8.11.20

En cheminant avec la parasha (5) : Vayera ou la déroute familiale

Je pensais qu'étudier attentivement toute la Parasha chaque semaine allait m'aider à traverser le nouveau confinement avec plus de sérénité. Mais pour celle là spécialement je commence à douter.

Pourtant, ça avait bien commencé avec un de mes épisodes préférés. C'est l'extrait où Abraham reçoit les trois hôtes en sa tente. Toute ma vie, je regretterai de ne pas avoir acheté l'icône chez ce marchand du vieux Jérusalem, que je n'ai jamais retrouvée  et qui est restée gravée dans ma mémoire. La délicatesse du tracé racontait parfaitement le récit de ce passage qui commence notre parasha.

Abraham, l'hospitalier, plaide pour Sodome. Abraham n'est pas Noé, Abraham ne veut pas que les Justes périssent. Abraham marchande, et ira jusqu'à dix. Peut-être qu'Abraham ne savait pas qu'il n'y avait pas dix justes à Sodome et il s'en retourna pensant qu'il avait bien plaidé.

Mais mon répit est de courte durée.


Il sera dit que neuf Justes dans une ville injuste n'ont pas le droit de vivre. Il sera dit aussi qu'il n'est pas bon y être un enfant.

Et c'est ainsi que tout dérape. Trop de récits fondamentaux sont enfermés dans cette parasha. Les épisodes s'enchaînent, plus glaçants les uns que les autres, du coup, l'attention se relâche, et on ne voit pas tout ce que cette parasha a d'insupportable, de terrifiant. Mais bon sang de bonsoir , comment ne m'en étais-je pas aperçu avant ? Abraham, avinou, notre père, mais quel père ? et  de quelle famille ? Revisitons un peu nos aïeux :

Vous êtes une fille ? Vous n'avez pas de nom, filles anonymes. Voici Loth qui protège l'étranger, mais ce n'est pas l'amour paternel qui l'étouffe : en échange du salut de ses hôtes il propose aux Sodomiens de violer ses filles, vierges, de n'importe quelle façon (Génèse 19,8). Les Sodomites n'acceptent pas le marché, peut-être au fond ont-ils un peu de morale familiale si le reste ne suit pas ... En tout cas, les filles ont bien trempé dans la culture sodomite : après avoir échappé au viol par des inconnus, persuadées que le monde a disparu comme au temps de leur ancêtre Noé, elles ne veulent pas rester sans descendance et décident à leur tour de violer leur père ( qui apparemment se laisse tenter à noyer son chagrin dans l'alcool) à tour de rôle, après l' avoir enivré. Dieu refusait l'enfantement à Sarah, mais il le permettra pour les filles de Loth, permettant au Messie d'advenir (par l'intermédiaire de Ruth)

Vous êtes une épouse ? 

    -Vous n'avez pas de nom, comme la femme de Loth ; on ne sait pas quand Loth l'a épousée, si elle a eu de lui des fils, d'autres filles. On sait juste d'elle qu'elle s'est retournée mais on ne sait pas le motif : pleurait-elle sa maison ? sa famille ? Etait-elle simplement curieuse ? ou incrédule ? Jamais on ne saura. La femme de Loth, s'étant retournée, deviendra statue de sel (Genèse 19-26). 

    - Vous en avez un, vous venez juste de le changer : pour modifier votre destin ? Il semblerait que non car Abraham remet ça, et là c'est moins facile à avaler : il laisse encore partir sa femme avec le premier (donc le deuxième roi) venu, Abimelekh cette fois, et la fait encore passer pour sa sœur, (en plus il raconte des bobards, Genèse 20-13). 

    - Vous êtes une concubine mère porteuse : comme Agar, avec de l'eau et du pain, on vous renverra dans le désert, pour la deuxième fois.

Ne croyez pas que les garçons sont mieux lotis.   

 - Vous êtes un fils ...

    ... "illégitime "? Ca ne marche pas pour vous "avinou", notre père si vous vous appelez Ismaël.  On vous renvoie, en ayant protesté un peu quand même, sur de vagues promesses. Il vous reste votre mère ? si elle n'a pas le sens de l'orientation, comme Agar, elle vous perdra dans le désert. Puis elle vous abandonnera à une mort solitaire, sous le prétexte que c'est trop dur de vous voir périr (Genèse 21-16); de toute façon, elle est nulle : elle n'avait même pas vu la source qui vous aurait sauvée (Genèse 20-19). 

-Mais ne croyez pas que le fils "légitime" est mieux loti, et la parasha finit en apothéose : votre père , en directe communication avec Dieu, va partir en randonnée pédestre pour vous donner en holocauste, en vous obligeant à porter le bois de votre bûcher, à vous laisser attacher.  Lui qui voulait trouver dix justes, il ne marchandera pas pour vous ... Accablé par le chagrin, ou totalement lâche, aveugle (?), vous ne tenterez même pas de vous sauver ...

Soyez en convaincus, frères humains, on ne peut compter que sur les anges, qui seuls, secourront les deux frères : l'un viendra secouer Agar, l'autre stoppera le bras d'Abraham afin qu'il ne tue pas Isaac.

Est-il besoin d'en rajouter ? Je crois que j'ai besoin de faire un break jusqu'à la semaine prochaine ...

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