Amusant : je viens d'apprendre le nom de la misère qui me fascine et que j'aime à cultiver : une minuscule bouture donne des pots énormes qui croissent quelquesoient les conditions : Juif errant

3. Toby Nathan parle dans un interview , des questions que posent les gens quand ils te rencontrent à Bamako ; une de celles-ci :
"Quel es ton Dieu ?"
Et quand on répond : "Je n'en ai pas"
Alors ils disent : "Ah ? Tu es Français ? "

16.11.20

My favorite things (31) : Corona (3)

 1.J'ai trouvé un endroit pour me confiner :

"Le verbe grec kalyptein signifie "cacher". Calypso est donc littéralement "celle qui cache". Elle le cache au beau milieu de la mer, au milieu de nulle part. Et sur cette île perdue au milieu de nulle part, elle vit dans une caverne, et cette caverne est entourée d'arbres, des cyprès, des peupliers et des aulnes, avec des massifs de plantes aromatiques à l'arrière et des chouettes hululant dans les arbres (...) C'est un espace sombre, clos, fertile, dérobé. "

Une Odyssée, ch.Télémachie, Daniel Mendelsohn

2. J'aurais bien aimé aussi me confiner là, mais il semble qu'il y ait déjà beaucoup de monde

Hiroshige, Hakone

3. Cuisine : un air du pays sur la côte Est des Etats Unis : 

"D'ailleurs, elle m'a aussi appris bien des choses en matière culinaire : je me rappelle ce jour où je restai bouche bée devant une cassolette de linguinis recouverte d'un sauce qui - miraculeusement pour moi qui n'avait jamais mangé de pâtes qui ne sortent pas d'une boîte - n'était pas rouge mais verte, une sauce au nom italien qu'elle préparait avec des feuilles fraîchement cueillies dans son jardin, un petit carré à l'arrière de sa maison, dans lequel elle se promenait, coupant des herbes et chantonnant pour elle-même comme une sorcière surgie de quelque vieille légende."

Une Odyssée, ch.Télémachie, Daniel Mendelsohn


15.11.20

En cheminant avec la parasha (7) : Toledot : Isaac l'aveugle

Esav et Jacob, Matthias Stomer

Je continue cette semaine à (re)découvrir Isaac; et ce n'est pas vraiment en sa faveur ...

Isaac met ses pas dans les pas de son père : comme sa mère, son épouse est d'abord stérile (mais Isaac doit savoir mieux prier, et il aura des jumeaux, Esav et Jacob), et comme son père, devant Abimelech (ce roi est donc immortel ?) il la fera passer pour sa sœur : mais comme chat échaudé craint l'eau froide, cette fois si le roi ne se fera pas avoir, et le récompensera même, c'est incompréhensible.
Nous avons affaire à une famille de menteurs, de plus en plus menteurs au fil des générations :- Abraham a menti à Abimelech, Isaac ment à Abimelech. Jacob ment à tout le monde , et en premier à son père : "je suis Esav "dira-t-il par deux fois. C'est par deux fois aussi qu'il spoliera son frère, lui prenant et le droit d'ainesse et la bénédiction. Pauvre frère que la Bible, on ne sait pourquoi, n'aime pas. Il n'est pas bon d'être un ainé dans la Bible : Caïn, Ismaël, Esav. D'être un chasseur non plus : Caïn , Esav. Mais Esav est aussi un homme des champs, un homme simple et sans calcul, alors que Jacob, comme son père en son temps, est un homme "de la tente". Mais Esav ne veut pas tuer Jacob, du moins pas tout de suite. Esav pleure et se lamente, sa cause est juste et sa souffrance est sincère. Et Isaac, incapable de se protéger de son père, ne sera pas plus capable de protéger son fils ainé : aveugle il fut, aveugle il restera : aveugle à reconnaître ses enfants, aveugle à la souffrance de son fils préféré. 

Un autre point de vue sur la parasha, celui de Delphine Horvilleur :


Tendances (12) : Corona (2)

 



Réjouissez-vous, les enfants des écoles peuvent continuer à la piscine, elles restent ouvertes juste pour eux. Extrait de la procédure (descriptif syndical) :

Pour rentrer dans le concret, les élèves doivent se déshabiller (et se rhabiller) avec le masque, garder le masque jusqu’à la douche en maillot de bain, bonnet et serviette, l’enlever pour la douche (sauf masque en K-way), le remettre après pour accéder au bassin puis l’enlever de nouveau pour l’activité puis le remettre à leur sortie de l’eau quand l’activité est terminée puis le réenlever sous la douche pour enlever le chlore.

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Il me pèse de plus en plus ce drôle de confinement new style. Il est temps de prendre des décisions qui feront que les Tendances puissent se fondre dans les Favorite Things. Des décisions que jusqu'ici je n'arrive pas à mettre en pratique :

1. Arrêter d'écouter les infos, même celles de France-Culture ; maintenant que l'on est débarrassé de Trump, il n'y aura plus guère de vraies nouvelles, et de bonnes : montée des cas de Corona, montée du nombre d'attentats partout dans le monde. Autant arrêter d'être maso en révisant tous les jours...

