29.5.06

Souvenirs de petite bouche, 5


illustration de Claire Cour

Pschitt orange.

Quand nous partions en vacances avec mes parents, nous allions toujours loin de Nice. Il faisait chaud, très chaud, parce que c'était l'été. Quand la chaleur était trop forte pour supporter plus longtemps la voiture, mon père décidait de faire une halte et d'aller prendre un verre. Nous nous installions à la terrasse d'un café, et nous appelions le garçon. Alors, naissait en moi une grande espérance mêlée d'une petite angoisse sourde. Aujourd'hui, j'ai beau chercher, je ne me souviens pas de ce que commandait mon père, ma mère ou mon frère. Mais, moi, je posais toujours la même question. Bien souvent, hélas, la réponse était négative, et il fallait se contenter d'un Orangina. Mais, de temps à autre, le miracle se produisait : le serveur apportait pour moi une bouteille trapue contenant une boisson de l'orange le plus intense. L'étiquette était bleue, avec un gros point de la couleur de la boisson. Aucun rapport avec le goût du fruit. C'était une horreur de breuvage : coloré, sucré, totalement chimique. De plus, il y avait de grosses bulles innombrables. Mais je n'ai jamais rien aimé tant que cette boisson, sa couleur, son sucre et son goût chimique. Quand en plus on me donnait une paille, c'était le pa-ra-dis.
Dans un petit village de l'Aveyron, à l'épicerie à l'enseigne d'un sapin de Noël, il y en avait de grandes bouteilles. Il existait même un autre parfum, à l'étiquette bleue avec un gros point jaune. Dans ce petit village d'Aveyron, on pouvait aller en chercher tous les jours et en verser ensuite dans la bouteille thermos. J'aimais bien ce petit village d'Aveyron.

5 commentaires:

  1. Anonyme9:52 PM

    J'aime de + en + Petite bouche. C'est merveilleusement écrit. Quand j'étais jeune, nous lisions les Mythologies de R. Barthes, et cela nous faisait le même effet. Il y a eu G. Perec aussi, les Choses... Connais-tu cela ?
    Tu nous fais voir ici que les produits industriels sont eux aussi d'excellents conducteurs de mémoire. L'efficience mémorielle et donc poétique de l'objet s'accomode bien de son caractère industriel. C'est injuste, mais c'est comme ça.
    Ceci dit, je ne vois pas de quelle marque était cete boisson.

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  2. La boisson, comme le titre l'indique, était du Pschitt orange.
    Je ne comprends pas très bien ce qu'il peut y avoir d'injuste dans le caractère industriel de l'objet du souvenir, il faudrait que tu me l'expliques. Les souvenirs sont fait des éléments de notre vie, quels qu'ils soient.
    Je suis contente que ces textes te plaisent. Cette série devait être publiée chez Grandir, avec de très belles illustrations de Claire Cour que j'espère mettre en ligne bientôt. Mais finalement, le projet a été trouvé trop élitiste, notamment les illustrations qui étaient "trop" belles.
    C'est injuste mais c'est comme ça.

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  3. Anonyme7:36 PM

    Tu devrais accompagner tes textes de photos... très plates, informatives, du style catalogue commercial, ce serait très japonais, et donc très moderne...
    En fait tu es très japonaise et très moderne.
    (Cela ne se voit pas, mais moi aussi.)

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  4. Anonyme7:55 PM

    Et, à propos de Japon, es-tu allé chez Patrick Rebollar, en lien sur mon blog?

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  5. Je serais très contente d'être très japonaise. Je suis la plupart du temps plongée dans un univers très japonais : thé, cuisine, mobilier, esthétique, copines, lecture.
    Mais je ne me sens pas du tout "moderne", en fait je ne vois pas très bien le rapport entre les deux. C'est que je suis sans doute plus Kyoto que Tokyo...A propos de monde japonais et de photos, je te conseille le blog de Luciole en lien avec le mien, inkstone. Voici le japon tel que je l'aime.
    J'irai butiner sur le site de Patrick Rebollar, je ne le connais pas encore...

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