30.10.20

En cheminant avec la parasha (3) : Lekh-Lekha

                                                            peinture de Luigi Gillarduzzi


Dans cette parasha, les commentateurs s'attardent beaucoup sur le titre et ce qu'elle sous-entend.

Il est vrai que lorsqu'on s'approfondit sur le reste, c'est un peu moins glorieux. 

Si vous avez oublié, le story-board :

Tout de suite, la pub pour le départ est bonne :  va et je te ferai devenir une grande nation, je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai ceux qui te maudiront et par toi seront heureuses toutes les races de la terre (Genèse 12, 2 et 3)
Quand on a 75 ans, quelle aubaine ! Ici, nos retraités partent pour le Portugal pour bien moins que cela ...

Abraham ne part pas de rien : il prend sa femme, son neveu, tous ses biens.

Pour le néophyte, celui qui ne connait pas tout le prestige qui entoure le héros, Abraham commence mal : il vit sous la tente, croise une famine, et commence par un énorme mensonge et une carrière de proxénète : le deal est bon : contre sa "sœur" il reçoit toutes sortes de bêtes, vraiment beaucoup,  et des esclaves (Genèse 12, 16). En plus, il ne risque rien puisqu'on saura plus tard que Saraï est stérile. Ensuite, Dieu n'envoie des plaies qu'à ce pauvre Pharaon qui n'y est absolument pour rien, sauf d'avoir pris du bontemps avec Saraï et rendu Abram un peu plus riche. Une bonne affaire pour le patriarche qui est devenu très riche et se voit renouveler la promesse de Dieu. Loth, qui avait eu les yeux plus gros que le ventre, se retrouve au milieu des ennuis mais il est sauvé par Tonton qui devient au passage encore un peu plus riche (Genèse, 14,16).

Bon, il manque encore à notre héros une descendance pour que tout soit parfait, et promesse lui en ai faite : ta postérité sera un peu esclave pendant quatre cents ans, mais après, c'est OK pour la richesse; et pour toi, vieillesse heureuse et fin paisible ((Genèse, 15,16)

La promesse n'a pas été faite à Saraï. Qu'à cela ne tienne : on sait tous aujourd'hui que quand on a de l'argent, on peut se payer une mère porteuse un peu concubine, ce qui fut fait. Apparaissent des problèmes de polygame, et Abraham ne souhaite pas se mouiller : "Voici, ton esclave est dans ta main, fais-lui ce que bon te semblera" (Genèse 16, 6). On éjecte Agar avec perte et fracas, sans indemnités de rupture de contrat. Heureusement qu'un envoyé de Dieu ou de l'Observatoire de la Laïcité demande à l'esclave de recommencer à s'humilier (Genèse 16, 9) contre une descendance nombreuse. Vous noterez bien qu'il n'y a pas de promesse de richesses, déjà de l'islamophobie ...

Dans le chapitre 17, on rajoute une petite condition physique : la circoncision, incontournable (Genèse 17,14) Et de là, la nouvelle Sarah décroche la promesse d'Isaac, sans qu'Abram, devenu pourtant Abraham y croie vraiment ...

J'attends avec impatience la parasha suivante, car pour le moment, vous en conviendrez,  Abraham notre père, euh euh ...


28.10.20

Murakami et Ozawa : aide à la lecture (9) : deuxième interlude (1)

 "Murakami : (...)je pense qu'écrire de la fiction a progressivement développé mon oreille musicale.

Ozawa : Intéressant ...

Murakami : Personne ne m'a appris à écrire et je n'ai jamais étudié les techniques d'écriture. Alors comment ai-je appris à écrire ? En écoutant de la musique. Et qu'est-ce qui compte le plus dans l'écriture ? Le rythme. Sans rythme pas de lecteur. Sans cela, la lecture devient laborieuse. C'est par exemple le cas pour les modes d'emploi, et ceux qui en ont déjà lu savent à quel point l'expérience est désagréable. 