2. Arrêter aussi la lecture du fil des copains : sensée me faire du bien, la plupart du temps, elle m'énerve : moi la randonneuse qui me contente de mon kilomètre de rayons, je vois les copains qui se promènent sur le Promenade des Anglais, les autres qui likent, voire les félicitent comme de nouveaux héros du confinement. La plupart des vieux d'aujourd'hui sont des ex-soixante-huitards, et obéir à des consignes, ça les emmerde. Braver le confinement pour le supporter leur rappelle peut-être leur parade de jeunesse. Je n'ai pas envie d'être aveugle. Mais je n'ai pas envie non plus de me fâcher avec mes copains. La plupart sont retraités. Moi tous les jours je vais bosser au milieu de mes petits qui éternuent et postillonnent tous azimuts sans masques ; leurs parents, en grosse minorité, portent le masque sous le menton et pour adresser la parole se rapprochent en l'ôtant carrément pour que vous puissiez les comprendre mieux. 

3. Il me restera du temps pour faire tout ce que j'aime faire et pour lequel le temps me manque : de la lecture, des etegamis, de la vielle à roue et donner des nouvelles de mon kilomètre de rayon ...


13.11.20

Murakami et Ozawa : aide à la lecture (10) : troisième conversation : Chef assistant de Léonard Bernstein




"Ozawa : (...) Ala suite de mon mariage et de mon augmentation de salaire, nous nous sommes installés dans un appartement à l'étage. Mais comme les étés sont caniculaires à New York, et que, bien entendu, nous n'avions pas de climatisation, lorsque nous n'arrivions pas à dormir, nous allions dans un cinéma ouvert toute la nuit - le moins cher que nous avions trouvé - et nous dormions là-bas. Nous habitions près de Broadway, par conséquent il y avait beaucoup de cinémas dans notre quartier. Mais dans la plupart d'entre eux, on vous forçait à quitter votre siège à la fin du film. Cela nous obligeait à nous réveiller toutes les deux heures pour sortir dans le hall et tuer le temps."
De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

12.11.20

En cheminant avec la parasha (6) : Haye Sara

                                                Le sacrifice d'Isaac (détail), le Caravage
 

En relisant la parasha cette année, d'épisodes archi-connus, peut-être à cause du pessimisme ambiant, je redécouvre nos patriarches sous un aspect qui m'avait échappé. Ainsi que penser d'Isaac ? Est-ce le traumatisme de son presquassasinat, ou le syndrôme Tanguy. Cet homme au patronyme si gai, que se passe-t-il dans sa vie ? Longtemps (trop?) attendu, il naît d'un couple de vieillards, et aussitôt on éloigne  son demi-frère. Puis il est proposé pour l'holocauste, et il se laisse faire, se laisse lier, se laisse tuer. Au début de notre parasha, Sarah est morte, de chagrin ? Le voilà orphelin. Et puis on veut le marier. On a tellement peur de sa faiblesse, qu'Abraham lui interdit formellement le voyage (24-6). C'est donc un serviteur qui choisira sa femme, la belle Rivka, pleine d'initiative, on voit déjà que c'est elle qui va porter le pantalon ... A l'arrivée de Rivka, que faisait Isaac ? Il méditait. Et aussitôt il la conduisit chez sa mère. Il va hériter de toute la fortune d'Abraham. 

A la mort d'Abraham, Ismaël a douze fils. Le destin des Hébreux est pourtant dans les mains d'Isaac. Isaac, réveille-toi !

8.11.20

En cheminant avec la parasha (5) : Vayera ou la déroute familiale

Je pensais qu'étudier attentivement toute la Parasha chaque semaine allait m'aider à traverser le nouveau confinement avec plus de sérénité. Mais pour celle là spécialement je commence à douter.

Pourtant, ça avait bien commencé avec un de mes épisodes préférés. C'est l'extrait où Abraham reçoit les trois hôtes en sa tente. Toute ma vie, je regretterai de ne pas avoir acheté l'icône chez ce marchand du vieux Jérusalem, que je n'ai jamais retrouvée  et qui est restée gravée dans ma mémoire. La délicatesse du tracé racontait parfaitement le récit de ce passage qui commence notre parasha.

Abraham, l'hospitalier, plaide pour Sodome. Abraham n'est pas Noé, Abraham ne veut pas que les Justes périssent. Abraham marchande, et ira jusqu'à dix. Peut-être qu'Abraham ne savait pas qu'il n'y avait pas dix justes à Sodome et il s'en retourna pensant qu'il avait bien plaidé.

Mais mon répit est de courte durée.


Il sera dit que neuf Justes dans une ville injuste n'ont pas le droit de vivre. Il sera dit aussi qu'il n'est pas bon y être un enfant.

Et c'est ainsi que tout dérape. Trop de récits fondamentaux sont enfermés dans cette parasha. Les épisodes s'enchaînent, plus glaçants les uns que les autres, du coup, l'attention se relâche, et on ne voit pas tout ce que cette parasha a d'insupportable, de terrifiant. Mais bon sang de bonsoir , comment ne m'en étais-je pas aperçu avant ? Abraham, avinou, notre père, mais quel père ? et  de quelle famille ? Revisitons un peu nos aïeux :

Vous êtes une fille ? Vous n'avez pas de nom, filles anonymes. Voici Loth qui protège l'étranger, mais ce n'est pas l'amour paternel qui l'étouffe : en échange du salut de ses hôtes il propose aux Sodomiens de violer ses filles, vierges, de n'importe quelle façon (Génèse 19,8). Les Sodomites n'acceptent pas le marché, peut-être au fond ont-ils un peu de morale familiale si le reste ne suit pas ... En tout cas, les filles ont bien trempé dans la culture sodomite : après avoir échappé au viol par des inconnus, persuadées que le monde a disparu comme au temps de leur ancêtre Noé, elles ne veulent pas rester sans descendance et décident à leur tour de violer leur père ( qui apparemment se laisse tenter à noyer son chagrin dans l'alcool) à tour de rôle, après l' avoir enivré. Dieu refusait l'enfantement à Sarah, mais il le permettra pour les filles de Loth, permettant au Messie d'advenir (par l'intermédiaire de Ruth)

Vous êtes une épouse ? 

