17.3.14

Rêve : quand Agnès Desarthe fait la nique à Murakami



"Mes flocons de chapelure dorée sont prêts, j'y roule le poisson à peine enduit de blanc d'œuf et ça marche : au bout de quatre passages dans l'assiette emplie de pépites, il est parfaitement déguisé, parfaitement méconnaissable en tant que filet de lotte, et parfaitement reconnaissable en tant que poisson pané. Lorsque je le dépose dans l'assiette de Paul Mc Cartney, celui-ci pousse un hurlement de joie et, sans doute pour me remercier, se met à chanter Norwegian Wood. Tous chantent avec lui. Même Yoko Ono. Les guitares et les autres instruments jouent, quelque part en coulisse. C'est tellement beau. Je pleure. Je pleure parce que c'est la chanson que jouait le tourne-disque la première fois que j'ai fait l'amour.
Je m'en souviens très bien : j'étais par terre, sur le dos. Cela faisait des mois et des mois que l'envie montait. Je riais, pas à cause de l'étrangeté pas à cause de la honte (je n'en ressantais aucune), pas à cause de la gêne. J'avais envie de rire à cause du bonheur de la découverte, de l'ivresse de ce que je croyais avoir inventé. J'ai pensé à Archimède et à Coernic. J'ai pensé à Newton et Einstein. J'ai pensé à Galilée. Au fond de moi, comme dans l'univers ce gisement, comme l'attraction universelle, en moi, comme dans la terre, ces ressources intarissables d'énergie. Pourquoi ne m'en avait-on pas parlé plus tôt ? Comment avais-je pu ne pas m'en douter ? Et c'était gratuit ? Et c'était pour tout le monde ? Et c'était facile, comme ça ? Si facile ? Je n'ai pas pensé que je ne prenais pas la pilule, que le garçon n'avait pas mis de préservatif, que je risquais de tomber enceinte ou d'attraper je ne sais quoi. J'ai pensé c'est dingue. Et pendant ce temps-là, les Beatles chantaient Norwegian Wood."
Mangez-moi. Agnès Desarthe

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