En général, on peut prédire l'impact qu'aura l'œuvre d'un nouvel écrivain en fonction du rythme qu'il donne à son style. Mais d'après ce que j'ai pu lire, la plupart des critiques littéraires ignorent ce critère. Ils se contentent d'évoquer la subtilité du style, l'incongruité du vocabulaire, l'élan narratif, le traitement des thèmes, les différentes techniques employées, etc. Mais je pense que ce lui qui écrit sans rythme n'a pas le talent nécessaire pour être écrivain. "

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

26.10.20

Tendances (10) : Corona (01)

1. Les nuits sont redevenues silencieuses ...

2.Ce soir à l'entrée de Monop', un homme s'énerve : "remettez votre masque correctement ! Le masque c'est sur le nez ! ". A l'adresse d'une mémé mal équipée qui parlemente pour rentrer alors qu'il faut un masque bien mis ET une carte de crédit pour payer qu'elle n'a pas. Je recroise l'homme au rayon du beurre marmonnant pour lui seul "je m'énerve, je m'énerve ...". Je lui adresse à haute voix toute ma compassion. D'une voix désespérée, il affirme "J'ai raison n'est-ce-pas ? C'est déjà le couvre-feu, on ne peut plus rien faire, qu'est-ce qui va arriver si les gens continuent ainsi  ?". Il a eu toute ma gratitude.

3. Une certaine Denise H. de 88 ans envahit les réseaux sociaux avec son droit de mourir libre sans masque, avec sa famille dans son Ehpad et d'assister au mariage de son petit-fils avec les cent invités. Ce n'est pas au rayon du beurre, mais elle a aussi ses fans et ses reconnaissants. Je repense à ma mère dans son Ehpad, avec son groupe assez semblable à mon groupe de Moyenne Section de l'école en pire. Les gens ont oublié que rentrer dans un Ehpad, c'est faire "le choix" de vivre, de devenir assisté de la collectivité parce que l'on ne peut plus être assisté chez soi. Il y a une solution pour vivre selon ses propres choix : sortir de l'Ehpad, retourner dans sa famille pour faire des bisous sans masque et assister aux mariages. Ca fera un heureux sur la liste d'attente des emprisonnables volontaires, qui doit être longue. A tous ces gens épris de liberté, on pourrait faire un contrat : tu vis ta vie, mais tu renonces à l'hospitalisation ; ça fera aussi des heureux dans la liste d'attente des candidats aux opérations non urgentes, comme ceux qui attendent qu'on leur pose des ressorts pour leurs artères ...

4. Vu sur la Promenade des Anglais, un masque à l'intitulé for sympathique : je vous déteste tous. Ca met l'ambiance; elle promenait son chien, un fox : bien choisi, la race du chien, assortie au masque ...

5. Antidote absolu :


A entendre aussi dans le premier épisode d'une série qui s'annonce époustouflante.

25.10.20

My favorite things (23) : automne (12)

 1. Lectures 

"Maintenant que je le savais, je brûlais d'envie de lui écrire. Je n'avais pas le temps de choisir du papier et un crayon; j'ai attrapé un stylo Uni qui traînait pour vite livrer mes sentiments au papier. Si j'avais fait un brouillon, l'essence de ma pensée se serait évaporée, il me fallait écrire d'un jet. "

Le bonheur retrouvé, OGAWA Ito, ch. Riz au mukago

2. Statues de ma voisine

J'ai commencé une collection de statue de ma voisine. 
Celle d'Aups est d'une élégance raffinée, tout dans le détail ...


3. Association des Royaumes de Savoie et du Comté de Nice

Musiques et souvenirs

23.10.20

My favorite things (22) : automne (11)

 1. Lectures

"j'avais choisi une encre verte. Dans mon travail habituel, je n'ai pas vraiment l'occasion d'utiliser cette couleur. Pour ainsi dire jamais. Mais quand j'avais écouté Madame Bernard-l'ermite parler, ses mots m'étaient apparus dans des tons verts"

Le bonheur retrouvé, ch. Riz au mukago, OGAWA Ito

2. Un p'tit coin de paradis. Roquebrune (suite)

Un tout petit bas-relief 


3. Musiques
Ils ne sont plus là mais il reste la musique ...




Murakami et Ozawa (7) : aide à la lecture : premier interlude

 


"...quand j'étais adolescent, je suis tombé amoureux du Quatuor à cordes n°15 en ré mineur (K421) de Mozart, l'un des six quatuors dédiés à Haydn, interprété par le Julliard String Quartet. A tel point qu'aujourd'hui encore, lorsque quelqu'un parle du K.421, je pense automatiquement à l'interprétation énergique du quatuor Julliard et visualise la pochette de l'album dans ma tête. Elle est ancrée en moi et, en général, c'est cette interprétation qui me sert de comparaison à toutes les autres. "
De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

22.10.20

Tendances (09) : automne (10 )

