16.5.09

Dédicace (5)

-Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant.- Je n'aimais pas la poésie. Je n'osais jamais dire tout le mal que j'en pensais. C'aurait été comme devant des historiens de l'art avouer que l'on n'aime pas Picasso -d'une femme inconnue et que j'aime et qui m'aime- Pourtant en cas de périls extrêmes comme la queue à la poste ou les courses à Auchan -et qui n'est chaque fois ni tout -à-fait la même ni tout-à-fait une autre- j'ai tout un répertoire de textes en octo et dodécasyllabes en guise de mantra. Les poètes n'existent pas. Il n'y a que des écrivains et leurs oeuvres, -et m'aime et me comprend de dix lignes ou de quatre cents pages. En sont la plupart de mauvais les poètes -ceux qui se disent tels, incapables d'écrire deux lignes en français ou plus de dix pages à la suite, ils dissèquent les phrases, usent des renvois à la ligne, abolissent la ponctuation, à grands renforts de revers d'écharpe, leur tenue de l'hiver.
Je pensais que je n'aimais pas la poésie, jusqu'à ce soir dans les Landes. Ce soir, couvrant le chuchotement des aiguilles de la forêt, John s'est mis à parler. Je n'ai pas compris tout de suite le sens que prenait la conversation, à quoi rimait cette succession de mots, de phrases et de textes. C'était de la musique avant toute chose, de rythmes et des souffles, de soupirs et d'échos. Je ne savais de qui était le texte et je n'en avais pour lors rien à faire. Je buvais la mélodie que développait la voix. Et cela dura, dura dans la nuit, se perpétua, tout un recueil à voix nue, sans partition, seulement pour moi, seulement pour chacun de nous.
Je croyais que je n'aimais pas la poésie.


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