22.12.15

Au pays des crèches (2)

Dans ce village, pour les non-fans des crèches, les laïcs, les etc. , il y a aussi d'autres décorations de Noël, toutes aussi jolies, fraîches, que cop21...
Luceram.Décor

21.12.15

Au pays des crèches (1)

Lucéram.Crèches1
diaporama Flickr (cliquez sur la flèche pour faire défiler)

Puisque nous vivons une époque paradoxale, j'assume la mienne. Le matin d'élections aux étranges enjeux, en fin de Hanoucah, je suis allée à Lucéram, pour la première fois de ma vie, visiter les 450 crèches annoncées. Le joli petit village, si désert habituellement le dimanche était submergé dès son entrée et c'est en rusant que j'ai réussi à me garer dans le village, comme une riveraine. De nombreux cars venaient d'Italie, et c'est chez nos voisins que l'on se serait cru, aux sons de la douce langue pleine de soleil, et dans les queues où mes lointains cousins me permettent de ne pas me sentir petite. Car des queues il y en avait, pour les crèches les plus reculées, au fond des couloirs des multiples sous-sols. Mais la progression était légère et naïve, et, au moment où dans les villes patrouillent les gardes mobiles, ici, toutes les crèches en extérieur vivent sereinement, sans crainte d'être pillées de leurs petits moutons de coton... Ce bain de crèches, pour la partisane de l'école laïque que je suis, fut revigorant : il existe encore de jolies traditions, qui illuminent les yeux de tous et émerveillent les enfants. Bien sûr, je me suis plu à imaginer l'ambiance dans laquelle tout ceci doit se passer, les concurrences jalouses, les rivalités triviales. Mais en même temps... La dernière fois que j'étais venue à Lucéram, j'ai été traumatisée pour jamais en croisant des chasseurs avec une biche attachée à un pieu. Je préfère cette vision des habitants, récoltant des pignes et des kakis, avec leur vision naïve. Ainsi, le soir, je n'ai pas cherché à savoir pour qui ils avaient voté. Je veux garder en tête toutes ces fenêtres, toutes ces maisons que je croyais vides et qui sont habitées par des gens qui ont gardé en eux une part d'enfance. C'est ainsi que j'aime les traditions ...

16.11.15

Sidération



Il y a longtemps, quand ma mère était encore vivante, à la sortie d'un concert jazz, j'ai appris que mon pays avait basculé dans un monde d'horreurs, de cris et de sang, et que je ne pouvais en être que la spectatrice.
Les écrans ont alors envahi ma vie : la télévision, dont je ne regardais plus les journaux télévisés depuis des mois, Facebook sur ma tablette, mon ordi, mon téléphone. Sidération.
Y chercher les faits, en boucle, pour s'en convaincre. Oui, des gens, les mêmes, par trois fois, ont pu tirer à l'arme automatique sur des gens attablés, sur des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards. Rouler, s'arrêter, tirer, rouler, s'arrêter, tirer, rouler s'arrêter, tirer.
Oui, des gens ont pu tirer sur des centaines de personnes, recharger, tirer, recharger, tirer, chargeurs en quantité.
Passer de l'envie de meurtre, de l'envie qu'un sang impur abreuve des sillons, à imagine all the people, cent fois par jour.
Lire des fils d'inconnus, de gens que l'on croit connaître et y découvrir la vacuité, la naïveté, la complaisance béate des méditants new age. Les théories du complot les plus diverses. Les déterminismes les plus variés.
J'ai l'impression d'être Lilou devant l'encyclopédie numérique, broyée d'effroi.
 Chercher des héros, exceptionnels ou ordinaires : des hommes morts ou la risquant pour sauver des inconnus, des médecins courant à l'hôpital, des taxis relayants les métros arrêtés, tous les petits gestes de l'empathie, du courage, de la responsabilité. Les enfants qui dessinent et colorient.
Mes petits que je vais retrouver demain. Pour dessiner avec eux, et construire avec un eux un autre monde en devenir, tout petit, tout isolé en haut de sa colline, temporaire, rempli de livres, de musique, de peinture, de petites connaissances comme apprendre les couleurs et compter jusqu'à trois, et sans aucune certitude que de vivre l'instant avec l'émerveillement de la découverte ici et maintenant, seconde après seconde, tant qu'on le peut. C'est ainsi que je vais pouvoir survivre sans être submergée, je crois.