 1. Mon ami Christian a rêvé cette nuit. Je me souviens, quand je me suis retrouvée seule, l'épreuve des nuits. Harassée de chagrin, je m'endormais sans somnifère. Et pourtant, les rêves me faisaient appréhender la nuit. Je ne faisais aucun cauchemar, pas de tourments sur les sentiments trahis, sur les douloureux règlements de la séparation. Des voyages, des visites, des randonnées, du comme avant. Au réveil, le comme avant est insupportable, insoutenable, il n'y a plus qu'à fondre dans les larmes, déjà, dès le réveil, en attendant les autres registres au fil de la journée. Encore maintenant, quinze ans se sont passés, pas une semaine ne passe où il est dans mes rêves; juste là, m'accompagnant, pas d'interférence, il est juste là comme une évidence. Au réveil, je peste ; pourquoi ? pourquoi ne rêvè-je pas de l'homme qui partage mes jours dans cette douce vie intime ?  Pourquoi suis-je encombrée de celui qui n'est plus que l'ombre de celui que j'ai tant aimé et l'ombre de lui-même, mais qui a laissé la place, inexistante dans le monde éveillé ? Il y a dans le rêve quelque chose d'injuste, et personne chez qui déposer de recours ...

2. Hier, cérémonie à la Sorbonne en la mémoire de Samuel Pati, retransmise sur la chaîne nationale. Des chroniqueurs sont invités, pour nous apprendre sans doute comment il faut penser. Des chroniqueurs, une femme imam. Et c'est reparti pour un tour.  Juste pendant le temps de la cérémonie, ç'aurait été bien qu'ils  n'aient pas en tête la seule idée de padamalgam. Juste le temps de la cérémonie, se mettre un peu dans la peau de l'autre assassiné et mettre son soi de côté. Juste un peu fermer sa gueule, même aller jusqu'à avoir honte, ça ne peut pas faire de mal pour qu'on y croie, à cette sincérité.

3. Lectures
"L'écriture n'est pas qu'une question superficielle de beauté ou de laideur, ce qui compte c'est le cœur qu'on y met. De la même façon que le sang coule dans les veines, si l'écriture exprime sincèrement nos intentions, le destinataire le sent. J'en suis convaincue."
Le bonheur retrouvé, OGAWA Ito, ch. Boulettes à l'armoise

4. A Flayosc, tu es prévenu

Murakami et Ozawa (6) : aide à la lecture : première conversation (5) : Uchida et Sanderling


Le solo de piano d'une incroyable subtilité s'achève, et l'orchestre intervient de nouveau. On entend un véritable miracle musical. Les deux auditeurs poussent des gémissements simultanés (5:42).

(...)

Murakami : plus vous m'en dites, plus je me rends compte à quel point il est difficile de diriger un orchestre. Ecrire un roman tout seul dans son coin est bien plus facile. (Eclat de rire. )

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji




 

21.10.20

En cheminant avec la parasha (2) : Noah

 

