"Voulez-vous une tasse de thé ?
- Oui, volontiers" ai-je répondu après un temps d'arrêt. Je me suis demandé si je pourrais me rendormir après avoir bu si tard une tasse de ce thé pissant. Mais j'en avais vraiment envie, et comme d'habitude je n'ai pas pu résister à la perspective de l'arôme du thé fraîchement infusé de M. Koyasu.
Celui-ci s'est levé et a empoigné la bouilloire, qui émettait des nuags de vapeur blanche. Il lui a imprimé un balancement habile avant de tempérer l'ébullition. Cette grosse bouilloire pleine devait être assez lourde mais les mouvements de Monsieur Koyasu n'en laissaient rien paraître. Il a soigneusement dosé les feuilles de thé avec une cuillère, les a placées dans la théière de porcelaine blanche préchauffée et y a versé avec précaution l'eau chaude. Il a posé le couvercle sur la théière, fermé les yeaux et adopté la posture raide d'un garde dixcipliné du palais. C'était la même série d'opérations de toujours. Ou peut-être plutôt le même cérémonial.
MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 36.