30.8.20

Les disparus. Le souvenir des belles choses (1)

 


Dans la plupart des enterrements, il y a une ou plusieurs photos. Ces photos sont choisies par les survivants. Celles que l'on a sous la main ou plutôt celles que l'on a minutieusement sélectionnées ? Le spectateur, lui, ne sait pas. Il suppute. Parfois il se rappelle du lieu de la photo, de l'époque de la photo, et cela l'émeut, le renvoie à lui même, à la perte, à sa propre mort ... 

Certains disparus ont des biographes : à leur mort, ceux-ci écrivent en leur souvenir leurs souvenirs. Et parfois l'on apprend des choses que l'on ne savait pas du tout sur la personne. Que l'on aurait pu ne pas savoir. Que l'on n'aurait pas voulu savoir ... Dont on aimerait savoir plus ...

J'ai vécu avec quelqu'un pendant trente ans. Je savais tout de lui. Cela ne m'a servi à rien le jour où il m'a plantée là.

 Je vis avec quelqu'un depuis treize ans jour pour jour, je ne sais rien de lui, pas même sa couleur préférée. Cela me convient. C'est bien ainsi.

Pourtant, au jour de mes obsèques, que restera t-il de mon parcours de vie,  et particulièrement de ces trente années bien remplies de seize à quarante-six ans ? Ma fille se souvient sans doute des dernières, et des suivantes si douloureuses qu'elles ont pulvérisé les souvenirs, surtout les bons. Moi-même j'ai scotomisé pas mal de mon passé pour aller de l'avant.  Autour de moi la Grande Faucheuse sévit; ainsi de mon petit mariage de 1978 à la Mairie de Nice, depuis quinze jours, tous les témoins sont morts. Pour enrichir le tout, on a fait de moi un personnage mauvais, dans de mauvais ouvrages dont ceux qui survivront au pilon stagneront sur des étagères. Daniel Mendelsohn dit dans les disparus :"Etre en vie, c'est avoir une histoire à raconter. Etre en vie, c'est précisément être le héros, le centre de l'histoire de toute une vie. Lorsque vous n'êtes rien de plus qu'un personnage mineur dans l'histoire d'un autre, cela signifie que vous êtes véritablement mort." Ces morts de l'été, cette lecture, un signe, le déclic : il me vient un devoir d'écriture. Seule en mesure de le faire, je veux me souvenir et l'écrire. Le souvenir des belles choses. Des belles choses seulement. En ces trente ans de vie commune, elles ont constitué mes jours, elles m'ont façonnée, car j'avais seize ans quand elle a commencé. Si ce couple n'est plus, il a bien existé, il a été heureux et moi à l'intérieur et de cette lumière est née aussi celle que je suis, jour après jour et que je n'ai pas trahie. 

Alors, commençons ...

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