1.5.08

Athos et salade de tomate

Je viens de finir Ap. J.-C. de Vassilis Alexakis. Une petite merveille.
"En sortant de la maison, nous nous sommes trouvés face à un moine du nom d'Andréas, que tout le monde appelle l'Aviateur.
-Salut l'Aviateur ! lui a dit Onoufrios.
Il était venu chercher le drapeau byzantin.
-Les avions ne vont pas tarder à passer ! nous a-t-il annoncé avec une exaltation enfantine. Ils m'ont prévenu !
Malgré sa fébrilité, il a réussi à ouvrir la porte d'entrée sans faire de bruit.
-Le coin le plus paisible de l'Athos, le paradis des anachorètes, est devenu un des endroits les plus bruyants de la Grèce, a commenté Onoufrios d'un air enjoué. Regarde !
J'ai vu Andréas, portant la hampe devant lui, traverser la terrasse à grandes enjambées comme s'il envisageait de se jeter dans le vide. Il n'a déployé le drapeau, qui était aussi grand qu'un drap, que lorsqu'il a été debout sur le muret. L'aigle bicéphale a étendu ses ailes au-dessus de l'abîme.
-Andréas parle avec les avions comme d'autres devisent avec les oiseaux(...)
Les yeux tournés vers le ciel, il a placé sa main libre en cornet autour de son oreille. On aurait dit qu'il attendait un appel divin. Un ronronnement s'est fait entendre et quatre points noirs sont apparus au même moment à l'horizon. Andréas s'est mis aussitôt à esquisser de grandes ellipses avec son drapeau, sachant que les avions ne tarderaient pas à nous survoler. Ils n'ont pas tarder en effet. Dans un vacarme épouvantable ils ont plongé l'un après l'autre au dessus de nos têtes. J'ai eu l'impression que leur souffle faisait trembler toute la péninsule(...)Andréa était aux anges. Les avions sont montés très haut dans le ciel puis sont de nouveau descendu en piqué dans notre direction.
-Ils m'ont salué deux fois, a-t-il crié. Ils m'ont salué deux fois ! "
Quand j'ai lu ce passage, les souvenirs sont revenus en moi. J'ai vécu quelques temps en face de l'Athos, sur une falaise dominant la mer. Je me souviens de la "patrouille de Grèce" qui me faisait un show privé chaque jour. Je me souviens de la montagne sacrée, capricieuse, qui apparaissait quelquefois à travers la brume. Je me souviens précisément de la texture de l'eau et du sable, du goût précis de cette salade de tomate unique au monde à la taverne, dont j'ai mis si longtemps à m'apercevoir qu'il venait de celui de l'huile d'olive dont je n'ai plus goûté jamais une telle splendeur.
"Comment as-tu eu l'idée de faire des signaux aux avions ?
-Elle m'est venue un jour où j'étais sur la terrasse de père Daniel. j'avais de longues conversations avec lui naguère. Mais il a énormément vieilli ces derniers temps, il n'a plus le courage de soutenir une discussion. J'étais en train de me demander ce que j'allais pouvoir faire désormais pour passer le temps lorsque j'ai vu un avion à l'horizon.
-Il s'agit d'un jeu, en somme.
-Tu trouves que je suis trop vieux pour jouer sans doute ?
J'ai perçu une légère anxiété dans sa voix."

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