16.8.06

Desseins d'univers, 3


















Gravure originale de Michel Rossigneux pour Desseins d'Univers

Tenant lieu d'avertissement, une stèle à la mémoire des victimes de la querelle des deux centres s'élève à l'entrée de la galerie qui mène aux ténèbres. L'endroit est peu fréquenté. Mais, de temps à autre, un homme s'annonce à l'entrée du sas. Il tape un code, toujours le même, et pénètre dans le vestibule, sans même jeter un regard au gardien. Puis il disparaît dans la galerie qui mène aux ténèbres. Le gardien rédige toujours le même procès-verbal. Il pourrait s'agir du même homme qui s'avance, à l’infini. Mais le gardien sait qu'il n'en est rien. Personne ne ressort jamais de la galerie qui mène aux ténèbres.

6.8.06

Du bonheur d'être veuve

Au mémorial de Caen, il y avait une exposition sur Saint-Exupéry et sa femme Consuelo. Des photos, des objets personnels, des films. Je supporte désormais très bien les fictions autour de l’amour, même les plus tristes. Mais je ne supporte toujours pas les histoires vraies. En boucle était diffusée la prière que Saint-Exupéry avait écrite pour que sa femme l’utilise à la première personne :une petite merveille du genre faites qu’il disparaisse le premier car il ne pourrait vivre sans moi. Je n’ai pas tenu le coup et je suis vite partie.
Les veuves ne connaissent pas leur bonheur. Tristan bedonnant et râleur, Roméo tombant dans les bras d’une autre cousine, Pelleas dans ceux de son meilleur ami. Qu’il doit être doux de pleurer la mort de l’être parfait, parti dans son idéal d’amoureux, le cœur rempli de soi, fidèle et tendre.

Peut-on jamais savoir par où commence
Et quand finit l'indifférence
Passe l'automne vienne l'hiver
Et que la chanson de Prévert
Cette chanson, Les Feuilles Mortes
S'efface de mon souvenir
Et ce jour là, mes amours mortes
En auront fini de mourir
(Serge Gainsbourg)

5.8.06

Je vous embrasse, mes amis du stage FLE




Non, ce n’était pas triste de rester un peu là, alors que tout le monde était reparti dans un de ses quatre coins du monde.
Au restaurant, il n’y avait plus la queue. Quelques rescapés se réchauffaient le cœur, groupés à la même table. J’y ai fait de nouvelles connaissances, encore.
Sur les pelouses, personne ne prenait plus le soleil. Il n’y en avait d’ailleurs presque pas, du soleil.
J’ai fait ce que j’avais dit. J’ai pensé à toi Rafael, traversant l’Atlantique, lorsque j’étais sur le promène-couillon de l’Orne. J’ai pensé à toi, Tatiana, dans tes quarante heures d’autocar qui te ramènent au bord de la Volga.
J’ai encore eu l’envie de visiter l’Abbaye aux Hommes : un immense et magnifique cloître de l’époque classique, avec un réfectoire grand comme le restaurant du BELC, des escaliers vertigineux sans aucun soutènement et qui tiennent toujours, des carrelages somptueux, tout cela pour trente abbés de noble classe. Merci à eux.
Au marché, j’ai fait mes derniers achats typiques sous une pluie battante : une crêpière normande en fonte émaillée (je viens de la tester, particulièrement efficace), des salicornes, un pont-l’évêque et un livarot qui ont bien parfumé le wagon SNCF du retour à la clim. en panne ; nous sommes bien toujours en France.
Mon oreille est habitée par tous ces accents différents qui me parlaient ma langue maternelle par amour. Mon cœur est rempli de vos sourires, de votre enthousiasme et de votre joie de vivre. De toute cette énergie, qui se concentrait et m’a rendu la mienne. Qui n’est pas perdue car à présent elle emplit les quatre coins du monde.
Je vous embrasse, mes amis lointains

4.8.06

Desseins d'univers, 2


Dessin de Michel Rossigneux
extrait de Dessein d'Univers, ed.Villa Arson













CENTRE

Une querelle demeure parmi les savants de la cité. Deux théories s'affrontent : les uns affirment que le Maître a commencé la construction par le centre, les autres soutiennent le contraire.
L'affaire prit un jour de l'ampleur, menaçant de troubler notre univers entier. Finalement, les plus résolus décidèrent d'avoir recours à un arbitrage. En délégation, ils se dirigèrent vers la galerie qui mène aux ténèbres.
Le gardien de la galerie a ordre de tirer à vue sur quelque intrus sans code d'identification. A l'entrée du sas, il le leur demanda. Il appliqua strictement les consignes.
Personne ne put témoigner de la teneur de l'arme qu'il utilisa : laser de série, brûlant à partir des extrémités , laser micro-ondes où la combustion part de l'intérieur des chairs.
A ce jour, le débat n'a pas trouvé d'issue.