    -Vous n'avez pas de nom, comme la femme de Loth ; on ne sait pas quand Loth l'a épousée, si elle a eu de lui des fils, d'autres filles. On sait juste d'elle qu'elle s'est retournée mais on ne sait pas le motif : pleurait-elle sa maison ? sa famille ? Etait-elle simplement curieuse ? ou incrédule ? Jamais on ne saura. La femme de Loth, s'étant retournée, deviendra statue de sel (Genèse 19-26). 

    - Vous en avez un, vous venez juste de le changer : pour modifier votre destin ? Il semblerait que non car Abraham remet ça, et là c'est moins facile à avaler : il laisse encore partir sa femme avec le premier (donc le deuxième roi) venu, Abimelekh cette fois, et la fait encore passer pour sa sœur, (en plus il raconte des bobards, Genèse 20-13). 

    - Vous êtes une concubine mère porteuse : comme Agar, avec de l'eau et du pain, on vous renverra dans le désert, pour la deuxième fois.

Ne croyez pas que les garçons sont mieux lotis.   

 - Vous êtes un fils ...

    ... "illégitime "? Ca ne marche pas pour vous "avinou", notre père si vous vous appelez Ismaël.  On vous renvoie, en ayant protesté un peu quand même, sur de vagues promesses. Il vous reste votre mère ? si elle n'a pas le sens de l'orientation, comme Agar, elle vous perdra dans le désert. Puis elle vous abandonnera à une mort solitaire, sous le prétexte que c'est trop dur de vous voir périr (Genèse 21-16); de toute façon, elle est nulle : elle n'avait même pas vu la source qui vous aurait sauvée (Genèse 20-19). 

-Mais ne croyez pas que le fils "légitime" est mieux loti, et la parasha finit en apothéose : votre père , en directe communication avec Dieu, va partir en randonnée pédestre pour vous donner en holocauste, en vous obligeant à porter le bois de votre bûcher, à vous laisser attacher.  Lui qui voulait trouver dix justes, il ne marchandera pas pour vous ... Accablé par le chagrin, ou totalement lâche, aveugle (?), vous ne tenterez même pas de vous sauver ...

Soyez en convaincus, frères humains, on ne peut compter que sur les anges, qui seuls, secourront les deux frères : l'un viendra secouer Agar, l'autre stoppera le bras d'Abraham afin qu'il ne tue pas Isaac.

Est-il besoin d'en rajouter ? Je crois que j'ai besoin de faire un break jusqu'à la semaine prochaine ...

4.11.20

Tendances (11) : la France mais la République

 Mon ami Christian Jacomino a écrit un article qui parle de la France et de la République.

J'ai eu envie de lui répondre et de me souvenir de ces cours de Mme Richter, mon professeur d'Histoire de Terminale au lycée Calmette qui m'ont ouvert la voie vers mes études d'Histoire, et qui ont surtout, plus que l'Université, formé mon esprit critique et mon regard sur le monde. Sans doute aujourd'hui pourrait-elle être en danger de mort .

Quelle étrange idée pour moi que de vouloir dissocier  France et République, ces deux notions qui m'ont construite en tant que citoyenne...

La France, où la République est écrite jusque sur le fronton de certaines églises

église de Salernes (83)

 église de Aups (83)


Dans la Résistance, il n'y avait pas que des républicains, évidemment : des royalistes, des communistes. Mais ce n'est pas une raison pour vouloir sucrer la République. Dans la biographie de Charles De Gaulle qui passe en ce moment sur notre chaîne nationale, un passage fait écho de la complexité qui se joue : A la Libération, le président du Conseil National de la Résistance demande à De Gaulle de proclamer le retour de la République, mais De Gaulle refuse car pour lui la France Libre a toujours existé et Vichy n'était pas légitime. C'est la raison qu'évoquait Mitterand pour ne pas s'excuser de la déportation des juifs de France à la commémoration du Vel d'hiv. 

Il n'y qu'une France, mais il n'y a aussi qu'une République comme en France. Du moins c'est ce que j'espère et ce dont je désespère par ces temps de mauvais vent. Liberté, égalité, fraternité, va -t-on garder le cap ?

 La France est intimement mienne, mais à présent, sans la République, elle n'est rien. Si je devais y faire une liste, comme mon ami Christian, je n'y mettrai pas saint Louis sous un chêne, " Louis IX alias saint Louis" comme le titre une BD, le tueur de Cathares, le "pogrommeur" de Juifs. 

1.11.20

My favorite things (30) : automne (11)

 1. Lectures

"J'avais été un peu déçue par l'écriture de Kawabata. Les caractères étaient serrés sur la droite - comme le contenu d'un bento trop longtemps transporté de travers. "

La république du bonheur. OGAWA Ito

2. Statues de ma voisine

Sainte de salon (Canaux)



3. Fruits de saison
Les kakis si chers à mon cœur. Il y a 12 ans, ils furent mon plus joli cadeau de mariage dans le Kanagawa.

4. Il est certainement recouvert de neige aujourd'hui


5. Quand pourra-t-on retourner danser ?

30.10.20

En cheminant avec la parasha (3) : Lekh-Lekha

                                                            peinture de Luigi Gillarduzzi


Dans cette parasha, les commentateurs s'attardent beaucoup sur le titre et ce qu'elle sous-entend.

