31.12.18

Meurtre et commandeur (49) : observation

"Je fis chauffer de l'eau dans la bouilloire. Je mis ensuite des feuilles de thé vert dans la théière. Après tout, moi aussi, j'avais envie d'en boire. Je me remis à manger. Les coudes sur la table, Marié suivit des yeux chacun de mes gestes entre l'assiette de sériole, le bol de soupe miso, le bol de riz et ma bouche. On aurait dit qu'elle assistait à une scène rare. Comme si, au cours d'une promenade dans la jungle, elle était tombée sur un énorme python  en train d'avaler un jeune blaireau et  qu'elle avait décidé de l'observer, assise sur une pierre non loin de là.
"C'est moi-même qui ai fait mariner cette sériole dans le lit de saké, expliquai-je pour meubler le silence qui devenait pesant. Une fois dans la lie, le poisson se garde longtemps."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 2, ch.35, Vous auriez mieux fait de laisser cet endroit tel quel,  ed.Belfond

30.12.18

Meurtre et commandeur (48) : un repas de célibataire

"Quand il fit plus sombre, j'allai à la cuisine et me préparai à dîner tout en buvant une canette de bière. Je fis griller au four une tranche de sériole conservée dans la lie de saké, éminçai des légumes en saumure, fis mariner du concombre et des algues wakame au vinaigre, et préparai une soupe miso avec du radis blanc et du tofu frit. Et en célibataire, je mangeai le tout dans le silence environnant : personne à qui parler, et d'ailleurs, qu'aurais-je bien pu dire ?
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 2, ch.34, Récemment, je n'avais pas mesuré la pression des pneus,  ed.Belfond

26.12.18

Meurtre et Commandeur (47) : sauce à la laitue

"j'allais de mon côté faire chauffer de l'eau à la cuisine, je mis le feu sur la casserole de sauce de laitue, tomates, oignons et poivrons. Quand l'eau bouillit, j'y plongeai les pâtes, et pendant qu'elles cuisaient, je hachai du persil.je sortis du thé glacé du réfrigérateur et le versai dans des verres. "
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 2, ch.33, J'aime les choses que je vois. Et autant celles que je ne vois pas,  ed.Belfond

25.12.18

Meurtre et commandeur (46) : interruption involontaire de lecture

"
"Quel livre lisez-vous ? ne pus-je me retenir de lui demander.
- A vrai dire, j'ai une sorte de superstition" dit-elle en souriant. Elle inserra un marque-page et referma son livre.
"Quand je révèle à quelqu'un le titre du livre que je suis en train de lire, je ne sais pas pourquoi, mais je ne réussis pas à le terminer. Il se produit toujours quelque chose d'inattendu qui m'empêche d'en continuer la lecture. C'est étrange, je le sais, mais c'est vrai. J'ai donc décidé de ne plus dire le titre du livre que je lis. Une fois que je l'aurai terminé, je le dévoilerai avec plaisir. "
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 2, ch.33, J'aime les choses que je vois. Et autant celles que je ne vois pas,  ed.Belfond

24.12.18

Meurtre et commandeur (45) : combat

"Le tableau était composé de rouge, de vert et de noir, l'homme qui aurait du être figuré dessus n'avait pas encore de contours clairs. Sa forme que j'avais tracée au fusain était dissimulée sous les couleurs. Il refusait dêtre davantage étoffé, il repoussait les autres couleurs. Mais cet homme était bien là. J'avais déjà jeté les fondements de son existence : mon filet, plongé dans la mer, avait capturé un poisson même si je ne voyais pas encore sa silhouette. Je cherchais le moyen de le faire sortir de l'eau et lui, il essayait de m'en empêcher. Et en plein milieu de cette lutte, le duel s'était interrompu. "
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 2, ch.33, J'aime les choses que je vois. Et autant celles que je ne vois pas,  ed.Belfond

