30.9.20

Tendances (05) : kippour

 1. Un kippour de rêve, de mon ami Alain Amiel


2. Mais, au temps du Corona, ce n'est pas comme ça. C'était toute seule chez moi. Une sorte de confinement volontaire : ne pas vouloir aller travailler, comme pour profiter de mon "dernier kippour de classe", mais un peu en fraude quand même, donc ne pas se faire voir.
Pourquoi aller à la synagogue, fraternelle d'habitude, chaleureuse, pleine à craquer de gens que l'on ne voit souvent que là et à cette occasion, de gens qui se rapprochent comme si en jour il n'y avait que cela de possible ? A quoi bon entendre le borborigme des prières masquées, même le chofar l'arbore. A quoi bon adhérer au programme j'ai ma place-payée-reservée-bracelet-vigile dans l'entresoi. Tout cela pour peut-être transmettre le virus, ou l'attraper. 

3. Mais il reste youtube, heureusement, et les chansons de circonstance, et dans la couleur ...

4. Il reste aussi Aharon Appelfeld, ou au moins ces écrits, que l'on a le temps de lire en l'absence du réseau en jeûne :
"Pour une raison ou pour une autre, ma propre destinée me poussa vers la littérature. Dans ma grande naïveté, j'étais certain qu'elle se tenait au fond de ma capacité à poser les bonnes questions. Il est sûr qu'à sa manière, la littérature pose en effet ces questions et à la fois y répond, mais sa force ne repose pas sur des énoncés, des blâmes ou des sermons, mais plutôt sur les détails, qui sont invisibles pour l'œil et sur lesquels, si l'on veut, le monde repose."
Aharon Appelfeld, L'héritage nu, conférence 1 p 48.

5. Et une piqûre de rappel de Delphine Horvilleur

28.9.20

My favorite things (17) : automne (4)

1. L'automne, c'est l'automne. Il est partout sur le net


 

2. Lectures."Car il savait que , pour une période dont il n'apercevait pas le terme, son rôle n'était plus de guérir. Son rôle était de diagnostiquer. Découvrir, voir, décrire, enregistrer, puis condamner, c'était sa tâche. "                           Albert Camus, La Peste, p176 ed. Folio

3.Petit paradis. Roquebrune (suite) : un olivier peut en cacher un autre




20.9.20

My favorite things (16) : automne (3)

1. Lectures
"Au milieu du disque, on entendit deux coups de feu claquer au loin.
- Un chien ou une évasion, dit Tarrou.
Un moment après, le disque s'acheva et l'appel d'une ambulance se précisa, grandit, passa sous les fenêtres de la chambre d'hôtel, diminua, puis s'éteignit enfin.
- Ce disque n'est pas drôle, dit Rambert. Et puis cela fait bien dix fois que je l'entends aujourd'hui.
- Vous l'aimez tant que cela ?
- Non, mais je n'ai que celui-là."

 Albert Camus, la peste, p149

2. La saison change, le soleil aussi

3. Enfin ne pas culpabiliser de passer son dimanche sur le canapé, écouter gronder l'orage, regarder une série musicale avec d'innombrables épisodes, et sortir boire un chocolat plein de chantilly




17.9.20

My favorite things (15) : automne (2)

 1.Petit paradis. Roquebrune (suite)

Sous les mantras un reste d'enseigne. Quelle boutique se tenait là, du temps de l'enfance du vieux tourneur sur bois, du temps des trois boulangeries et des vergers d'agrumes ?

2. Ailleurs, un autre paradis, plus proche de l'Eden.

3. Lectures
"La seule mesure qui sembla impressionner tous les habitants fut l'institution du couvre-feu. A partir de onze heures, plongée dans la nuit complète, la ville était de pierre.
Sous les ciels de lune, elle alignait ses murs blanchâtres et ses rues rectilignes, jamais tachées par la masse noire d'un arbre, jamais troublées par le pas d'un promeneur ni le cri d'un chien. La grande cité silencieuse n'était plus alors qu'un assemblage de cubes massifs et inertes,entre lesquels les efficies taciturnes de bienfaiteurs oubliés ou d'anciens grands hommes étouffés à jamais dans le bronze s'assayaient seuls, avec leur faux visage de pierre ou de fer, à évoquer une image dégradée de ce qui avait été l'homme."
Albert Camus, la peste, folio, p159

4. Quand on vit dans son propre microcosme, on passe à côté de quelques beautés qui semblent fort connues. Mais ça n'est pas très grave, car un jour ou l'autre, on tombe dessus, et c'est l'émerveillement :

Le temps, c'est de l'amour.