24.10.15

A quatre pas de mas maison (6) : monument non-voyant

Bien caché ...

De mon balcon : inauguration

Service thé ouvert tous les après-midis, possibilité fumeurs modérés. L'inauguration s'est bien passée.
N.B. : les mini-beignets aux pommes viennent de Pains et Délices, 10 av. Malausséna, un régal !

23.10.15

A quatre pas de ma maison (5) surprises gastronomiques : pizza familiale

Hier soir, nous avons découvert un restaurant tout près de chez nous, lou Pantail, avenue Saint-Lambert.
L'accueil y est très sympathique, petite pissaladière offerte, et également le limoncello avec l'addition.
Entre, le menu, nous avons choisi deux pizzas, la mienne calzone sans jambon, c'est la meilleure calzone que j'aie jamais mangée, et Hatsuo pizza parmegianno


Le dessert était fabuleux : coupe de glace au yaourt avec framboises, avec crème de spéculons et chantilly servie à part.

La nourriture est vraiment délicieuse et tous les ingrédients de qualité.
L'ambiance est simple et chaleureuse, ça nous change du quartier des Musiciens; beaucoup de familles viennent manger et à huit heures et demi le restaurant était plein. 
Il parait que le premier vendredi du mois, ils font le stockfisch, ça donne envie !
En tout cas, tout donne envie d'y retourner.

22.10.15

A quatre pas de ma maison (3) : ma voisine


Ma voisine a l'air un peu austère, mais elle nous protège. Bien que pucelle, elle doit aimer les enfants : près d'elle, une grande toile naïve représentant des enfants du monde entier ...

15.10.15

Sur le chemin de l'école (3) : après le bal

Descendre l'escalier-terrasse au petit matin dans ma robe de bal ? Mais non, mais non, pas sur le chemin de l'école ...

Cent vues (91) : transportation


Mikiri no Fuji, Hokusai, cent vues du Mont Fuji

Comment ne pas être ironique, encore cette fois, par l'actualité du monde. On nous dit que ce joli monsieur calligraphie une publicité pour sa compagnie de navigation. "Venez chez moi faire la traversée"... Et si le Fuji se transportait vers la mer Egée ?

Sur le chemin de l'école (2) : le château de la belle au bois dormant ?

Un petit air de Disney ...

12.10.15

Sur les chemins de l'école (1) : écrits de mousse

Un mur tout simple, uni, et des écrits de mousse :

A quatre pas de ma maison (1) : où boire du chocolat

J'ai déménagé depuis peu et je découvre une toute nouvelle ambiance et de nouvelles merveilles.
Ici, le quartier a beaucoup changé avec le tram, il a périclité un peu, les magasins anciens ont presque disparus, et de nouveaux commerces sont apparus.
Parmi eux, un endroit tout mignon, sa propriétaire ne l'est pas moins, un univers baroque et doux, et une carte de thés et chocolats des plus heureuses. Pas encore goûté les pâtisseries, il n'y en avait plus !

Au goût thé d'Antan, entre arrêt Borriglionne et arrêt Valrose, à la hauteur de l'Eglise Jeanne d'Arc. J'adore la citation derrière la porte des toilettes : "la Terre est le seul endroit où l'on puisse trouver du chocolat, alors protégeons-là ! "