La grande inondation. Gustave Doré

C'est Daniel Mendelsohn dans les disparus qui m'a fait prendre conscience de ce que soulevait la parasha de la semaine...
Le texte précise bien, tout de suite : "Ceci est l'histoire de Noé. - Noé fut un homme juste, irréprochable, entre ses contemporains ; il se conduisit selon Dieu. "(Genese 9-1)
Entrée glaçante après la lecture mendelsohnienne. Noé est un "tsadik". J'ai du recourir à l'hébreu pour être sûre que j'avais bien lu. Car en français contemporain un "juste" c'est aussi un "juste parmi les nations". Mais finalement, l'honneur des "justes parmi les nations" est sauf, car l'hébreu dit d'eux "hassids" et non "tsadiks". Ils ne sont pas comme Noé
Noé, l'homme qui obéit à Dieu. Sans discuter, sans commentaires. Abraham, à Sodome, marchandera jusqu'à dix tsadikims avant de renoncer. Noé ne discute pas. Noé ne parle pas. Aucun mot ne sort de sa bouche. Noé obéit : tout ce que Dieu lui prescrit, il l'exécute précisément. 
"Dieu considéra que la terre était corrompue, toute créature ayant perverti sa voie sur la terre. Et Dieu dit à Noé : "le terme de toute les créatures est arrivée à mes yeux, parce que la terre, à cause d'elles, est remplie d'iniquité; et je vais les détruire avec la terre" (Genèse 9-12 et13)
Laissons répondre Daniel Mendelsohn aux commentateurs qui tentent de justifier le déluge : " Rien de tout cela, il faut le dire, ne semble très satisfaisant quand on abandonne les abstractions des commentateurs et qu'on prend le temps de se demander à quoi peut ressembler l'extinction de la vie d'un petit enfant par noyade ou autrement. Même après avoir médité le commentaire de Rachi, il est difficile de ne pas penser, vu la façon dont la Torah se préoccupe de maintenir les distinctions entre les choses, que l'annihilation des innocents et des coupables sans discrimination dans le récit du Déluge a quelque chose de relâché et de non casher, qui est à la fois inhabituel et dérangeant."(les Disparus, 3,ch2, l'histoire du Déluge)
La Genèse, contrairement à Gustave Doré, ne nous décrit pas les images de la réalité de la destruction. Et surtout, il manque le bruit. Dans son témoignage de l'inondation de la tempête Alex dans la Vésubie, une rescapée nous raconte comment, au tout début de la montée des eaux, c'est le bruit qui les a alertés :
"La matinée de vendredi s’était déroulée tout à fait normalement. On a travaillé comme d’habitude et nous sommes allés manger, un peu tardivement. Et à la fin du déjeuner, nous avons eu une coupure d’électricité et à ce moment-là on s’est un peu plus concentré sur ce qui se passait autour de nous. Avec mon père on s’est rendu compte que le bruit autour de la maison n’était pas du tout le même que d’habitude. La Vésubie ne faisait pas du tout le même bruit..." Puis elle nous raconte comment elle a sauvé ses quatorze chevaux, un par un, ce qui fait qu'elle n'a pu rien sauver, RIEN, pour elle-même, que les habits sur son dos, sa maison ayant été totalement emportée.
Le bruit, le cri des gens qui meurent, qui frappent sur l'Arche pour être sauvés, et que les rescapés entendent à l'intérieur de l'Arche (seule scène valable pour rattraper le film Noé ).
Après le cataclysme qui a frappé ma région en cet automne terrible, la parasha Noé tombe étrangement. Ces gens emportés dans leur maison. Deux  loups blancs retrouvés noyés. Les calmes vallées dévastées pour toujours. Les personnes disparues; mais aussi les vaches, les marmottes ... 
Comment se tourner vers Dieu, lorsqu'on lit la parasha Noa ? 

19.10.20

My favorite things (21) : automne (09)

 

1.Cheerianou. Le retour des châtaignes. Celles-ci étaient parfaites : charnues, goûteuses. J'ai essayé au micro-ondes, ça marche bien. 
Le goût de l'enfance. Nous n'en achetions jamais à la guérite devant l'église Notre-Dame où le gros bidon de féraille m'intriguait. Nous n'allions pas non plus en chercher en forêt, je me demande bien pourquoi. Mais ma mère en achetait au marché. Pour l'inauguration de la saison, elle en faisait dans la grande poële à trous. Puis ensuite, pendant toute la saison, elle en disposait quelques unes sur la grande cuisinière à mazout de la cuisine, là où mijotait aussi la soupe, et c'était un délice. J'adore tout : le contact lisse de la chataîgne crue, le petit bruit et la vibration de la coque cuite qui craque sous les doigts, puis celle de la peau qui se fend. J'aime aussi les châtaignes crues, c'est plus long et plus douloureux pour les phalanges avec la peau poilue qui colle au doigt. J'aime aussi les châtaignes corses, pelées et très sèches que l'on trouvait dans le Vieux-Nice au temps d'avant, esquintant les dents mais au parfum bien particulier ...

2. Les anges chez les catholiques, c'est vraiment quelque chose qui m'étonnera toujours ...
cathédrale de Lorgues

3. Au temps d'Amazon, ce genre de boutique me rassure, tout n'est pas perdu ...

3. Nostalgie. Mon premier tube devant public, à Sorède (Pyrénées Orientales) le village de ma mère, j'avais 4 ans et je savais déjà les chansons par cœur, même sans connaître la langue ... Je me souviens l'avoir chanté dans la rue, devant ma copine Marie Louise et , sans doute l'oncle Gep, un très vieux monsieur assis sur un banc aussi vieux que lui et peut-être même plus vieux, devant chez lui, rue des Foumiguers 

14.10.20

En cheminant avec la parasha (1) : bereshit

Eve, 1896, Lucien Lévy-Dhurmer
 

Ca y est , on a passé le cap du cycle de lecture, sans fête, sans danse avec la Torah, sans ronde avec les copines, sans les chansons, les rires et les bonbons. C'est le nouveau style épidémique.
M'a donné l'envie d'explorer quotidiennement, ou plutôt de tirer de la lecture hebdomadaire quelques élucubrations, et en plus je vais les partager. Levée des yeux au ciel ...

