28.1.14

Une autre Schmelele

"Les jours passèrent. Ils passèrent, et chaque matin, Fredelle s'éveillait émerveillée de ne s'être pas noyée dans son chagrin. Elle sautait du lit, comme les héroïnes de ses livres d'enfants, faisiat un grand feu dans la cheminée et constatait, en mangeant ses tartines, que le niveau de tristesse avait encore baissé."
Agnès Desharte, Le principe de Frédelle, ch.21

27.1.14

Vaisselle

"Le père de ma mère, quand il était encore au camp de Drancy, a réussi à lui envoyer un cadeau. Je ne sais pas par quelle entremise, par quelle poste, grâce à quelle complicité.
J'ai longtemps pensé que ce cadeau venait d'Auschwitz, mais en grandissant, j'ai compris que c'était impossible. Quoi qu'il en soit, c'était un présent de l'au-delà. Une assiette en étain, ou en aluminium - sans doute celle dans laquelle il mangeait-, au fond de laquelle il a gravé un dessin à l'aide d'une pointe. S'agit-il de Mickey la souris ou de Félix le chat ? Je ne sais plus. Je n'ai vu cet objet qu'une fois, il y a fort longtemps. Je crois qu'il est écrit, sous le personnage remarquablement dessiné, "à Joujou pour ses cinq ans", avec la date, 11 février 1942, en dessous. Après ça, mon grand-père a bu sa soupe sans un gobelet, dans ses mains, je ne sais pas. Il avait pensé à sa petite fille aux boucles blondes, aux yeux verts, aux joues rebondies, son ravissant bébé, et il s'était demandé comment lui faire plaisir, avec rien.
On ne peut pas regarder cette assiette. Elle a un pouvoir infini. On la sort de l'armoire et on pleure."
Agnès Desarthe, Le remplaçant. ed. de l'Olivier.

26.1.14

Flots (souvenirs)

"Elle pleurait énormément. Des larmes aussi larges que ses yeux ruisselaient de tous côtés. Son nez aussi coulait. M.Espinoza lui tendit un mouchoir. Un mouchoir ne suffisait pas. Un garot aurait été plus approrrié. Frédelle pensa qu'elle allait pleurer ainsi jusqu'à se dessécher entièrement. Elle n'imaginait pas que cela pût s'arrêter. Il fallait qu'elle se vide, il n'y avait pas d'autre possibilité. A quelques temps de là, les pompiers viendraient recueillir les restes de son corps. Un petit paquet rabougri.
Agnès Desharte, le principe de Frédelle, ch.2, éditions de l'Olivier

25.1.14

Récréation

"Frédelle regarda par la fenêtre. Le bureau de la directrice, que celle-ci lui cédait pour certains entretiens, donnait sur la cour. Le maître de service venait de siffler la fin de la récréation. Frédelle admira le ballet abracadabrant des enfants de toutes tailles se relevant, se démêlant, se regroupant. Au terme d'une série de luttes à mort, à l'issue de courses à obstacles vivants, de tirages de cheveux acharnés, ils s'en retournaient vers leur classe, en rang par deux, intacts, se tenant (pour les plus petits) par la main. Seules les franges collées au front et les joues écarlates témoignaient des quinze minutes de chaos absolu dans lesquelles ils avaient été brassés. C'est un miracle de s'en sortir vivant, pensa Frédelle. Se sortir vivant de l'enfance, vraiment, c'est tellement incroyable qu'on mériterait de ne plus jamais mourir après ça."
Agnès Desharte, Le principe de Frédelle, ch.1, éditions de l'Olivier

5.1.14

Epiphanie

Rangées les boules, et le sapin a retrouvé sa terrasse. Comme chaque année, ça m'a fait tout drôle...j'aimais bien ma danseuse cernée de guirlande.

Mes notes de chevet (111) : Choses qui doivent être courtes

Le fil pour coudre quelque chose dont on a besoin tout de suite.
Un piédestal de lampe.
Les cheveux d'une femme de basse condition. Il est bon qu'ils soient gracieusement coupés courts.
Ce que dit une jeune fille.
Notes de Chevet, Sei Shônagon

Estampe de Yôshû Chikanobu

Mes notes de chevet : Femme de basse condition je suis. Mais gracieusement !

4.1.14

1.1.14

Bonne année 2014 !



Passer la dernière journée de l'année sur les chemins de la Sainte Victoire, être profondément endormie à minuit sans entendre les klaxons, préférer le romarin en fleurs de la montagne provençale à l'inaccessible gui pour prononcer ses vœux, voilà un programme qui me va comme un gant, le changement dans la continuité...

Pour 2014, je vous souhaite l'âme simple de ces cueilleurs d'offrandes syncrétistes