Il est vrai que lorsqu'on s'approfondit sur le reste, c'est un peu moins glorieux. 

Si vous avez oublié, le story-board :

Tout de suite, la pub pour le départ est bonne :  va et je te ferai devenir une grande nation, je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai ceux qui te maudiront et par toi seront heureuses toutes les races de la terre (Genèse 12, 2 et 3)
Quand on a 75 ans, quelle aubaine ! Ici, nos retraités partent pour le Portugal pour bien moins que cela ...

Abraham ne part pas de rien : il prend sa femme, son neveu, tous ses biens.

Pour le néophyte, celui qui ne connait pas tout le prestige qui entoure le héros, Abraham commence mal : il vit sous la tente, croise une famine, et commence par un énorme mensonge et une carrière de proxénète : le deal est bon : contre sa "sœur" il reçoit toutes sortes de bêtes, vraiment beaucoup,  et des esclaves (Genèse 12, 16). En plus, il ne risque rien puisqu'on saura plus tard que Saraï est stérile. Ensuite, Dieu n'envoie des plaies qu'à ce pauvre Pharaon qui n'y est absolument pour rien, sauf d'avoir pris du bontemps avec Saraï et rendu Abram un peu plus riche. Une bonne affaire pour le patriarche qui est devenu très riche et se voit renouveler la promesse de Dieu. Loth, qui avait eu les yeux plus gros que le ventre, se retrouve au milieu des ennuis mais il est sauvé par Tonton qui devient au passage encore un peu plus riche (Genèse, 14,16).

Bon, il manque encore à notre héros une descendance pour que tout soit parfait, et promesse lui en ai faite : ta postérité sera un peu esclave pendant quatre cents ans, mais après, c'est OK pour la richesse; et pour toi, vieillesse heureuse et fin paisible ((Genèse, 15,16)

La promesse n'a pas été faite à Saraï. Qu'à cela ne tienne : on sait tous aujourd'hui que quand on a de l'argent, on peut se payer une mère porteuse un peu concubine, ce qui fut fait. Apparaissent des problèmes de polygame, et Abraham ne souhaite pas se mouiller : "Voici, ton esclave est dans ta main, fais-lui ce que bon te semblera" (Genèse 16, 6). On éjecte Agar avec perte et fracas, sans indemnités de rupture de contrat. Heureusement qu'un envoyé de Dieu ou de l'Observatoire de la Laïcité demande à l'esclave de recommencer à s'humilier (Genèse 16, 9) contre une descendance nombreuse. Vous noterez bien qu'il n'y a pas de promesse de richesses, déjà de l'islamophobie ...

Dans le chapitre 17, on rajoute une petite condition physique : la circoncision, incontournable (Genèse 17,14) Et de là, la nouvelle Sarah décroche la promesse d'Isaac, sans qu'Abram, devenu pourtant Abraham y croie vraiment ...

J'attends avec impatience la parasha suivante, car pour le moment, vous en conviendrez,  Abraham notre père, euh euh ...


28.10.20

Murakami et Ozawa : aide à la lecture (9) : deuxième interlude (1)

 "Murakami : (...)je pense qu'écrire de la fiction a progressivement développé mon oreille musicale.

Ozawa : Intéressant ...

Murakami : Personne ne m'a appris à écrire et je n'ai jamais étudié les techniques d'écriture. Alors comment ai-je appris à écrire ? En écoutant de la musique. Et qu'est-ce qui compte le plus dans l'écriture ? Le rythme. Sans rythme pas de lecteur. Sans cela, la lecture devient laborieuse. C'est par exemple le cas pour les modes d'emploi, et ceux qui en ont déjà lu savent à quel point l'expérience est désagréable. 

En général, on peut prédire l'impact qu'aura l'œuvre d'un nouvel écrivain en fonction du rythme qu'il donne à son style. Mais d'après ce que j'ai pu lire, la plupart des critiques littéraires ignorent ce critère. Ils se contentent d'évoquer la subtilité du style, l'incongruité du vocabulaire, l'élan narratif, le traitement des thèmes, les différentes techniques employées, etc. Mais je pense que ce lui qui écrit sans rythme n'a pas le talent nécessaire pour être écrivain. "

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

26.10.20

Tendances (10) : Corona (01)

1. Les nuits sont redevenues silencieuses ...

2.Ce soir à l'entrée de Monop', un homme s'énerve : "remettez votre masque correctement ! Le masque c'est sur le nez ! ". A l'adresse d'une mémé mal équipée qui parlemente pour rentrer alors qu'il faut un masque bien mis ET une carte de crédit pour payer qu'elle n'a pas. Je recroise l'homme au rayon du beurre marmonnant pour lui seul "je m'énerve, je m'énerve ...". Je lui adresse à haute voix toute ma compassion. D'une voix désespérée, il affirme "J'ai raison n'est-ce-pas ? C'est déjà le couvre-feu, on ne peut plus rien faire, qu'est-ce qui va arriver si les gens continuent ainsi  ?". Il a eu toute ma gratitude.