Bérechit, c'est le début. Je me passerai des commentaires sur le B au lieu du A, d'autres ont fait cela beaucoup mieux que moi. 

Non, une piste m'est apparue hier devant mon téléviseur, en visionnant un film français de 2018 , Nos batailles, avec une icône, Romain Duris. Le pitch : une femme, mère de deux enfants, femme d'un syndicaliste dévoué surtout aux autres, très fatiguée et très malheureuse quitte le domicile conjugal et laisse la charge du foyer à son époux, Romain Duris, qui évidemment va galérer. Elle ne donne aucune nouvelle sauf une carte postale de Wissant. Pour ceux qui restent, c'est vraiment la galère galère. Mais la pauvre la pauvre, elle devait avoir ses raisons, elle devait être très malheureuse, elle doit être malheureuse, etc. etc.
C'est dommage que le cinéaste ne soit pas venu un lundi matin (c'est le jour de la "tourne" pour les gardes alternées) dans ma classe maternelle où des enfants en vrac pleurent toutes les larmes de leur corps, hurlent leur colère à grands cris, appellent l'un des deux parents ou les deux parents à la fois ... 

Quel rapport avec la Parasha Bereshit ? Tout.

Béreshit, c'est la création du monde, du nôtre : notre espace, nos 2 ancêtres.
Dieu a créé l'Eden, mais les humains ne savent pas en profiter : dès le départ, ils ne savent pas exploiter les biens de la Terre sans en abuser, se contentant d'ouïe-dire .  Logés, nourris, pas encore blanchis, ils ne sont pas satisfaits, en veulent plus, se croyant déjà immortels ((Genese 3.5). Ils dénient leur culpabilité dans le c'est pas moi c'est l'autre (Genese 3.12-13). Quelle phrase est-elle plus odieuse que "Suis-je le gardien de mon frère ?" (Génèse 4.9). Très contemporaine, Eve utilise déjà à son unique profit la fécondation in-vitro ("J'ai fait naître un homme, conjointement avec l'Eternel (Genese 4.1)" 

Comme le fait remarquer André Néher, l'homme et la femme, prêts à écouter le premier qui passe, (Genese 3.1), s'accusent l'un l'autre  mais ne se parlent pas (ils s'adressent à Dieu seulement).   Et quand leurs enfants Abel et Caïn, se mettent à parler, l'un tue l'autre (Genese 4.8). Ca commence bien, la famille.

L'univers de Bereshit peut paraître austère et dur mais paradoxalement il me réconforte. Les actes des humains ont des conséquences réelles et concrètes, irréparables. Dieu, dans son rôle, ne laisse pas de place à la psychologie, aux excuses du siècle. C'est la loi du "récolte ce que tu as semé", l'hubris-nemesis. La perte de l'Eden, l'exil.

Le lundi matin,  je pense souvent que c'est bien tout ce que l'humain mérite. 



Murakami et Ozawa (5) : aide à la lecture : première conversation (4) : Serkin et Ozawa (2)

 "Ozawa : ... C'est amusant d'être chef invité. Comme je vous l'ai dit, je l'ai fait pendant trois ans. je me souviens en particulier d'un vermouth italien... Carpano... Punt e Mes Carpano. C'est Rubinstein qui me l'a fait découvrir."

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji


12.10.20

Murakami et Ozawa (4) : aide à la lecture : première conversation (3) : Serkin et Ozawa


 "Murakami : J'aime beaucoup la façon dont Serkin aborde cette cadence. On dirait qu'il escalade une colline avec une lourde charge sur le dos, rien n'est fluide ici, on a presque l'impression qu'il bégaie et il force l'admiration. Est-ce qu'il va réussir ? Et-ce qu'il va arriver sans encombre jusqu'au sommet ? En l'écoutant on s'inquiète pour lui, et la musique vous saisit."

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji

11.10.20

Murakami et Ozawa (3) : aide à la lecture : première conversation (2) : Serkin et Bernstein ; instruments anciens Jos Van Immerseel, Bruno weil

1.