13.9.20

Le souvenir des belles choses (3) : serviettes de toilette (1)

 Comme, au sortir de la douche, je me posais la question qui tournait dans ma tête, comment continuer, voici que j'eus la réponse avec un drap de bain.



Nous n'aimions pas les "souvenirs" et lors de nos nombreux voyages, nous ramenions des objets pour le quotidien.
Cette serviette là a 27 ans. Le rouge en est un peu délavé, à peine. Quand j'étais petite, je lisais le journal de Mickey, que j'achetais dans la boutique toute noire du buraliste à l'angle de ma rue, je pouvais y aller seule car il n'y avait aucune rue à traverser, mais le magasin lui-même, un vieux tabac tout noir, et le coin des magazines pour enfant, tout sombre au fond, étaient assez impressionnants ; c'est pourtant là que je trouvais mon journal, et les poches, et les parades, puis les Pifs gadget et les Totoche Poche, et puis après le vieux buraliste très gros en tablier blanc qui avait la voix de Bourvil a vendu à Monsieur Marcel qui a tout transformé. Adolescente, j'avais commandé au catalogue de la Redoute de toutes petites serviettes avec la couverture du journal de Mickey, mais je rougis en y pensant parce qu'elles ont eu un drôle d'usage ensuite, si ma mère avait su lequel elle ne les auraient pas commandées, ces serviettes Mickey ... Mais celle-ci , celle de la photo, est plus tardive, et plus grande , et j'ai craqué en la voyant , dans la vitrine du centre commercial de Broadway, juste en face de l'immeuble qui ressemble à un fer à repasser. Juste après, nous nous sommes pincés plusieurs fois pour voir si le décalage horaire ne nous avait pas flingués : il y avait des éléphants qui défilaient dans la rue, dirigés par des hommes enturbannés et chargés de femmes en saris qui jetaient des pétales de fleurs : c'était le défilé de campagne d'un juge de paix. New York, c'est le miracle perpétuel. Quand je suis arrivée dans cette ville, j'étais à la fois dans mon élément familier, des lieux que j'avais vus des centaines de fois au cinéma, mais tout à coup les dimensions étaient multipliées, insaisissables. De notre chambre d'hôtel, nous voyions l'Empire State Building par la fenêtre. Je ne me souviens pas avoir tant visité de choses que ça dans les huit jours que j'y ai passé, mais je me souviens avoir fait la même chose qu'à Venise : marcher, marcher, marcher. F. y était allé aussi pour le travail et nous avons visité dans un building avec gardien à casquette, une femme qui avait été en classe avec Angela Davis et qui habitait, en face de celui où John Lennon était mort assassiné, un appartement recouvert de livres et de trompe l'œil en forme de livres; nous avons visité une autre femme aussi, qui avait une galerie en immeuble dans Gramecy Park d'où aurait bien pu sortir Woody Allen. Dans mon album, il y a cinq photos : moi avec une famille d'ours sculptée devant le Musée National, une immense limousine blanche comme dans les dessins animés de Tex Avery, deux photos d'un concert de Franck Amsallem, de qui nous avons fait la connaissance dans son appartement de Brooklyn. Grâce à lui, j'ai pu me promener dans tous les paysages familiers des romans de Chaïm Potok,  avec en prime la maison du Rabbi qui était encore en vie, mais je n'ai pas visité le Zoo, parce que je n'aime pas les zoos.
 Il y a aussi une photo prise depuis l'île de la statue de la liberté. Nous avons du nous arrêter là en attendant de  reprendre le bateau. Rien de particulier au premier coup d'œil, même au deuxième, une vue tranquille sur Manhattan. En y regardant de plus près, à travers les arbres, on y voit les deux tours les plus hautes, deux tours jumelles.

