"Parfois le destin ressemble à une tempête de sable qui se déplace sans cesse. Tu modifies ton allure pour lui échapper. Mais la tempête modifie aussi la sienne. Tu changes à nouveau le rythme de ta marche, et la tempête change son rythme elle aussi. C'est sans fin, cela se répète un nombre incalculable de fois, comme une danse macabre avec le dieu de la Mort, juste avant l'aube. Pourquoi ? Parce que cette tempête n'est pas un phénomène venu d'ailleurs, sans aucun lien avec toi. Elle est toi-même, et rien d'autre. Elle vient de l'intérieur de toi. Alors, la seule chose que tu puisses faire, c'est pénétrer délibérément dedans, fermer les yeux et te boucher les oreilles afin d'empêcher le sable d'y entrer, et la traverser pas à pas. Au cœur de cette tempête, il n'y a pas de soleil, il n'y a pas de lune, pas de repères dans l'espace; par moments, même le temps n'existe plus. Il n'y a que du sable blanc et fin comme des os broyés qui tourbillonne haut dans le ciel. Voilà la tempête de sable que tu dois imaginer.
C'est un fait, tu vas réellement devoir traverser cette violente tempête. Cette tempête métaphysique et symbolique. Mais si symbolique, si métaphysique qu'elle soit, ne te méprends pas : elle tranchera dans ta chair comme mille lames de rasoir affutées. Des gens saigneront, et toi aussi tu saigneras. Un sang chaud et rouge coulera. Tu recueilleras ce sang dans tes mains : ce sera ton sang, et le sang des autres.
Une fois la tempête passée, tu te demanderas comment tu as fait pour la traverser, comment tu as fait pour survivre. Tu ne seras pas très sûr, en fait, qu'elle soit vraiment achevée. Mais sois sûr d'une chose : une fois que tu as essuyée cette tempête, tu ne seras plus le même. Tel est le sens de cette tempête.
Kafka sur le rivage, Haruki Murakami, p10-11
pour Léa, lune et soleil.
C'est en flottant dans ces lectures-là que j'ose reprendre un peu d'eau de vie...
RépondreSupprimerLe Petit Page, qui calme ses tumultes intérieurs en se reposant sur les rivages Murakamiens
Bonsoir
RépondreSupprimerUn auteur que j'aime beaucoup.
Il tape dans le mille ...
L'expression que tu as trouvée Kiji est particulièrement appropriée. Dans le mille.
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