
photo Adachihara Hatsuo
J’ai été chargée par Christian pour la journée de formation du 26 Avril, de présenter l’œuvre de Claude Ponti, de la rendre accessible à ceux qui ne la connaissaient pas et surtout à ceux qui, après s’y être frotté, ne la comprenaient pas, y restaient insensibles.
Et maintenant, je suis chargée de faire un compte-rendu et je n’y arrive pas. Comment le faire sans la base picturale, sans les textes intégraux que j’ai lus ? Pour le tenter, j’ai repensé au
texte de Cable, un blogger que j’ai lu hier, texte qui parlait de mon écrivain préféré Haruki Murakami :
Je cite:
« Je me suis dit que c’était moi qui n’avais pas compris le sens caché, que mon manque d’expérience de lecture était en faute…alors j’ai cherché les réponses sur Internet. Bah en fait, j’avais raison dans ce que je lui reprochais; il n’y a aucun sens à cette histoire. Même l’auteur le dit dans une interview: “Je n’ai aucune idée du sens de cette histoire. J’ai écrit un rêve, mais moi-même je n’en comprends pas le sens. Bon en fait, en le relisant des dizaines de fois comme j’étais obligé puisque c’est moi qui l’ai écrit, j’ai commencé à comprendre le sens caché. Je recommande donc aux lecteurs de le lire plusieurs fois, ils y verront plus clair.”. Cet abruti est un grand comique. Lui-même dit qu’il a écrit un truc qui n’a pas de sens, et il demande aux gens de le lire plusieurs fois! Hallucinant. A lire les quelques critiques sur ses œuvres, ce genre d’histoire, c’est son style. Ses histoires (…) sont toutes en dehors de la réalité et n’ont aucun sens. … »
Je n’avais jamais songé à cela, à rapprocher Ponti et Murakami. Mais Câble a raison, en un sens, je comprends sa critique. Car Murakami ou Ponti ont en commun d’aller chercher leur texte dans l’Océan de la Mère des Histoires
« A 11h15, l ‘écorce des arbres disparaît. Les arbres s’ouvrent comme des portes. Dedans, on voit le bleu de l’Océan de la Mère des Histoires. L’eau de cet Océan est faite de toutes les histoires du monde. Toutes. Celles qui ont été mille fois racontées, celles que presque personne ne connaît, celles qui ont été oubliées, celles que l’on n’a pas encore racontées et celles qui n’ont pas encore été inventées.
C’est un Océan immense qui n’a pas de bord, pas de fond. Les poissons trouvent les passages entre notre monde et l’Océan de la Mère des Histoires. Ils sont silencieux et légers comme des bulles de savon. Ils ne disent jamais rien. On ignore ce qu’ils font. Ils survolent les palais, les écoles, les maisons perdues, les pauvres cabanes de pêcheur, puis ils repartent sans que l’on sache pourquoi. »
(Claude Ponti,
Georges Lebanc, 11h15)
Je n’aimais pas Claude Ponti. Les dessins m’effrayaient, et puis tant de violences et de grouillements chez les poussins. Mais en même temps, j’avais le sentiment que quelque chose m’échappait. Alors j’ai suivi mes élèves de maternelle. Je les ai observés dans le coin lecture devant la grosse pile de livres que j’avais apportées et que je ne savais pas attaquer avec eux. Ils l’ont fait pour moi, ils ont regardé, page après page, regardé encore. Et ri, encore et encore. Alors j’ai été leurs yeux et j’ai lu pour eux. J’ai découvert l’écrivain, le tisseur de mots, le détourneur d’expression, le dresseur de listes. Les livres pour les Tous-Petits, la série
Tromboline et Foulbazar : j’ai « étudié »
le A avec eux en le chatouillant et en lui faisant peur ; j’ai suivi la fourmi à Grosse Voix pour trouver le père, la mère, les frères, les sœurs, les cousins, les cousines, les copains, les copines, etc du bébé bonbon. J’ai découvert
Blaise et les poussins, ces personnages qui vivent derrière les livres et qui nous ouvrent les portes du mystère de l’écriture, et dont la violence apparente n’est là que pour nous aider à affronter la fadeur du monde que nous proposent les adultes.
J’ai attaqué les livres plus importants. J’ai voyagé avec
Petronille et parcouru les noms de ces 120 petits comme les autres énumérations de Ponti : le goûter au square de Georges Lebanc, celui des invités d’
Anne Hiversaire. J’ai exploré
ma vallée.
Comme toujours en littérature. j’y ai trouvé soutien dans les jours de peine : j’ai grimpé dans «
l’arbre sans fin » dans les jours de deuil, j’ai été architecte dans
Schmélele et l’Eugénie des Larmes : « c’est une maison qui s’est construite autour d’une petite fille avec les larmes qu’elle pleurait. Une petite fille si malheureuse qu’elle a pleuré toutes les larmes de son corps. Une fois la maison construite, la petite fille est partie. Tout son chagrin était passé dans les murs de la maison. ». J’ai offert à mon amoureux
Bizarre…bizarre , car comme Mademoiselle Oiselle « je laisse beaucoup de moi-même sous cette branche de Charmilla »
Quand je n’ai pas le temps, je me contente des quatrièmes de couverture où les codes-barres délirent.
Bien sûr, Câble a raison.« Ses histoires sont toutes en dehors de la réalité et n’ont aucun sens. … » On n'est pas obligé d'aimer Claude Ponti ou Murakami, et d'aimer leurs histoires .Et bien, je serai comme Pétronille : qu'il y ait un sens ou non, je n’en ai rien à faire, et je veux suivre toujours les poissons de l'Océan de la Mère des Histoires.