15.12.18

Meurtre et Commandeur (44) : divorce

"Cette enveloppe sur la table de la cuisine, je la contemplai vaguement, sans vraiment la voir et sans but précis, tout l'après-midi, et bientôt, j'en vins à penser que c'était comme si le poids d'une vie conjugale de six années était enfermée à l'intérieur en totalité. Le temps de nos six années - imprégné de tous nos souvenirs et de toutes nos émotions - était en train de mourir à petit feu, asphyxié dans une banale enveloppe administrative"
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.29, Certians éléments peu naturels,  ed.Belfond

14.12.18

Meurtre et Commandeur (43) : froncement de sourcils


"Puis il fronça les sourcils, faisant apparaître des rides séduisantes qui évoquaient le jeune Marlon Brando."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.28, Franz Kafka aimait les routes en pente,  ed.Belfond

13.12.18

Meurtre et Commandeur (42) : les routes en pente

"Franz Kafka aimait les routes en pente. Il était attiré par toutes les espèces de pente, oui-da, nimporte laquelle. Il prenait du plaisir à contempler les maisons plantées là le long de la pente raide. Assis sur le bas-côté de la rue, immobile, ce gars contemplait pendant des heures et des heures entières ces bâtisses-là. Jamais ne s'en lassait,  des fois penchant la tête, des fois la redressant, ainsi de suite. C'était un zèbre bizarre à bien des égards, ô dame oui."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.28, Franz Kafka aimait les routes en pente,  ed.Belfond

12.12.18

Meurtre et commandeur (41) : jaguar type E


"Quand j'étais petite, j'ai vu un film avec Audrey Hepburn et Peter O'Toole, et depuis, je rêve toujours de cette voiture. "

MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.27, Alors que tu en gardes un souvenir visuel aussi détaillé,  ed.Belfond

11.12.18

Meurtre et commandeur (40) : on the rocks


"J'allai à la cuisine, me servis du single malt qu'avait apporté Masahiko, un verre avec des glaçons, retournai au salon avec. Je mis sur la platine le quatuor à cordes de Schubert."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.26, Impossible de trouver composition plus parfaite,  ed.Belfond

10.12.18

Meurtre et commandeur (39) : un bordeaux, tout simplement

"Le jeune homme à la queue de cheval versa du vin rouge dans nos verres. La bouteille avait été ouverte environ une heure auparavant, expliqua Menshiki, afin de laisser décanter le vin.
"L'air pénètre bien ainsi, et c'est alors juste le bon moment pour le boire."
Pour l'air, je ne savais pas, mais c'était un vin puissant, au bouquet étonnant. Chaque étape de sa dégustation, le contact avec la langue, la prise en bouche ou l'absorption, me révéla une saveur différente. Comme une femme mystérieuse dont la beauté apparaît étrangement différente selon l'angle et la lumière. Et ce vin laissait un arrière-goût plein d'agrément.
"C'est un bordeaux, dit Menshiki. Je vous épargne les explications. Disons simplement que c'est un bordeaux." "
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.24 Une récolte d'informations brutes, de première main,  ed.Belfond

9.12.18

Meurtre et commandeur (38) : menu

"Le hors d'œuvre, c'était un très joli plat de légumes bio et de poisson isaki, une sorte de bar. Et pour l'accompagner, du vin blanc. Le jeune à queue-de-cheval ôta le bouchon d'une main adroite et prudente, tel un démineur désactivant une bombe sophistiquée. Je n'eus pas d'explication sur la provenance ou le type du vin dont il s'agissait, mais c'était un blanc au goût parfait. Menshiki ne pouvait servir qu'un vin parfait.
Ensuite, ce fut une salade de haricots blancs, de racines de lotus et de seiche. Puis une soupe de tortue de mer. Le plat de poisson,c'était de la baudroie.
"C'était un peu tôt dans la saison, amis le chef a fait cette jolie trouvaille ce matin à la criée, une belle baudroie", dit Menshiki. En effet, elle était très fraîche, délicieuse. Une chair d'une fermeté plaisante, teintée d'une note élégante eet sucrée, qui laissait une sensation de légèreté et de fraîcheur. Elle avait été rapidement cuite à la vapeur, puis arrosée de sauce à l'estragon (je pense).
On nous servit ensuite un steak épais de chevreuil, et nous eûmes aussi droit à des explications à propos de la sauce, mais il y avait trop de termes spécialisés, et je ne pus les retenir. C'était en tout cas une sauce très goûteuse, parfumée à la perfection."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.24 Une récolte d'informations brutes, de première main,  ed.Belfond