2.

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji




 

My favorite things (20) : automne (08)

 1. Chapelles

Chapelle sainte Brigitte à Vidauban :


Elle a attiré notre regard depuis l'autoroute A8. Sa situation à la prophète Elie est magistrale. 



Le site, accessible en une longue spirale pédestre, est la quintessence de la Provence : oliviers en terrasses, chênes verts, grenadier, ânes gris. L'arrivée est délicieuse, la chapelle est toute couverte de mots d'amours gravés, et il ne manque rien, pas même deux tables d'orientation en granit (NB : ceux qui pensent que ce qui est gravé dans le granit est immuable, détrompez-vous) donnant sur les vignes du Rosé et les bâtiments cossus. Tout ceci rend d'autant plus décevant, presque déprimant, l'intérieur que l'on aperçoit à travers le portail vitré, du genre tout-ça-pour-ça : des murs blancs chaulés, deux images pieuses saint-sulpiciennes ou italiennes mère-fils délavées posées sur un autel médiocre. Les chapelles grecques les plus perdues rivalisent de mignonneries : canevas minutieusement brodés, exvotos, petits bouquets secs. Mais nous sommes en Provence, Sainte Brigitte n'a plus de fidèles, elle est désœuvrée. 

2. Cafés

A Lorgues, l'embarras du choix, et d'où l'on est on a le temps de regretter en observant les autres : à l'Embuscade, air plus chic, aurait-il été moins amer ? Mais les deux têtes de sangliers qui ornent l'entrée ne me font pas vraiment regretter.

3. Beaux mecs.
Il en jette le Romain
cathédrale de Lorgues

9.10.20

Murakami et Ozawa (2) : aide à la lecture : première conversation (2) : Gould et Karayan, Gould et Bernstein

1.

2.

"Murakami : il fait preuve d'une telle liberté dans les changements de rythme. C'est son style - s'il avait été écrivain, on aurait pu dire que c'était sa manière d'enchaîner les phrases. L'accompagner devait être difficile.
Ozawa : Oui, bien sûr.
Murakami : ce qui signifie qu'en répétition il fallait comprendre sa respiration et tenter de s'y adapter ?
Ozawa : Eh bien oui. La difficulté tient à ce que des musiciens d'un tel calibre sont capables de le faire aussi en concert. Le chef et le soliste doivent donc calculer soigneusement leurs gestes, même s'il s'agit moins, en réalité, de calcul que de confiance."
(...)


"Avant que je retourne le disque pour passer le deuxième mouvement, nous nous accordons une courte pause pour boire un thé Hojicha chaud et manger des gâteaux de riz."


"Murakami : Il ne doit pas exister beaucoup de pianistes capables de jouer ce deuxième mouvement sans le rendre vraiment très ennuyeux.
Ozawa : C'est exact. "

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji





 

Tendances (08) : automne (07)

 1. Chanson (bis) 


Cela peut représenter un luxe que de mourir du coronavirus, trempé dans sa couche, sur le fauteuil roulant de son ehpad. Alors qu'on peut mourir emporté par la Vésubie, kalashnikové au Bataclan, écrasé à pied sur le trottoir de la Promenade des Anglais ou dans sa voiture au péage d'Antibes, d'un bon cancer du fumeur, d'une intoxication chez Mac Do, d'avoir confondu les couloumelles avec une amanite printanière, d'une hydrocution à la plage, veuf, d'une corniche effondrée d'un immeuble, en sautant du pont de l'Artuby,  d'une attaque devant sa télé ...

2. Lectures

" On a tendance à parler de la Shoah d'une façon mystique, à lier les événements à l'inexplicable, au mystérieux, à la folie, à l'insensé. Cette tendance est compréhensible. A tout point de vue, elle est dangereuse. L'assassinat, sa malignité intentionnelle, ne dovent pas être interprétés dans le langage de la mystique. Une main ignoble s'est levée contre la race humaine : il n'y a pas de mysticisme, mais un coup porté au pilier central des Dix Commandements. "

Aharon Appelfeld, L'héritage nu, 2e conférence, fin.

8.10.20

Tendances (07) : automne (6)

1.Randonnées : Le ballet incessant des hélicoptères nous rappelle sans cesse le désastre de nos vallées. Le préfet a interdit l'accès à toutes les forêts pour le week-end, même loin des inondations : les hélicoptères et les secours sont réservés aux sinistrés et le préfet a énoncé clairement qu'il n'était pas question de passer son temps ce week-end à secourir des randonneurs après tout ce qui s'est passé.

