Après, Arthur ne pouvait ni ne voulait l'oublier, cet après qui était toujours un avant, car le nouveau désir se réveillait déjà à peine le précédent était-il assouvi. Après, quand ils reprenaient leur souffle et que leurs cœurs cessaient de battre la chamade comme s'ils avaient gravi une cime, et c'était bien une cime, à chaque fois, une chaîne de montagne impraticable, qui vous effraie et pourtant vous attire irrésistiblement, qu'il faut explorer et conquérir, toujours différente et tujours plus familière, avec des sentiers qu'on voudrait arpenter de nouveau, encore et encore, s'il n'y avait la crainte de se trouver à bout de forces avant d'en avoir exploré d'autres, plus attirants encore. Après, lorsque les yeux ne voudraient pas se rouvrir, comme l'on cherche à prolonger un rêve tout en sachant qu'on ne le fera pas revenir, pas jusqu'à la prochaine fois, où il sera différent, encore plus beau, plus énigmatique, plus dangereux. Après, lorsque, sur la peau, le fin duvet est encore en charge, jette des étincelles sous le frottement des doigts-pas plus loin ! pas maintenant ! pas encore !-après, quand déjà le quotidien s'infiltre à travers les volets clos, avec son odeur fade, cette nauséabonde odeur de la réalité que l'on avait masquée pendant quelques minutes sans la chasser vraiment, quand la spontanéité les lâchait comme un manteau mal cousu, que la nudité redevenait nudité et non plus libération, après, quand ils se redressaient et demeuraient ainsi quelques secondes parce qu'ils n'étaient pas encore sûr de tenir en équilibre, après, quand ils étaient assis côte à côte jambes ballantes, comme si le lit n'était non plus dans le cabinet médical d'Arthur mais un rivage, au bord d'un lac,une mer, et la réalité une eau froide où ils devaient sauter - pas encore ! de grâce, pas encore ! quand tous deux fixaient l'armoire vitrée pleines d'ouvrages de médecine parce qu'ils n'avaient pas encore le courage de croiser leurs regards.Après, quand c'était terminé et que déjà montaient en eux cette légère déception inhérente au bonheur comme le vieillissement à la vie, après, quand le temps s'immobilisait et pourtant devait reprendre son cours, après ils surmontaient ces secondes de doux embarras...
Melnitz, de Charles Lewinsky, ed Grasset, p456.
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Ton blogue est du petit nombre de ceux qui m'émeuvent... Merci
RépondreSupprimerMerci à toi ! Je ne savais pas que tu venais t'y promener...
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