8.12.18

Meurtre et commandeur (37) : Sicilien


"Et le spectateur, assis à côté de lui, tout en mangeant une mandarine, chantonnait en même temps que les artistes."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.24 Une récolte d'informations brutes, de première main,  ed.Belfond

5.12.18

Meurtre et commandeur (36) : haute-fidélité

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Le son que produisaient ces hauts-parleurs était clair et élégant, chaque note distincte. En comparaison du son simple et sans artifice que diffusaient ceux de chez Tomohiko Amada, on aurait dit qu'il s'agissait d'un autre morceau."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.23, Tous vivent vraiment dans ce monde,  ed.Belfond

4.12.18

Commandeur et meurtre (36) : balalaïka



"Le jeune homme nous apporta nos cocktails sur un plateau argenté. Les verres étaient en cristal finement ciselé. Peut-être des baccarats. Ils étincelèrent brièvement à la lumière d'un lampadaire. Il posa à côté différentes sortes de fromages coupés et des noix de cajou disposées sur des coupelles Ko-imari. De petites serviettes en lin brodées d'une initiale et des ensembles de fourchettes et couteaux en argent avaient également été préparés. Le maître de maison s'était vraiment montré attentif.
Chacun prit son verre à cocktail à la main pour porter un toast. Avant d'approcher le verre de sa bouche, Menshiki triqua à l'achèvement de son portrait et, de mon côté, je lui adressai mes remerciements. Le balalaïka est composé à parts égales de vodka, de Cointreau et de jus de citron. Sa recette est simple, amis il n'est pas savoureux à moins d'être servi aussi glacé que s'il venait droit du Grand Nord. Préparé par un barman malhabile, il est insipide et fade. Mais celui-ci avait été merveilleusement concocté. Son mordant s'approchait vraiment de la perfection."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.23, Tous vivent vraiment dans ce monde,  ed.Belfond

3.12.18

Meurtre et Commandeur (35) : porte



"De haut murs blancs cernaient la propriété de part et d'autre d'un portail imposant, apparemment très solide. Un portail en bois à deux larges battants, peint en brun foncé. on aurait dit la porte d'un château du Moyen Âge tel qu'on en voit dans les fils d'Akira Kurosawa : ne manquaient plus que les flèches plantées ici et là pour parfaire le décor."
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.23, Tous vivent vraiment dans ce monde,  ed.Belfond

2.12.18

Meurtre et commandeur (34) : c'est pas du faux

""Dis, tu sais ? me dit ma sœur en marchant, d'une toute petite voix, comme pour ne pas être entendue par quelqu'un d'autre (il n'y avait personne en fait). Alice, elle existe vraiment. C'est pas du fau. C'est vrai. Le Lièvre de mars aussi, et le Morse, et le Chat du Cheshire, et les Cartes Soldats, tous vivent vraiment dans ce monde.
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.23, Tous vivent vraiment dans ce monde,  ed.Belfond

1.12.18

Commandeur et meurtre (36) : derrière moi


"En l'écoutant, j'avais l'impression que le Commandeur était sur le point d'apparaître dans mon dos, mais non, il ne se manifesta pas.
MURAKAMI Haruki, Le Meurtre du Commandeur, Livre 1, ch.22, L'invitation tient toujours,  ed.Belfond