12.9.20

Tendances (04) : automne (1)

1. Hier, 17 ans, le premier jour du reste de ma vie

Comme chacun de nous, je me souviens exactement de ce moment, où j'étais, qu'elles étaient mes pensées.
Je ne savais pas que le monde le plus intime allait s'effondrer comme l'ont fait les tours. Le plus effarant aujourd'hui reste que c'est que ce ne fut pas le premier jour du reste de la vie pour la plupart des autres autour de moi. 
Finalement, ces grandes crises qui bouleversent le monde, les témoins, nous, les appréhendons mal. Peut-être ma mère n'a pas senti que son univers allait être pulvérisé alors qu'elle allait danser en 1939, avant qu'elle devienne veuve avec un enfant, ou plutôt femme de disparu. Peut-être cela fut-il ainsi pour mon père aussi, avant qu'on ne le prive de sa nationalité, qu'il se cache en forêt pour ne pas partir dans une usine en Allemagne. Aujourd'hui le style est différent : les gens se réfugient dans le déni, le complotisme ; pas seuelement ceux de la rue que l'on voit interviewé aux infos, non. Mais vos collègues de travail, votre haver de Talmud, vos amis d'enfance. C'est aussi le monde intime qui continue à s'effondrer. Souvent je pense que cette qualité de lucidité qui m'a été attribuée n'est pas un don, mais une calamité inutile.

2. Heureusement, il y a les petits bonheurs qui réconcilient de tout, même des guerres nucléaires. Ainsi, j'ai découvert que là, sous le pont de mon double-pot, habite le gecko. Tout-à-l'heure, comme mes petits élèves quand on fait l'exercice séisme, il pensait que je ne le voyais pas mais sa queue dépassait !


3. Petit paradis. Roquebrune (suite)





9.9.20

My favorite things (14) : mercredi

 1. Petit paradis. Roquebrune (suite)


2. "Le soleil poursuivait nos concitoyens dans tous les coins de rue et, s'ils s'arrêtaient, il les frappait alors."
Albert Camus, La Peste, folio p106

3. J'aimerais bien que le soleil de Calder me poursuive ...




8.9.20

My favorite things (13) : week-end (01)

1.Petit paradis : Roquebrune (1)


2. Lecture 

"Là encore, cependant, la réaction du public ne fut pas immédiate. En effet, l'annonce que la troisième semaine de peste avait compté trois cent deux morts ne parlait pas à l'imagination. D'une part, tous peut-être n'étaient pas morts de la peste. Et, d'autre part, personne en ville ne savait combien, en temps ordinaire, il mourait de gens par semaine. "

Alber Camus, La peste, ed. Folio p77

3. Apprendre à la tombée de la nuit à dessiner avec Sylvie T. et à la fin du jour à peindre avec Valérie Eguchi

 



7.9.20

Le souvenir des belles choses (2) : berechit ...

... ou comment commencer ? où commencer ? Les premiers souvenirs qui reviennent ne sont pas les premiers, et ne sont pas d'un temps mais d'un lieu. Bizarrement, c'est là qu'a décidé de finir son voyage mon amie morte cet été, pourtant je suis presque sûre de ne jamais y être allée avec elle. Lorsque je me baignerai, à Eze, j'aime à imaginer que j'y croiserai une petite cendre accrochée à une algue. Ou à un oursin.

Mon histoire avec Eze commence bien avant mon adolescence. Eze , c'était la plage mythique de mon enfance. La plage, c'était le Cros de Cagnes, où j'allais quotidiennement avec mes parents pendant tout le temps des grandes vacances d'été. Eze, c'était "la Plage". 

