dédié à Christian et à Anne
"Mon grand frère apprend à lire.
Cela ne m'intéresse pas. A quoi bon s'embêter puisque le soir, Dominique, notre nounou, nous lit des histoires. Les Malheurs de Sophie. J'écoute distraitement. Je ne parviens pas à me concentrer sur l'intrigue. Un mot unique retient mon attention; je ne l'ai jamais entendu dans la bouche de quiconque, ni dans celle des mes parents, ni dans celle de la maîtresse. Je ne comprends pas à quoi il sert, ni ce qu'il signifie. Il m'empêche de me concentrer sur les aventures de la malheureuse Sophie. Je soupçonne la nounou de l'ajouter, de l'inventer. Peut-être est-ce, pour elle, une façon de se gratter la gorge, de reprendre son souffle. Ce mot est court et ne ressemble pas aux autres; isolé, il se dresse et me sidère. Serait-ce du russe ? BREF. C'est le seul mot que je garde des séances dédiées à la comtesse de Ségur.
Lire ne sert à rien. Moi ce que je veux, c'est écrire. "
Agnès Desarthe, Comment j'ai appris à lire, ch. Comment tout a (mal) commencé.
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