30.9.15

Relecture de "la Peau" de Malaparte (3) : souvenirs

J'ai décidé de relire Malaparte, en commençant par la Peau, dans l'édition de France-Loisirs que j'avais achetée. En tournant les pages du livres, j'ai retrouvé une carte d'anniversaire envoyée par mes parents quand j'étais en Dordogne, je devais lire ce livre pour la première fois quand je l'ai reçue. Cela devait être pour mes vingt-deux ou vingt-trois ans. Je ne me rappelais plus que ma mère m'écrivait. Je ne me rappelais plus qu'elle m'envoyait des cartes d'anniversaire. Je ne me rappelais plus qu'elle m'appelait "chère petite fille". Je ne me souvenais plus que les commandes aux 3 suisses pouvaient se faire attendre deux mois et donc différer les cadeaux. Je ne me souvenais plus des traits de l'écriture de mon père. Je ne me souvenais même plus qu'il pouvait compléter une carte envoyée par ma mère. Je ne me souvenais plus qu'il avait contribué à l'achat d'une machine à coudre; dont je ne me suis d'ailleurs jamais servie, ça je m'en souviens .... Sur la carte il n'y a pas de dessin, juste un cadre de fleurs et l'écriture cursive imprimée "Meilleurs vœux de bonheur pour votre anniversaire". Je ne me souvenais pas que les cartes vouvoyaient...

29.9.15

Relecture de "la Peau" de Malaparte (2) : honte et dignité

Donna con Lenzuolo, Ernest Pignon Ernest

" - Et maintenant, dit le colonel Palese, cotre nouveau capitaine va vous parler.
J'ouvris les lèvres , amis ce fut un gargouillement horrible qui me sortit de la bouche : des paroles sourdes, obèses, flasques. Je dis : - Nous sommes les volontaires de la Libération, les soldats de la nouvelle Italie. Nous devons combattre les Allemands, les chassser hors de chez nous, les rejeter au delà de nos frontières. Les yeux de tous les Italiens sont fixés sur nous. Nous devons relever notre drapeau tombé dans la boue, nous devons servir d'exemple à tous au milieu d'une si grande honte, nous devons nous montrer dignes de l'heure présente, de la tâche que la patrie nous confie.
Quand j'eus fini de parler, le colonel Palese dit aux soldats : -Maintenant l'un d'entre eux va répéter ce qu'a dit votre capitaine. Je veux être sûr que vous avez compris. Toi, dit-il en désignant un soldat, répète ce qu'a dit votre capitaine.
Le soldat me regarda. Il était pâle, il avait les lèvres exsangues et fines des morts. Avec un borborygme horrible dans la voix, il dit lentement : -Nous devons nous montrer digne des hontes de l'Italie.
Le colonel Palese s'approcha de moi, me dit à voix basse : " Ils ont compris", et s'éloigna en silence.
La Peau, Malaparte, ch.1 la Peste

27.9.15

Relecture de "la Peau" de Malaparte (1) : uniformes

Epidémies de Ernest Pignon Ernest

"Tandis que je marchais près du colonel Hamilton, je me sentais merveilleusement ridicule dans mon uniforme. Les uniformes du Corps Italien de la Libération étaient de vieux uniformes anglais, couleur kaki, cédés par le Commandement britannique au maréchal Badoglio, et reteints, peut-être pour essayer de cacher les taches de sang et les trous des balles, en un vert sombre couleur de lézard. C'étaient, en effet, des uniformes enlevés aux soldats britanniques tombés à El Alamein ou à Tobrouk. Dans ma tunique, on pouvait voir des trous de trois balles de mitrailleuse. Mon tricot, ma chemise, mon caleçon, étaient tachés de sang. Mes chaussures même avaient été enlevées au cadavre d'un soldat anglais. La première fois que je les avais mises, je m'étais senti piqué sous la plante du pied. Je pensai tout d'abord qu'un petit os du mort était resté collé à la chaussure. C'était un clou. Il eût mieux valu, peut-être, que ce fût vraiment un os du mort ; il m'eût été plus facile de l'ôter. Il me fallut plus d'une demi-heure pour trouver une paire de tenailles et arracher le clou. Il n'y a pas à dire : cette stupide guerre s'était vraiment bien terminée pour nous. Elle ne pouvait certainement pas mieux se terminer. Notre amour-propre de soldats vaincus était sauf : désormais, nous combattions aux côtés des Alliés, pour gagner leur guerre après avoir perdu la nôtre. Il était donc naturel que nous fussions revêtus des uniformes de ces mêmes soldats alliés tués par nous."
La peau, Malaparte, ch.1 La Peste.

16.9.15

Nous mourons tous par petits bouts : l'eau vive



:-(

Une des premières chansons que j'ai chantée à l'école, que j'ai jouée sur ma petite flûte d'école , déchiffrée sur la partition copiée dans le cahier de musique ...