3. Une certaine Denise H. de 88 ans envahit les réseaux sociaux avec son droit de mourir libre sans masque, avec sa famille dans son Ehpad et d'assister au mariage de son petit-fils avec les cent invités. Ce n'est pas au rayon du beurre, mais elle a aussi ses fans et ses reconnaissants. Je repense à ma mère dans son Ehpad, avec son groupe assez semblable à mon groupe de Moyenne Section de l'école en pire. Les gens ont oublié que rentrer dans un Ehpad, c'est faire "le choix" de vivre, de devenir assisté de la collectivité parce que l'on ne peut plus être assisté chez soi. Il y a une solution pour vivre selon ses propres choix : sortir de l'Ehpad, retourner dans sa famille pour faire des bisous sans masque et assister aux mariages. Ca fera un heureux sur la liste d'attente des emprisonnables volontaires, qui doit être longue. A tous ces gens épris de liberté, on pourrait faire un contrat : tu vis ta vie, mais tu renonces à l'hospitalisation ; ça fera aussi des heureux dans la liste d'attente des candidats aux opérations non urgentes, comme ceux qui attendent qu'on leur pose des ressorts pour leurs artères ...

4. Vu sur la Promenade des Anglais, un masque à l'intitulé for sympathique : je vous déteste tous. Ca met l'ambiance; elle promenait son chien, un fox : bien choisi, la race du chien, assortie au masque ...

5. Antidote absolu :


A entendre aussi dans le premier épisode d'une série qui s'annonce époustouflante.

25.10.20

My favorite things (23) : automne (12)

 1. Lectures 

"Maintenant que je le savais, je brûlais d'envie de lui écrire. Je n'avais pas le temps de choisir du papier et un crayon; j'ai attrapé un stylo Uni qui traînait pour vite livrer mes sentiments au papier. Si j'avais fait un brouillon, l'essence de ma pensée se serait évaporée, il me fallait écrire d'un jet. "

Le bonheur retrouvé, OGAWA Ito, ch. Riz au mukago

2. Statues de ma voisine

J'ai commencé une collection de statue de ma voisine. 
Celle d'Aups est d'une élégance raffinée, tout dans le détail ...


3. Association des Royaumes de Savoie et du Comté de Nice

Musiques et souvenirs

23.10.20

My favorite things (22) : automne (11)

 1. Lectures

"j'avais choisi une encre verte. Dans mon travail habituel, je n'ai pas vraiment l'occasion d'utiliser cette couleur. Pour ainsi dire jamais. Mais quand j'avais écouté Madame Bernard-l'ermite parler, ses mots m'étaient apparus dans des tons verts"

Le bonheur retrouvé, ch. Riz au mukago, OGAWA Ito

2. Un p'tit coin de paradis. Roquebrune (suite)

Un tout petit bas-relief 


3. Musiques
Ils ne sont plus là mais il reste la musique ...




Murakami et Ozawa (7) : aide à la lecture : premier interlude

 


"...quand j'étais adolescent, je suis tombé amoureux du Quatuor à cordes n°15 en ré mineur (K421) de Mozart, l'un des six quatuors dédiés à Haydn, interprété par le Julliard String Quartet. A tel point qu'aujourd'hui encore, lorsque quelqu'un parle du K.421, je pense automatiquement à l'interprétation énergique du quatuor Julliard et visualise la pochette de l'album dans ma tête. Elle est ancrée en moi et, en général, c'est cette interprétation qui me sert de comparaison à toutes les autres. "
De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

22.10.20

Tendances (09) : automne (10 )

 1. Mon ami Christian a rêvé cette nuit. Je me souviens, quand je me suis retrouvée seule, l'épreuve des nuits. Harassée de chagrin, je m'endormais sans somnifère. Et pourtant, les rêves me faisaient appréhender la nuit. Je ne faisais aucun cauchemar, pas de tourments sur les sentiments trahis, sur les douloureux règlements de la séparation. Des voyages, des visites, des randonnées, du comme avant. Au réveil, le comme avant est insupportable, insoutenable, il n'y a plus qu'à fondre dans les larmes, déjà, dès le réveil, en attendant les autres registres au fil de la journée. Encore maintenant, quinze ans se sont passés, pas une semaine ne passe où il est dans mes rêves; juste là, m'accompagnant, pas d'interférence, il est juste là comme une évidence. Au réveil, je peste ; pourquoi ? pourquoi ne rêvè-je pas de l'homme qui partage mes jours dans cette douce vie intime ?  Pourquoi suis-je encombrée de celui qui n'est plus que l'ombre de celui que j'ai tant aimé et l'ombre de lui-même, mais qui a laissé la place, inexistante dans le monde éveillé ? Il y a dans le rêve quelque chose d'injuste, et personne chez qui déposer de recours ...

2. Hier, cérémonie à la Sorbonne en la mémoire de Samuel Pati, retransmise sur la chaîne nationale. Des chroniqueurs sont invités, pour nous apprendre sans doute comment il faut penser. Des chroniqueurs, une femme imam. Et c'est reparti pour un tour.  Juste pendant le temps de la cérémonie, ç'aurait été bien qu'ils  n'aient pas en tête la seule idée de padamalgam. Juste le temps de la cérémonie, se mettre un peu dans la peau de l'autre assassiné et mettre son soi de côté. Juste un peu fermer sa gueule, même aller jusqu'à avoir honte, ça ne peut pas faire de mal pour qu'on y croie, à cette sincérité.

3. Lectures
"L'écriture n'est pas qu'une question superficielle de beauté ou de laideur, ce qui compte c'est le cœur qu'on y met. De la même façon que le sang coule dans les veines, si l'écriture exprime sincèrement nos intentions, le destinataire le sent. J'en suis convaincue."
Le bonheur retrouvé, OGAWA Ito, ch. Boulettes à l'armoise

4. A Flayosc, tu es prévenu

Murakami et Ozawa (6) : aide à la lecture : première conversation (5) : Uchida et Sanderling


Le solo de piano d'une incroyable subtilité s'achève, et l'orchestre intervient de nouveau. On entend un véritable miracle musical. Les deux auditeurs poussent des gémissements simultanés (5:42).

