18.2.09

La luciole



Mise en ligne par lu.ciole
"(...) J'ouvris le couvercle du bocal, fis sortir la luciole et la posai sur le rebord de la citerne, large de quelques centimètres. On aurait dit que l'insecte ne comprenait pas où il se retrouvait. Il entreprit de faire le tour d'un boulon à petits pas chancelants puis se prit les pattes sur des éclats de peinture. Il tenta une sortie vers la droite, se heurta à un obstacle, rebroussa chemin. précautionneusement, il se hissa au sommet du boulon et resta immobile, un long moment. Statique, comme mort.
Je me penchai davantage sur le garde-corps et l'observai. Longuement nous demeurâmes ainsi, la luciole et moi, dans la plus parfaite immobilité. Seul le vent, semblable à une rivière, coulait entre nous. Les innombrables feuilles de l'orme bruissaient dans la nuit.
J'attendis une éternité.

Bien plus tard, la luciole prit son envol. Elle déploya soudain ses ailes, comme si un souvenir l'avait saisie, et la seconde d'après elle se retrouva au-dessus du garde-corps avant de plonger dans l'obscurité transparente. Puis comme si elle voulait rattraper le temps perdu, elle s'éleva en dessinant des cercles rapides au dessus de la citerne. Elle s'immobilisa un instant, ses traces lumineuses eurent juste le temps de s'effacer, et elle s'éloigna en direction de l'est.
Après sa disparition, le souvenir de ses traces lumineuses resta longtemps en moi. Dans les ténèbres épaisses derrière mes yeux clos, ses lueurs ténues demeurèrent vivaces, tels des esprits vagabonds.
J'essayai encore et encore de tendre les mains dans la nuit. Mes doigts ne touchaient rien. Cette toute petite lumière était pour moi désormais hors d'atteinte."

Haruki Murakami, La luciole, in Saules aveugle, femme endormie

Moi je sais où la luciole s'est rendue...


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1 commentaire:

  1. Un très joli texte.
    En ce moment je lis un "pavé" sur Hideyoshi.

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