17.1.25

Murs incertains (4) : lecture

"J'étais assis dans le vieux fauteuil (que M. Koyasu m'avait déniché je ne sais où ) et je relisais l'Education sentimentale de Flaubert à la lumière d'un lampadaire. La typographie ancienne me fatiguait les yeux et je me demandais si je n'allais pas bientôt aller au lit - tout était à peu près comme d'habitude. "

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 36.

16.1.25

Murs incertains (3) : chat

Léonard-Tsuguharu FOUJITA (1886-1968)

Chat allongé. 1926. Lithographie.


 "Un original aurait été hors de prix et il était difficile d'imaginer qu'une œuvre d'une telle valeur ait été simplement placé sur ce mur. Néanmoins le cadre semblait un peu trop sophistiqué pour une reproduction.

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 30.

15.1.25

Murs incertains (2) : journal intime

 "Si je déclare que ce cahier est mon seul ami, cela fera un peu penser au Journal d'Anne Frank. Bien sûr, je ne vis pas cachée dans la maison de quelqu'un, je ne suis pas entourée de soldats nazis. Ou du moins, les gens de mon entourage n'ont pas de croix gammée sur leurs manches, et pourtant. "

MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, première partie, chapitre 8.

14.1.25

Murs incertains (1) : lambeaux

 "Tout cela, tu me l'as raconté fragment par fragment. Comme si tu sortais des lambeaux de je ne sais quoi de la poche d'un vieux manteau. "
MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, première partie, chapitre 4.

13.12.24

Nous mourons tous par petits bouts : Service public

 Quand j'étais petite, on m'a transmis le plus grand respect pour le facteur. Ma mère me racontait que passer le concours était très difficile, notamment il fallait savoir par cœur tous les numéros des départements français, ceux que j'avais retenus moi-même en faisant, défaisant, refaisant, le grand puzzle de la carte de France que le père Noël m'avait apporté.

J'ai repensé à tout cela en ouvrant ma boîte aux lettres . J'ai trouvé un avis de passage. Pour une fois, c'était vrai, je n'étais vraiment pas là quand le facteur est passé et qu'il a rempli l'avis. Il a écrit ceci :


Quand s'est-il présenté ? Hier et l'avis a été déposé par le facteur des lettres ? aujourd'hui et c'est lui qui a glissé l'avis ?
Car la date de cet aujourd'hui dépend étroitement de celle du "demain" de l'avis. Demain est-il demain ? Demain est-il l'aujourd'hui du facteur des lettres et alors il est déjà trop tard ? Je suis perdue dans le temps ...



Je suis perdue dans l'espace aussi. J'avoue un peu de mesquinerie de ma part. Certains diront que je fais du racisme social. Mais bon, ce facteur est bien rattaché à cette poste qu'il ne sait pas écrire. Malausséna. L'adresse de son job. Celle qu'il va écrire des dizaines de fois aujourd'hui ? Ou bien qu'il a écrit hier ? Une des avenues les plus populaires de Nice, celle du marché, du tramway. 
Cet avis écrit à la première personne pour me rendre le service public plus proche me le rend en fait plus lointain , faille spatio-temporelle que rien ne pourra combler. Je me demande ce qu'en aurait pensé ma maman, qui n'a jamais eu son certificat d'études, ce qui pour elle était une grande blessure : meilleure élève de sa classe, mais fille, elle avait du aller travailler fissa, même après que son instit soit passé à la maison pour tenter de convaincre le père de la laisser à l'école encore une petite année ...



18.11.24

Un monde presque parfait

 La vie est pleine de bizarreries merveilleuse.

En ce moment, j'apprends à lire des partitions bizarres, dans le système ashkenaze de l'Ouest (il y a une semaine je ne savais pas du tout que ce système existait, ni celui de l'est d'ailleurs) dont les mots sont dans une langue que personne ne parle plus mais qui a été recréée de toute pièce pour un pays lequel des milliers de personnes essaient de le rayer de la carte (from the river to the sea). Ce système je vais l'adapter à la musique modale sefarade quand j'en aurai assez compris. En attendant, je suis les cours d'un professeur britannique à l'accent parfait (je comprends tout !) par zoom, en compagnie de Corses, d'Ecossais, d'un gars de Melbourne pour qui c'est cinq heures du matin. Nous passons notre temps à transposer des syllabes chantées sur des mots. La Bible toute entière a été pour cela entièrement coloriée en bleu, jaune, vert et rouge par une très gentille dame qui pratique le système ashkenaze de l'est donc nous ne pouvons pas utiliser son audio, de toute la Bible aussi, mais oui, mais oui. Et tout cela entièrement gratuit, les couleurs, la Bible, les cours, la soirée, le zoom. Tout. Il ne faut jamais oublier que nous vivons dans un monde merveilleux.
Presque. Sur le site il y a un compteur qui compte les heures que certaines personnes passent dans des tunnels si tant est qu'elles sont encore vivantes ...
https://www.cantoreducator.com/downloads/torah/torah.shtm

31.10.24

Lecture : Nuage et eau (2) : assaisonnement

 Aji wo tsukeru, expression souvent traduite par "assaisonner" évoque également la capacité à capturer le goût du légume par une préparation. A rebours de la gastronomie française traditionnelle qui procède par addition de textures et de sauces, la cuisine japonaise tente de révéler le produit en enlevant tous les procédés inutiles pouvant l'altérer. Le dashi doit "trouver" l'essence naturelle du produit, le révéler, toucher sa vraie nature. Il ne s'agit pas d'ajouter quelque chose, de transformer le produit par des sauces ou des condiments permettant d'avoir un plat élaboré, amis d'utiliser les préparations comme des exhausteurs d'un goût originellement présent.

La logique est là aussi celle de la soustraction, du lâcher prise. Enlever, toujours enlever. S'il faut cuire un oignon, l'huile ou le sel ne sont pas nécessaires, l'oignon est seulement cuit à feu très doux dans une petite casserole fermée, enrobé dans sa peau pour l'attendrir, à l'image d'une cuisson vapeur. Il n'y a donc qu'un oignon, cuit dans sa propre peau (...) Une cuisine sans ego

Entre nuage et eau, de Tozan, chapitre 3, ed. Equateurs