(...)

Murakami : plus vous m'en dites, plus je me rends compte à quel point il est difficile de diriger un orchestre. Ecrire un roman tout seul dans son coin est bien plus facile. (Eclat de rire. )

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji




 

21.10.20

En cheminant avec la parasha (2) : Noah

 

La grande inondation. Gustave Doré

C'est Daniel Mendelsohn dans les disparus qui m'a fait prendre conscience de ce que soulevait la parasha de la semaine...
Le texte précise bien, tout de suite : "Ceci est l'histoire de Noé. - Noé fut un homme juste, irréprochable, entre ses contemporains ; il se conduisit selon Dieu. "(Genese 9-1)
Entrée glaçante après la lecture mendelsohnienne. Noé est un "tsadik". J'ai du recourir à l'hébreu pour être sûre que j'avais bien lu. Car en français contemporain un "juste" c'est aussi un "juste parmi les nations". Mais finalement, l'honneur des "justes parmi les nations" est sauf, car l'hébreu dit d'eux "hassids" et non "tsadiks". Ils ne sont pas comme Noé
Noé, l'homme qui obéit à Dieu. Sans discuter, sans commentaires. Abraham, à Sodome, marchandera jusqu'à dix tsadikims avant de renoncer. Noé ne discute pas. Noé ne parle pas. Aucun mot ne sort de sa bouche. Noé obéit : tout ce que Dieu lui prescrit, il l'exécute précisément. 
"Dieu considéra que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre. Et Dieu dit à Noé : "le terme de toute les créatures est arrivée à mes yeux, parce que la terre, à cause d'elles, est remplie d'iniquité; et je vais les détruire avec la terre" (Genèse 9-12 et13)
Laissons répondre Daniel Mendelsohn aux commentateurs qui tentent de justifier le déluge : " Rien de tout cela, il faut le dire, ne semble très satisfaisant quand on abandonne les abstractions des commentateurs et qu'on prend le temps de se demander à quoi peut ressembler l'extinction de la vie d'un petit enfant par noyade ou autrement. Même après avoir médité le commentaire de Rachi, il est difficile de ne pas penser, vu la façon dont la Torah se préoccupe de maintenir les distinctions entre les choses, que l'annihilation des innocents et des coupables sans discrimination dans le récit du Déluge a quelque chose de relâché et de non casher, qui est à la fois inhabituel et dérangeant."(les Disparus, 3,ch2, l'histoire du Déluge)
La Genèse, contrairement à Gustave Doré, ne nous décrit pas les images de la réalité de la destruction. Et surtout, il manque le bruit. Dans son témoignage de l'inondation de la tempête Alex dans la Vésubie, une rescapée nous raconte comment, au tout début de la montée des eaux, c'est le bruit qui les a alertés :
"La matinée de vendredi s’était déroulée tout à fait normalement. On a travaillé comme d’habitude et nous sommes allés manger, un peu tardivement. Et à la fin du déjeuner, nous avons eu une coupure d’électricité et à ce moment-là on s’est un peu plus concentré sur ce qui se passait autour de nous. Avec mon père on s’est rendu compte que le bruit autour de la maison n’était pas du tout le même que d’habitude. La Vésubie ne faisait pas du tout le même bruit..." Puis elle nous raconte comment elle a sauvé ses quatorze chevaux, un par un, ce qui fait qu'elle n'a pu rien sauver, RIEN, pour elle-même, que les habits sur son dos, sa maison ayant été totalement emportée.
Le bruit, le cri des gens qui meurent, qui frappent sur l'Arche pour être sauvés, et que les rescapés entendent à l'intérieur de l'Arche (seule scène valable pour rattraper le film Noé ).
Après le cataclysme qui a frappé ma région en cet automne terrible, la parasha Noé tombe étrangement. Ces gens emportés dans leur maison. Deux  loups blancs retrouvés noyés. Les calmes vallées dévastées pour toujours. Les personnes disparues; mais aussi les vaches, les marmottes ... 
Comment se tourner vers Dieu, lorsqu'on lit la parasha Noa ? 

19.10.20

My favorite things (21) : automne (09)

 

1.Cheerianou. Le retour des châtaignes. Celles-ci étaient parfaites : charnues, goûteuses. J'ai essayé au micro-ondes, ça marche bien. 
Le goût de l'enfance. Nous n'en achetions jamais à la guérite devant l'église Notre-Dame où le gros bidon de féraille m'intriguait. Nous n'allions pas non plus en chercher en forêt, je me demande bien pourquoi. Mais ma mère en achetait au marché. Pour l'inauguration de la saison, elle en faisait dans la grande poële à trous. Puis ensuite, pendant toute la saison, elle en disposait quelques unes sur la grande cuisinière à mazout de la cuisine, là où mijotait aussi la soupe, et c'était un délice. J'adore tout : le contact lisse de la chataîgne crue, le petit bruit et la vibration de la coque cuite qui craque sous les doigts, puis celle de la peau qui se fend. J'aime aussi les châtaignes crues, c'est plus long et plus douloureux pour les phalanges avec la peau poilue qui colle au doigt. J'aime aussi les châtaignes corses, pelées et très sèches que l'on trouvait dans le Vieux-Nice au temps d'avant, esquintant les dents mais au parfum bien particulier ...