En attendant il reste les petits paradis (Roquebrune)



2. Ce matin, mon ami Christian a publié sur son blog un texte très émouvant illustré d'un très morceau de Vivaldi. J'ai toujours beaucoup de mal avec les contreténors. D'abord parce qu'ils sont assez souvent de mauvais ténors recyclés. Ensuite :  s'ils sont bons, le public leur trouve un angélisme inégalé; pour parler vrai, cela me révolte. D'abord parce que la musique, ce n'est ni par des anges ni pour des anges. La musique ce sont des tripes, des hormones, des sentiments, de la vie quoi ! C'est sans doute pour cela qu'on a mis les femmes de côté, interdites de concerts, de théâtre, remplacées par des hommes ou pire encore par des petits garçons. 
Heureusement, il y a Cécile Bartoli

3. Lectures

"La guerre nous a appris, à notre étonnement, que la vie la plus atroce n'en était pas moins la vie. Dans les ghettos et dans les camps, les gens s'aimèrent, chantèrent des chansons sentimentales, débattirent des programmes des partis politiques. Il y avait des cours du soir pour apprendre le français, et l'après-midi, les gens prenaient le café -s'ils  en avaient. Au seuil de la mort, un homme recousait encore ses boutons. Et point n'est besoin de rappeler que les enfants jouaient. Plus proche était la mort, plus grand était le refus d'admettre son existence."

Aharon Appelfeld, L'héritage nu, 2e conférence, p59

4. On peut trouver encore des prunes.

Gyoshû Hayami. Bol à thé et fruits


4.10.20

Murakami et Ozawa (1) : aide à la lecture : première conversation (1): prélude


Premier concerto pour piano de Brahms

Pour comparer :


La trouvaille de Murakami dans sa discothèque :

De la musique. Conversations. MURAKAMI Haruki, OZAWA Seiji






Tendances (06) : dimanche


 1. Miranda et la tempête, J.W. Waterhouse

2. Lectures

"Le besoin d'expression personnelle à l'heure de l'affliction existe de longue date. Toute l'histoire juive est tissée de l'antique besoin. Je rappelle une fois encore ce fait élémentaire, parce qu'il arrive que, dans une discussion, on entende quelqu'un vous mettre en garde : "Laisse la littérature à l'écart de tout cela, laisse parler les documents et les faits établis." Je n'ai aucun désir de minimiser cette assertion. Mais je souhaite faire observer que les chiffres et les faits furent les moyens, bien avérés, des assassins. L'homme comme numéro est une des horreurs de la déshumanisation. Ils ne demandèrent jamais à quiconque qui il était ou ce qu'il était. Ils tatouèrent des chiffres sur le bras. Devrions-nous chercher à suivre ce chemin et parler de l'homme dans la langue des statistiques ?"

Aharon Appelfeld, L'héritage nu, 2e conférence, p56

3. Petit paradis: Roquebrune (suite)

Bien symbolique, aujourd'hui, cette petite vierge protectrice, toute rongée par les éléments


4. Dimanche, mélancolie




3.10.20

My favorite things (19) : automne (5)

 1. Il y a des articles rassurants, qui donnent du baume au cœur, et on sent bien la différence entre les Juifs et les Chrétiens. Ainsi, dans l'article d'Horvilleur cité hier :

"La pensée juive ne considère pas que nous puissions pardonner au nom de ceux qui ne sont plus là. Elle a si souvent dans son histoire croisé la mort et la tragédie, qu’elle a fini par admettre que personne n’a de mandat pour pardonner au nom des morts. Aucun de nous n’est en mesure d’effacer les fautes dont un autre a été victime, ou de pardonner l’impardonnable dont on n’a pas souffert soi-même."

2. lectures

"Je ne peux affirmer que l'art de la littérature soit tout-puissant, magique, un pur acte de foi, mais on ne peut lui contester une vertu : sa loyauté envers l'individu, sa vigilance à l'égard de sa souffrance et de ses peurs, et on ne peut lui contester le fragment de lumière, qui, de temps en temps, étincelle en lui."

Aharon Appelfeld, L'héritage nu, conférence 1 p50

3. Petit paradis (suite)


4. Et pour finir pure beauté