La vie est étrange parfois, la vie est étrange soudain. L'autre jour, je suis rentrée dans une librairie pour chercher un livre au hasard et comme toujours j'ai trouvé exactement ce qu'il me fallait : le réfrigogérateur de Claude Ponti. Mais là n'est pas l'histoire. Une table était préparée, une table de signatures. Et j'ai repensé, j'y repense souvent, à ce qui m'est arrivé, il y a longtemps maintenant , dans une autre vie. Et qui m'avait inspiré un texte, ce texte que je suis allée chercher dans ma malle à secrets, car je l'ai même perdu sous forme informatique. Ce texte que j'ai relu et que j'ai envie de retaper ici, par épisode, comme ça, pour voir, pour voir si mon malaise a cicatrisé, pour voir ce qu'il en reste, aujourd'hui, si ces mots ont un sens encore de si loin...Ce texte où tout est vrai, seul les noms ayant été changés. La vie est un roman, comme dit l'autre.
"Aujourd’hui, encombrée de mon bouquet, je venais pour la signature. Maud était déjà là, assise derrière sa pile de livres. J’essayai en vain un rapide calcul de tête : combien cela faisait-il d’années que je ne l’avais pas aperçue, que je ne lui avais pas adressé plus que des salutations polies ? Six ans, plus ? Notre première rencontre, c’était à des années-lumière…
C’était aussi à une signature, ailleurs. Je venais juste de revenir à Nice et je n’y connaissais presque plus personne. Au milieu de la foule armée de coupes et de petits-fours, je ne savais à qui parler. Maud y dédicaçait, mais je ne saurais dire quoi. Quelqu’un fit les présentations : à l’annonce de mon nom, elle me dit sûre de me connaître ; pourtant c’était impossible, mon travail était trop confidentiel : je ne publiais que dans une seule revue de métaphysique à deux cents exemplaires, à propos d’un évangile apocryphe inconnu. Il aurait été totalement incongru, impudique, d’en parler dans un pareil endroit lors d’une première rencontre avec une étrangère. Pourtant, tentée, quand je finis par le faire, je découvris qu’elle faisait partie des deux cents abonnés…
Nous prîmes cela pour un signe et nous devînmes amies. Très intensément, tout de suite, je me vis incluse dans le cercle extrêmement réduit de ses intimes. Je découvris rapidement qu’en dehors de lui, les gens ne l’aimaient guère. Elle était compliquée, tranchante dans ses arguments, inflexible dans ses choix, rapide et incisive jusque dans sa façon d’articuler, de respirer. Mais je l’aimais, je l’aimais malgré, peut-être à cause de tout cela. Elle était fascinante, elle m’impressionnait. Pour rien au monde je ne lui aurais montré mon travail : j’avais trop peur d’être moi-même cause du tranchant de ses dents qui déchiquetaient chaque point faible de ses victimes
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