6.4.25

Murs incertains (38) : ce mur pouvait exister

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Fermina Daza ne comprenait pas pourquoi on ne la recueillait pas alors qu'elle semblait en détresse, mais le capitaine lui expliqua qu'elle était le fantôme d'une noyée qui envoyait des signaux trompeurs afin d'attirer les bateaux vers les dangereux tourbillons de l'autre rive. (Gabriel Garcia Marquez, l'Amour au temps du choléra)

L'écrivain colombien Garcia Marquez n'estimait pas nécessaire la distinction entre les vivants et les morts. Qu'est-ce qui était réel et qu'est-ce qui était irréel ? Ou plutôt, y avait-il vraiment dans ce monde quelque chose qui séparait le réel de l'irréel ?
Je pense que ce mur pouvait exister. Non, il existe, sans aucun doute. Mais il s'agit d'un mur de totale incertitude. Selon la situation et selon l'adversaire, sa rigidité change constamment. Sa forme change. A l'instar d'un être vivant.

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 61


5.4.25

Murs incertains (37) : recluse

"

"Je peux faire de petits achats en ligne et me faire livrer et me faire livrer ce dont j'ai besoin pour le café. Ici, dans la rue commerçante, je trouve de quoi pourvoir à mes besoins du quotidien, ce qui m'évite de sortir souvent. Cette vie de recluse me rappelle le film tiré du Journal d'Anne Franck, celle qui vivait dans sa cachette à Amsterdam. Plafond bas et petite fenêtre...
- Mais personne ne vous pourchasse et vous n'êtes pas obligée de vous cacher. Vous vivez une vie que vous avez choisie.
-Oui, mais pour qui loge dans un si petit espace et dont les seuls allers-retours se font entre le rez-de-chaussée et le premier étage surgit inévitablement l'illusion d'être poursuivi obstinément par quelqu'un ou quelque chose, et de vivre en se cachant d'un danger imminent. "

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 61


3.4.25

Murs incertains (36) : pizza


"
- Et après, nous allons chez moi manger quelque chose ? Je peux cuisiner un petit dîner rapide et simple . "
Elle a un peu penché la tête, plissé les paupières et réfléchi.
" Si cela ne vous ennuie pas, pourrions-nous commander une pizza ici et prendre une bière avec ? C'est plutôt de ça que j'ai envie aujourd'hui.
- Bien sûr. Une pizza, ce n'est pas plus mal.
- Une margherita, ça vous va ?
- Ca m'est égal. Décidez vous-même. "
Elle a appuyé sur un numéro enregistré dans son portable et a commandé des pizzas, comme elle en avait l'habitude? Garnies de trois sortes de champignons. "

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 61


2.4.25

Murs incertains (35) : et si c'était vrai aussi pour Murakami ?

"
"Dans ses histoires, le réel et l'irréel, les vivants et les morts ne font qu'un, tout se mêle, a-t-elle commenté. Comme s'il s'agissait d'événements quotidiens qui vont de soi. 
- C'est ce que souvent on appelle le réalisme magique, ai-je remarqué.
- Oui, c'est vrai. Toutefois, si ces histoires relèvent du réalisme magique  selon les normes critiques, pour Garcia Marquez lui-même, ne représentaient-elle pas du réalisme ordinaire ? Car dans le monde dans lequel il vivait, le réel et l'irréel se mélangeaient tout naturellement, et il décrivait les choses telles qu'il les voyait."
Je me suis assis sur le tabouret à côté d'elle. "Vous voulez dire que dans son monde, le réel et l'irréel se juxtaposent, coexistent à valeur égale, et que Garcia marquez n'est que leur chroniqueur ? 
- Oui, je pense. Et j'adore cette posture dans ses romans. "

"

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 61


31.3.25

Murs incertains (34) : citation



"Elle lisait. Non pas un livre de poche mais un épais ouvrage relié. Elle l'a fermé et m'a souri. D'après son marque-page, je pouvais voir qu'elle l'avait presque terminé. 
"Qu'est-ce que vous lisez ? ai-je demandé en enlevant mon duffle-coat et en l'accrochant au porte-manteau
- L'Amour au temps du choléra, a-t-elle répondu.
- Vous aimez Garcia Marquez ?
-Oui, beaucoup. D'ailleurs, j'ai presque tout lu de lui. Mais j'aime particulièrement ce roman. Je le lis pour la deuxième fois. Et vous ?
- Je l'ai beaucoup lu quand j'étais plus jeune. Dès la parution de ses livres.
- J'aime tout spécialement ce passage.

"Fermina Daza et Florentino restèrent dans la cabine de commandement jusqu'à l'heure du déjeuner, une fois passé le village de Calamar qui, à peine quelques années auparavant, était une fête perpétuelle et n'était plus aujourd'hui qu'un port en ruine aux rues désolées. Une femme vêtu de blanc et qui agitait un mouchoir fut le seul être vivant qu'ils aperçurent depuis le navire. Fermina Daza ne comprenait pas pourquoi on ne la recueillait pas alors qu'elle semblait en détresse, mais le capitaine lui expliqua qu'elle était le fantôme d'une noyée qui envoyait des signaux trompeurs afin d'attirer les bateaux vers les dangereux tourbillons de l'autre rive. Ils passèrent si près d'elle que Fermina Daza la vit dans ses moindres détails, se découpant bien nette contre le soleil, et elle ne mit pas en doute la réalité de sa non-existence, bien qu'il lui sembla reconnaître son visage.
"

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 61


29.3.25

MURS INCERTAINS (33) : bonne mémoire

" Du haut-parleur s'échappait un solo de Gerry Mulligan. Je l'avais souvent entendu, autrefois. Tout en buvant lentement mon café bien chaud, j'ai fouillé dans ma mémoire et j'ai retrouvé le titre du morceau. C'était Walkin' Shoes, si ma mémoire était bonne. Il était interprété par un quatuor, sans piano, avec Chet Baker à la trompette. "


MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 60


28.3.25

Murs incertains (32) : quatre

"
Balakirev, a murmuré quelqu'un à mon oreille. Comme lors d'un examen, un ami obligeant assis à mon côté qui me soufflerait la bonne réponse. Mais oui, Balakirev. Ils étaient quatre maintenant. Quatre sur cinq. Il en manquait toujours un. 

"Balakirev" ai-je articulé à voix haute.Aussi clairement que si j'écrivais ce nom en l'air. 
"

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 58