20.2.16

Ecoute le vent (23) : tumulus

" Après avoir bien marché, nous nous sommes assis sur une pente herbue, toute fleurie. Il y avait une petite brise bien agréable qui a séché notre sueur. Au bas de la colline s'étendait une douve très large d'où émergeait comme une petite île... un ancien tumulus funéraire, en fait, couvert d'arbres et d'une végétation touffue. C'était la tombe d'un empereur d'autrefois. Tu as déjà vu un de ces tumulus ?"
J'opinai.
" Et alors je me suis dit, mais pourquoi lui a -t-on construit un truc aussi énorme ?... Bon, bien sûr, chaque tombe a une signification. Et je le sais bien, un jour, chacun de nous finit par mourir, évidemment. Mais ça... c'était vraiment trop grand. Ce qui est trop grand, quelquefois, finit par changer la substance même des choses. Elles deviennent autres. Et en fait, ce truc-là, ça n'avait même plus l'air d'une tombe. On aurait dit une montagne. A la surface de l'eau des douves, on voyait des grenouilles, des plantes aquatiques, et, sur les clôtures, des tas de toiles d'araignée.
J'ai contemplé ce tumulus en silence, tout en tendant l'oreille au vent qui faisait naître des vaguelettes sur l'eau des douves. Ce que j'ai éprouvé à ce moment-là, je suis incapable de le traduire avec des mots. Non, d'ailleurs, il ne s'agissait pas d'un sentiment. C'était une sensation complètement enclose en elle-même. Je veux dire, les cigales, les grenouilles, les araignées et le vent, tout était fondu en une seule unité qui filait dans l'espace."
Le Rat se tut alors, puis il but la dernière gorgée de son Coca éventé.
"Chaque fois que j'écris, je me rappelle cet après-midi d'été et ce tumulus antique avec tous ces arbres. Et je me dis : comme ce serait magnifique si je pouvais écrire pour les cigales, les grenouilles et les araignées, et aussi pour l'herbe d'été et pour le vent."
Son histoire était achevée. Il joignit les mains derrière la nuque et regarda le ciel en silence.
" Et...tu as essayé d'écrire quelque chose ?
- Non, je n'ai pas écrit une ligne. Je ne peux pas écrire.
- Ah ?
-"Vous êtes le sel de la terre."
- Quoi ?
- Si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ?"
Telles furent les paroles du Rat.
Ecoute le chant du vent, MURAKAMI Haruki, ch. 31

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