29.8.15

Les partisans et les livres (7) : désuétude du vocabulaire



"Une fois sa tâche terminée, il resta près de la fenêtre sans bouger. Je craignais qu'il se tourne vers moi pour chercher à savoir où j'avais été depuis que je les avais laissés sur le quai de la gare.
Mais il ne dit rien, perdu dans ses pensées. Mon angoisse devenait si oppressante que je lui demandai :
"Où étiez-vous, papa ?
- Pourquoi demandes-tu cela ?
- Je suis curieux de la savoir."
Il se mordit les lèvres :
"Pourquoi emploies-tu le mot "curieux" ? Ne sais-tu donc pas qu'il est désuet ?
- Que dire alors, papa ?
- Ce qui te vient à l'esprit mais pas cet adjectif."
Cette remarque me laissait perplexe. Il y avait donc des mots qu'il était interdit d'employer ? Di un mot pouvait nous aider à comprendre quelque chose, pourquoi s'en priver ?
Mais la remarque sibylline de mon père, qui semblait soudain très malheureux, m'avait fait taire. Je m'assis sur un fauteuil et mes yeux se fermèrent."
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch. 69

28.8.15

Les partisans et les livres (6) : prière


"Isidore demande à prier. Il ne parle jamais de ses sensations, ni de sa foi, ni même des prières, qu'il prononce simplement, comme s'il les avait en lui depuis toujours. Quelqu'un a dit un jour qu'il est un instrument de transmission, c'est pour cela que les prières ne sont pas altérées, ni trop aiguës, ni trop maniérées.
"Comment prier quand on ne comprend pas les mots?" demandent ceux qui savent tout. Isidore se tait. Son visage exprime sa perplexité, témoignant que lui non plus n'a pas de réponse. "
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch. 35

27.8.15

Les partisans et les livres (5) : littérature française

"Le soir, je m'assis par hasard auprès de Werner qui me confia que les jours passés au ghetto avaient été pour lui des jours étonnamment bénis. Il avait lu les classiques de la littérature française, l'un après l'autre, et amélioré sa connaissance de la langue étudiée consciencieusement au lycée.
"C'est étrange, j'étais retranché à l'intérieur de moi-même, hermétique à la souffrance autour de moi. Mes parents et mon frère luttaient comme des désespérés pour obtenir une miche de pain et moi, envoûté par un diable, je ne lâchais pas mes livres.
"Lorsque j'étais affecté à une brigade de travail, je cachais un livre dans ma poche pour lire pendant les pauses. J'étais fasciné par Maupassant et Flaubert. Plus tard, quand j'ai eu entre les mains le premier volume d'A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, mon bonheur ne connût plus de limites.
"Mes parents ne me faisaient aucune remontrance sur cette frénésie et me regardaient parfois avec émerveillement. Mon frère, lui, me lança qu'il était interdit de se réfugier dans les livres en ce moment si tragique. Sa remarque ne m'empêcha pas de continuer d'acheter des livres aux gens sur le point d'être déportés vers les camps. A cause de cette accoutumance, je n'ai presque pas vu mes parents et mon frère durant les derniers jours au ghetto." "
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch. 34

26.8.15

Les partisans et les livres (4) : Stefan Zweig

"Après avoir lu un moment, Danzig se redressa sur ses avant-bras et lança :
"Autrefois, j'aimais Stefan Zweig.
- Et maintenant ? demanda Hermann Cohen.
- Il me paraît candide.
- Serions-nous devenus plus intelligents ?
- En tout cas, nous avons changé?
- En quoi ?
- Je n'en ai pas la moindre idée."
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch.8

25.8.15

Les partisans et les livres (3) : atmosphère


"Il est étrange de constater l'effet que peut produire une caisse de livres. Notre campement, dont le caractère provisoire est visible dans chaque bâche tendue, a changé d'aspect, comme si des scènes lointaines, tranquilles et tendres, étaient venues le peupler. Saisir un livre me ramène aussitôt à la maison, auprès de mes parents. Un lampadaire est allumé, le livre m'absorbe tout entier. Mon père, représentant entre autres de la célèbre marque Singer vient de recevoir un nouveau catalogue qu'il feuillette avec attention. Ma mère prépare une douceur en vue du goûter. Le roman de Dostoïevski est si prenant que je ne l'entends pas qui m'appelle pour me régaler. Quand je parviens enfin à me détacher des visions fascinantes produites par le texte, je me retiens de lui reprocher d'avoir brisé la magie, pour ne pas la peiner."
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch.7

