Je n’étais jamais venu dans ce village de Roya, si loin de
la vallée du même nom. C’était pour moi le départ du mythique Mont Mounier que
chaque année je me fixe comme objectif sans concrétiser. On ne pouvait pas rêver
meilleur point de départ que cet enchantement de village ensoleillé, aux granges
robustes, beaucoup moins chic que Saint Dalmas le Selvage. La balade d’une
demie-heure vers le Pas de Roya, fut un enchantement, le long de la rivière
dont le nom m’échappe, laune, pont naturel, prairie, et une montée vers le col
de Pal à donner envie de partir sans manger.
Mais j’avais vu le gîte dans la vieille école, qui déjà, sur
internet, m’avait fait rêver. Il était tard et je n’avais pas envie de me
contenter de mon paquet de gaufres au miel, même bio. Sur le chemin du retour,
je m’imaginai très bientôt dormir là pour franchir ma mythique montagne. J’imaginai
donner l’adresse à mon amie qui chercher un petit abri avec laune proche. Une
vraie Perrette.
A l’arrivée au village, il était bien un peu tard, deux
heures moins le quart. Des parents avec un jeune enfant se dirigeaient vers la
table, évoquant un grand père qui allait tout manger, ce qui me donna de l’espoir.
L’assiette du randonneur, 12 €, me
laissait présager quelques délices qui allait me faire abandonner mon repas communautaire
habituel …
J’arrive sur la terrasse. La petite famille avait rejoint
les grands parents et s’installaient à table. Je reste debout, hésitante, alors
qu’un autre couple mangeait déjà et que deux randonneurs allemands sirotaient
une bière. Personne ne sort. J’entends dire par la grande tablée que l’hôtesse
étant seule le service serait un peu lent, aussi je décide de m’installer. Pendant
vingt minutes, j’ai assisté au manège : au bout de cinq minutes, l’hôtesse
sort de sa cuisine, solide femme de la cinquantaine. Elle prend grand soin de
cette jolie famille :y a t-il suffisamment d’ombre, on peut apporter un
autre parasol ; au deuxième voyage, elle apporte les sets et commande les
boissons. Elle retourne dans sa cuisine, on entend des bruits de vaisselle, les
enfants s’impatientent. Elle ressort avec un grand plateau de bières fraîches
et de sirop. Dans un nouveau voyage, elle saisit la commande, menu pour les
grands et assiettes de charcuterie pour les petits. Sera-ce trop ? Non,
elle rajoutera les frites. Elle rentre. Il était deux heures, un quart d’heure
s’était écoulé depuis que je m’étais assise. Des bruits de cuisine. J’ai décidé
d’attendre cinq minutes, montre en main. Rien. Il ne s’est rien passé. Personne
n’est ressorti ensuite. Pendant près de vingt-cinq minutes, j’ai attendu sur
une terrasse sans que l’hôtesse m’adresse une seule attention, un seul regard,
un seul signe.
Alors, je n’ai pas attendu la cuisson des frites de mes
voisins. Je suis partie, sans rien dire. Je ne sais pas si dans ce cul de sac
du bout du monde on ne sert que les familles que l’on connaît. Je ne sais pas
non plus si ce l’on ne mange que sur réservation. Je ne sais pas si l’on ne
prend plus les commandes après 14h. Je ne sais pas si l’on ne sert pas de
boisson, même les bières bio des Hautes Alpes mentionnées sur l’ardoise. Je ne
sais pas si l’on ne sert pas les asiatiques, quoique mon compagnon lui faisait
dos et comme elle ne m’a même pas regardé une seule fois, ç’aurait pu être tout
aussi bien un extra-terrestre. Affamée, fatiguée, je n’ai pas eu le courage de
demander une explication, une attention, celle que le client peut s’attendre à
avoir de son hôte. Peut-être était-elle surbookée pour huit couverts à midi. Je
ne le saurai jamais. Pour atteindre ma montagne mythique, très bientôt j’espère,
je dormirai à Isola.
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