27.9.15

Relecture de "la Peau" de Malaparte (1) : uniformes

Epidémies de Ernest Pignon Ernest

"Tandis que je marchais près du colonel Hamilton, je me sentais merveilleusement ridicule dans mon uniforme. Les uniformes du Corps Italien de la Libération étaient de vieux uniformes anglais, couleur kaki, cédés par le Commandement britannique au maréchal Badoglio, et reteints, peut-être pour essayer de cacher les taches de sang et les trous des balles, en un vert sombre couleur de lézard. C'étaient, en effet, des uniformes enlevés aux soldats britanniques tombés à El Alamein ou à Tobrouk. Dans ma tunique, on pouvait voir des trous de trois balles de mitrailleuse. Mon tricot, ma chemise, mon caleçon, étaient tachés de sang. Mes chaussures même avaient été enlevées au cadavre d'un soldat anglais. La première fois que je les avais mises, je m'étais senti piqué sous la plante du pied. Je pensai tout d'abord qu'un petit os du mort était resté collé à la chaussure. C'était un clou. Il eût mieux valu, peut-être, que ce fût vraiment un os du mort ; il m'eût été plus facile de l'ôter. Il me fallut plus d'une demi-heure pour trouver une paire de tenailles et arracher le clou. Il n'y a pas à dire : cette stupide guerre s'était vraiment bien terminée pour nous. Elle ne pouvait certainement pas mieux se terminer. Notre amour-propre de soldats vaincus était sauf : désormais, nous combattions aux côtés des Alliés, pour gagner leur guerre après avoir perdu la nôtre. Il était donc naturel que nous fussions revêtus des uniformes de ces mêmes soldats alliés tués par nous."
La peau, Malaparte, ch.1 La Peste.

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