29.5.11

Le charme des servantes

" Elle tenait un grand chiffon de laine. Avec soin, elle l'arrondit; puis, sur la vieille table où je prends mes repas, elle appuya l'étoffe des deux mains et se mit à frotter avec lenteur le chêne qui luisait comme un miroir de bronze. Et son travail avait la puissance et le calme.
En polissant le bois avec patience, le vieux bois travaillé par les hommes, elle tendait le buste en avant et portait, sur la cire odorante, ses mains laborieuses. La cire douce pénétrait dans cette matière polie sous la pression des mains et la chaleur utile de la laine. Lentement le plateau prenait un éclat sourd. Il semblait que montât de l'aubier centenaire, du cœur même de l'arbre mort, ce rayonnement attiré par le frottement magnétique, et qu'il s'épandît peu à peu à l'état de lumière sur le plateau. Ls vieux doigts chargés de vertus, la paume généreuse, tiraient du bloc massif et des fibres inanimées les puissances latentes de la vie. C'était la création d'un être, l'œuvre même de la foi, devant mes yeux émerveillés."
Henri Bosco, Le jardin d'Hyacinthe, p183

2 commentaires:

  1. peut être était elle tout autant sensible au charme du vieux bois chantant grâce aux femmes

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  2. "Sans doute. Le narrateur dit d'elle : "sans doute Sidonie avait-elle quelque pouvoir sur la nature du feu. A force de vivre à côté de sa propre vie matérielle, elle avait réussi à dégager des choses ce qu'elles retiennent de pur en dessous de leur forme sensible."
    Amitiés

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