24.8.15

Les partisans et les livres (2) : le livre brûlé


"A chaque opération nous découvrons des maisons juives abandonnées par leurs propriétaires. La plupart du temps elles sont occupées par des Ruthènes qui en modifient l'apparence, mais parfois la maison est là, inchangée. Les nouveaux habitants portent les vêtements de leurs prédécesseurs, ce qui peut leur donner une silhouette trompeuse, l'espace d'un instant.
Lors d'une opération, Salo a reconnu la maison spacieuse de son oncle Herzig, illuminée par de multiples lustres (...)
"- Continue de mentir et tu seras châtié. N'oublie pas que nous sommes des partisans, nous combattons pour nos vies. Celui qui ose entraver notre chemin verra son sang retomber sur sa tête. Où sont les livres ? demanda Felix.
- Je n'en ai pas.
- Montre-nous immédiatement où tu les as jetés, ou nous mettrons le feu à la maison.
- Ayez pitié de moi et de mes enfants.
- Nous vous épargnerons si tu nous montres les livres. Il y en avait beaucoup ici.
- Je les ai brûlés.
- Pourquoi ?
- Je ne savais qu'en faire.
- Où les as-tu brûlés ?
- Derrière l'étable.
- Maudit sois-tu. Montre-nous l'endroit exact.
- Ne me tuez pas. J'ai cinq enfants."
Deux combattant accompagnèrent Salo derrière l'étable où ils découvrirent, dans un monticule de cendres, quelques pages à moitié épargnées. Salo rapporta un fragment sur lequel les mots de la prière du matin surnageaient : Face à toi je remercie, Dieu du vivant et de l'existant."
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch. 6

23.8.15

Les partisans et les livres (1) : un monde sans livre

"Pendant des années, les livres étaient notre préoccupation principale et voici que nous avons été brutalement séparés d'eux. Comme il est étrange que nous nous soyons si vite habitués à vivre sans livres. Parfois, dans l'après-midi, j'ai la sensation d'un livre dans les mains, à l'heure où j'avais l'habitude de m'installer dans un fauteuil. J'avais dévoré Crime et Châtiment avant qu'on l'étudie en classe. Chaque phrase m'avait emporté avec la puissance d'un torrent. A présent, non seulement les livres ont disparu, mais les cahiers, stylos, crayons, comme si on nous avait ôté notre intériorité. Sans le petit Livre des Psaumes qu'un combattant a emporté, nous n'aurions plus aucun contact physique avec le monde dans lequel nous vivions hier encore.
Livres, livres, où êtes-vous ? Avez-vous seulement existé ? Ce n'est jamais une voix solitaire qui pose ces questions à mes oreilles, mais une rumeur collective qui s'élève du plus profond de nous-mêmes. L'absence des livres, voilà ce qui détermine la différence entre nos vies d'avant et celles d'aujourd'hui. Un combattant, jeune homme sensible à l'ironie dissimulée aux coins des lèvres, a formulé les choses ainsi : " Nous sommes retournés à la nature. Dans deux ou trois mots, nous ressemblerons à l'homme préhistorique, nous cesserons de parler pour miauler, rugir ou aboyer, et c'est peut-être mieux au fond."
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch.5