2. Les anges chez les catholiques, c'est vraiment quelque chose qui m'étonnera toujours ...
cathédrale de Lorgues

3. Au temps d'Amazon, ce genre de boutique me rassure, tout n'est pas perdu ...

3. Nostalgie. Mon premier tube devant public, à Sorède (Pyrénées Orientales) le village de ma mère, j'avais 4 ans et je savais déjà les chansons par cœur, même sans connaître la langue ... Je me souviens l'avoir chanté dans la rue, devant ma copine Marie Louise et , sans doute l'oncle Gep, un très vieux monsieur assis sur un banc aussi vieux que lui et peut-être même plus vieux, devant chez lui, rue des Foumiguers 

14.10.20

En cheminant avec la parasha (1) : bereshit

Eve, 1896, Lucien Lévy-Dhurmer
 

Ca y est , on a passé le cap du cycle de lecture, sans fête, sans danse avec la Torah, sans ronde avec les copines, sans les chansons, les rires et les bonbons. C'est le nouveau style épidémique.
M'a donné l'envie d'explorer quotidiennement, ou plutôt de tirer de la lecture hebdomadaire quelques élucubrations, et en plus je vais les partager. Levée des yeux au ciel ...

Bérechit, c'est le début. Je me passerai des commentaires sur le B au lieu du A, d'autres ont fait cela beaucoup mieux que moi. 

Non, une piste m'est apparue hier devant mon téléviseur, en visionnant un film français de 2018 , Nos batailles, avec une icône, Romain Duris. Le pitch : une femme, mère de deux enfants, femme d'un syndicaliste dévoué surtout aux autres, très fatiguée et très malheureuse quitte le domicile conjugal et laisse la charge du foyer à son époux, Romain Duris, qui évidemment va galérer. Elle ne donne aucune nouvelle sauf une carte postale de Wissant. Pour ceux qui restent, c'est vraiment la galère galère. Mais la pauvre la pauvre, elle devait avoir ses raisons, elle devait être très malheureuse, elle doit être malheureuse, etc. etc.
C'est dommage que le cinéaste ne soit pas venu un lundi matin (c'est le jour de la "tourne" pour les gardes alternées) dans ma classe maternelle où des enfants en vrac pleurent toutes les larmes de leur corps, hurlent leur colère à grands cris, appellent l'un des deux parents ou les deux parents à la fois ... 

Quel rapport avec la Parasha Bereshit ? Tout.

Béreshit, c'est la création du monde, du nôtre : notre espace, nos 2 ancêtres.
Dieu a créé l'Eden, mais les humains ne savent pas en profiter : dès le départ, ils ne savent pas exploiter les biens de la Terre sans en abuser, se contentant d'ouïe-dire .  Logés, nourris, pas encore blanchis, ils ne sont pas satisfaits, en veulent plus, se croyant déjà immortels ((Genese 3.5). Ils dénient leur culpabilité dans le c'est pas moi c'est l'autre (Genese 3.12-13). Quelle phrase est-elle plus odieuse que "Suis-je le gardien de mon frère ?" (Génèse 4.9). Très contemporaine, Eve utilise déjà à son unique profit la fécondation in-vitro ("J'ai fait naître un homme, conjointement avec l'Eternel (Genese 4.1)" 

Comme le fait remarquer André Néher, l'homme et la femme, prêts à écouter le premier qui passe, (Genese 3.1), s'accusent l'un l'autre  mais ne se parlent pas (ils s'adressent à Dieu seulement).   Et quand leurs enfants Abel et Caïn, se mettent à parler, l'un tue l'autre (Genese 4.8). Ca commence bien, la famille.

L'univers de Bereshit peut paraître austère et dur mais paradoxalement il me réconforte. Les actes des humains ont des conséquences réelles et concrètes, irréparables. Dieu, dans son rôle, ne laisse pas de place à la psychologie, aux excuses du siècle. C'est la loi du "récolte ce que tu as semé", l'hubris-nemesis. La perte de l'Eden, l'exil.

Le lundi matin,  je pense souvent que c'est bien tout ce que l'humain mérite. 



Murakami et Ozawa (5) : aide à la lecture : première conversation (4) : Serkin et Ozawa (2)

 "Ozawa : ... C'est amusant d'être chef invité. Comme je vous l'ai dit, je l'ai fait pendant trois ans. je me souviens en particulier d'un vermouth italien... Carpano... Punt e Mes Carpano. C'est Rubinstein qui me l'a fait découvrir."

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji


12.10.20

Murakami et Ozawa (4) : aide à la lecture : première conversation (3) : Serkin et Ozawa


 "Murakami : J'aime beaucoup la façon dont Serkin aborde cette cadence. On dirait qu'il escalade une colline avec une lourde charge sur le dos, rien n'est fluide ici, on a presque l'impression qu'il bégaie et il force l'admiration. Est-ce qu'il va réussir ? Et-ce qu'il va arriver sans encombre jusqu'au sommet ? En l'écoutant on s'inquiète pour lui, et la musique vous saisit."

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

11.10.20

Murakami et Ozawa (3) : aide à la lecture : première conversation (2) : Serkin et Bernstein ; instruments anciens Jos Van Immerseel, Bruno weil

1.

2.

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji




 

My favorite things (20) : automne (08)

 1. Chapelles

Chapelle sainte Brigitte à Vidauban :


Elle a attiré notre regard depuis l'autoroute A8. Sa situation à la prophète Elie est magistrale. 



Le site, accessible en une longue spirale pédestre, est la quintessence de la Provence : oliviers en terrasses, chênes verts, grenadier, ânes gris. L'arrivée est délicieuse, la chapelle est toute couverte de mots d'amours gravés, et il ne manque rien, pas même deux tables d'orientation en granit (NB : ceux qui pensent que ce qui est gravé dans le granit est immuable, détrompez-vous) donnant sur les vignes du Rosé et les bâtiments cossus. Tout ceci rend d'autant plus décevant, presque déprimant, l'intérieur que l'on aperçoit à travers le portail vitré, du genre tout-ça-pour-ça : des murs blancs chaulés, deux images pieuses saint-sulpiciennes ou italiennes mère-fils délavées posées sur un autel médiocre. Les chapelles grecques les plus perdues rivalisent de mignonneries : canevas minutieusement brodés, exvotos, petits bouquets secs. Mais nous sommes en Provence, Sainte Brigitte n'a plus de fidèles, elle est désœuvrée. 

2. Cafés

A Lorgues, l'embarras du choix, et d'où l'on est on a le temps de regretter en observant les autres : à l'Embuscade, air plus chic, aurait-il été moins amer ? Mais les deux têtes de sangliers qui ornent l'entrée ne me font pas vraiment regretter.

3. Beaux mecs.
Il en jette le Romain
cathédrale de Lorgues

9.10.20

Murakami et Ozawa (2) : aide à la lecture : première conversation (2) : Gould et Karayan, Gould et Bernstein

1.

2.

"Murakami : il fait preuve d'une telle liberté dans les changements de rythme. C'est son style - s'il avait été écrivain, on aurait pu dire que c'était sa manière d'enchaîner les phrases. L'accompagner devait être difficile.
Ozawa : Oui, bien sûr.
Murakami : ce qui signifie qu'en répétition il fallait comprendre sa respiration et tenter de s'y adapter ?
Ozawa : Eh bien oui. La difficulté tient à ce que des musiciens d'un tel calibre sont capables de le faire aussi en concert. Le chef et le soliste doivent donc calculer soigneusement leurs gestes, même s'il s'agit moins, en réalité, de calcul que de confiance."
(...)


"Avant que je retourne le disque pour passer le deuxième mouvement, nous nous accordons une courte pause pour boire un thé Hojicha chaud et manger des gâteaux de riz."


"Murakami : Il ne doit pas exister beaucoup de pianistes capables de jouer ce deuxième mouvement sans le rendre vraiment très ennuyeux.
Ozawa : C'est exact. "

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji





 

Tendances (08) : automne (07)

 1. Chanson (bis) 


Cela peut représenter un luxe que de mourir du coronavirus, trempé dans sa couche, sur le fauteuil roulant de son ehpad. Alors qu'on peut mourir emporté par la Vésubie, kalashnikové au Bataclan, écrasé à pied sur le trottoir de la Promenade des Anglais ou dans sa voiture au péage d'Antibes, d'un bon cancer du fumeur, d'une intoxication chez Mac Do, d'avoir confondu les couloumelles avec une amanite printanière, d'une hydrocution à la plage, veuf, d'une corniche effondrée d'un immeuble, en sautant du pont de l'Artuby,  d'une attaque devant sa télé ...

2. Lectures

" On a tendance à parler de la Shoah d'une façon mystique, à lier les événements à l'inexplicable, au mystérieux, à la folie, à l'insensé. Cette tendance est compréhensible. A tout point de vue, elle est dangereuse. L'assassinat, sa malignité intentionnelle, ne dovent pas être interprétés dans le langage de la mystique. Une main ignoble s'est levée contre la race humaine : il n'y a pas de mysticisme, mais un coup porté au pilier central des Dix Commandements. "

Aharon Appelfeld, L'héritage nu, 2e conférence, fin.

8.10.20

Tendances (07) : automne (6)

1.Randonnées : Le ballet incessant des hélicoptères nous rappelle sans cesse le désastre de nos vallées. Le préfet a interdit l'accès à toutes les forêts pour le week-end, même loin des inondations : les hélicoptères et les secours sont réservés aux sinistrés et le préfet a énoncé clairement qu'il n'était pas question de passer son temps ce week-end à secourir des randonneurs après tout ce qui s'est passé.

En attendant il reste les petits paradis (Roquebrune)



2. Ce matin, mon ami Christian a publié sur son blog un texte très émouvant illustré d'un très morceau de Vivaldi. J'ai toujours beaucoup de mal avec les contreténors. D'abord parce qu'ils sont assez souvent de mauvais ténors recyclés. Ensuite :  s'ils sont bons, le public leur trouve un angélisme inégalé; pour parler vrai, cela me révolte. D'abord parce que la musique, ce n'est ni par des anges ni pour des anges. La musique ce sont des tripes, des hormones, des sentiments, de la vie quoi ! C'est sans doute pour cela qu'on a mis les femmes de côté, interdites de concerts, de théâtre, remplacées par des hommes ou pire encore par des petits garçons. 
Heureusement, il y a Cécile Bartoli

3. Lectures

"La guerre nous a appris, à notre étonnement, que la vie la plus atroce n'en était pas moins la vie. Dans les ghettos et dans les camps, les gens s'aimèrent, chantèrent des chansons sentimentales, débattirent des programmes des partis politiques. Il y avait des cours du soir pour apprendre le français, et l'après-midi, les gens prenaient le café -s'ils  en avaient. Au seuil de la mort, un homme recousait encore ses boutons. Et point n'est besoin de rappeler que les enfants jouaient. Plus proche était la mort, plus grand était le refus d'admettre son existence."

Aharon Appelfeld, L'héritage nu, 2e conférence, p59

4. On peut trouver encore des prunes.

Gyoshû Hayami. Bol à thé et fruits