18.8.15

Randonner (2) : Sauvage du bout du monde

Roya village
Je n’étais jamais venu dans ce village de Roya, si loin de la vallée du même nom. C’était pour moi le départ du mythique Mont Mounier que chaque année je me fixe comme objectif sans concrétiser. On ne pouvait pas rêver meilleur point de départ que cet enchantement de village ensoleillé, aux granges robustes, beaucoup moins chic que Saint Dalmas le Selvage. La balade d’une demie-heure vers le Pas de Roya, fut un enchantement, le long de la rivière dont le nom m’échappe, laune, pont naturel, prairie, et une montée vers le col de Pal à donner envie de partir sans manger.
Mais j’avais vu le gîte dans la vieille école, qui déjà, sur internet, m’avait fait rêver. Il était tard et je n’avais pas envie de me contenter de mon paquet de gaufres au miel, même bio. Sur le chemin du retour, je m’imaginai très bientôt dormir là pour franchir ma mythique montagne. J’imaginai donner l’adresse à mon amie qui chercher un petit abri avec laune proche. Une vraie Perrette.
A l’arrivée au village, il était bien un peu tard, deux heures moins le quart. Des parents avec un jeune enfant se dirigeaient vers la table, évoquant un grand père qui allait tout manger, ce qui me donna de l’espoir. L’assiette du randonneur, 12 €,  me laissait présager quelques délices qui allait me faire abandonner mon repas communautaire habituel …
J’arrive sur la terrasse. La petite famille avait rejoint les grands parents et s’installaient à table. Je reste debout, hésitante, alors qu’un autre couple mangeait déjà et que deux randonneurs allemands sirotaient une bière. Personne ne sort. J’entends dire par la grande tablée que l’hôtesse étant seule le service serait un peu lent, aussi je décide de m’installer. Pendant vingt minutes, j’ai assisté au manège : au bout de cinq minutes, l’hôtesse sort de sa cuisine, solide femme de la cinquantaine. Elle prend grand soin de cette jolie famille :y a t-il suffisamment d’ombre, on peut apporter un autre parasol ; au deuxième voyage,  elle apporte les sets et commande les boissons. Elle retourne dans sa cuisine, on entend des bruits de vaisselle, les enfants s’impatientent. Elle ressort avec un grand plateau de bières fraîches et de sirop. Dans un nouveau voyage, elle saisit la commande, menu pour les grands et assiettes de charcuterie pour les petits. Sera-ce trop ? Non, elle rajoutera les frites. Elle rentre. Il était deux heures, un quart d’heure s’était écoulé depuis que je m’étais assise. Des bruits de cuisine. J’ai décidé d’attendre cinq minutes, montre en main. Rien. Il ne s’est rien passé. Personne n’est ressorti ensuite. Pendant près de vingt-cinq minutes, j’ai attendu sur une terrasse sans que l’hôtesse m’adresse une seule attention, un seul regard, un seul signe.
Alors, je n’ai pas attendu la cuisson des frites de mes voisins. Je suis partie, sans rien dire. Je ne sais pas si dans ce cul de sac du bout du monde on ne sert que les familles que l’on connaît. Je ne sais pas non plus si ce l’on ne mange que sur réservation. Je ne sais pas si l’on ne prend plus les commandes après 14h. Je ne sais pas si l’on ne sert pas de boisson, même les bières bio des Hautes Alpes mentionnées sur l’ardoise. Je ne sais pas si l’on ne sert pas les asiatiques, quoique mon compagnon lui faisait dos et comme elle ne m’a même pas regardé une seule fois, ç’aurait pu être tout aussi bien un extra-terrestre. Affamée, fatiguée, je n’ai pas eu le courage de demander une explication, une attention, celle que le client peut s’attendre à avoir de son hôte. Peut-être était-elle surbookée pour huit couverts à midi. Je ne le saurai jamais. Pour atteindre ma montagne mythique, très bientôt j’espère,  je dormirai à Isola.


17.8.15

Nous mourons tous par petit bout : la vérité est ailleurs



C’était il y a longtemps, je l’avais invité chez moi avec quelques amis sur la proposition de mon frère avec qui il était ami dans sa jeunesse. Je me souviens d’une longue et très agréable soirée. Nous nous étions trouvé une passion commune pour X-Files qui passait à ce moment là sur M6. Je crois même me souvenir qu’ensuite, à l’occasion d’un de mes longs séjours en Grèce, je lui avais demandé de m’en prêter les enregistrements qu’il effectuait rigoureusement. Aujourd’hui après l’annonce de sa disparition, c’est stupidement tout de suite à cela que j’ai pensé : il ne verrait pas la reprise d’une nouvelle saison annoncée sur tout les médias. Je suis sûre que je penserai à lui lorsque je regarderai l’épisode n°1.