Je n'ai aucune idée de ce qui déterminait le fait de s'y rendre. Je me souviens cependant que c'est là que mon père y avait tenté sa première expérience de pêcheur en mer, et nous avec, et que j'avais attrapé un gobbi, dont simplement le nom me faisait rêver (pourtant, je m'aperçois aujourd'hui que je n'en savais pas l'orthographe : il faut écrire gobie et il figure même dans Wikipedia; je prends conscience également qu'il doit falloir dire go-bie, avec l'accent sur la deuxième syllabe, alors que je dis gob(bi).) C'est vrai que c'était aussi le nom d'un grand désert qui me fascinait sur le grand atlas vert de mon frère. C'était aussi le nom du singe dans ma méthode de lecture, Macoco, que les indigénistes voueraient aux enfers aujourd'hui, peut-être avec raison, mais qui ont fait mes délices dans l'apprentissage de la lecture. C'était aussi la plage de Lydia, ma marraine, qui a sa page dans Wikipedia comme le gobie. La plage où elle aimait se rendre hors saison, comme le font les Russes; et comme c'était la plage de Lydia, ce ne pouvait être que la plus belle des plages, n'est-ce pas ?
C'est sans doute pour cela que j'ai décidé d'y emmener mon amoureux, pour le premier bain.

Aller à Eze était déjà une aventure. Il fallait, comme Lydia, prendre le train omnibus, et nous le faisions depuis sa gare à lui, Nice-Riquier. Au lycée, nous avions très peu d'argent de poche, et c'était au guichet que nous achetions les petits tickets en carton épais que le poinçonneur trouait à l'aller et ramassait au retour. Nous avons vite compris que le contrôleur ne restait pas longtemps sur le quai, et que si nous trainions un peu, au retour, nous allions pouvoir conserver le ticket en carton et ainsi, puisqu'à la gare d'Eze il n'y avait déjà plus de chef de gare sur le quai, économiser le retour à l'infini en voyageant en règle.

Quand on arrive à la gare d'Eze, toute petite gare typique du réseau, il faut contourner et franchir les rails par un tunnel, en passant sous la voie, et descendre parmi les villas, jusqu'à la ruelle qui mène à la plage. La ruelle est toujours là, les maisons y sont minuscules, peut-être pas si prisées que cela puisque la grande voie qui mène à Rome y fait passer tous les trains très vite dans la grande ligne droite que représentent la route et la plage. 
A Eze, il fallait se baigner chaussé. C'était une plage encore sauvage, avec posidonie et oursins. J'avais peur des oursins et des piquants dans les pieds qui précédaient l'aiguille rougie au feu par ma mère qui les enlevait ensuite en triturant bien. Les galets étaient énormes et inconfortables, et les navires y faisaient souvent déposer de grosses taches de cambouis qui tâchaient irrémédiablement habits et chaussures. Oui, c'était vraiment une plage pour esthètes et non pour hédonistes. Je détestais le cambouis, les piquants d'oursins et j'avais peur des algues et de ce qu'elles dissimulaient :  ma solution était de marcher le moins possible sur les énormes cailloux, de me glisser dans l'eau et de nager le plus vite possible au loin, d'où l'on pouvait admirer la combinaison des falaises, des pins parasols et des villas méditerranéennes. Avec sous soi des kilomètres de fonds transparents. Un ami que j'y amenais plus tard, dans la vingtaine, champion de natation, ne pouvait supporter d'y rester et , à ma surprise, me révéla pourquoi : devant cette immensité abyssale, il avait une peur panique. 
F. gardait aussi son petit cousin parisien de 9 ans pendant les grandes vacances, et nous le trainions à la plage, en pleurs : il voulait rester devant la télé pour regarder ses émissions fétiches. Il a maintenant des enfants qui ont largement passé cet âge, et je me demande s'ils aiment la mer...

Je n'ai pas conservé les premières photos que nous y avions prises, mais je m'en souviens parfaitement : lui, sur la plage, avec des colonnes de galets superposés, en équilibre.  A part ces tas de pierres, je ne me souviens absolument pas de ce que nous y faisions : lectures, discussion, bronzage. Tous ces instants ont du se muer en fines particules, emportées par le vent, accrochés à une algue ou à un oursin. 


6.9.20

Tendances (03)

1. Lecture 

"Malgré ces spectacles inaccoutumés, nos concitoyens avaient apparemment du mal à comprendre ce qui leur arrivait. Il y avait les sentiments communs comme la séparation ou la peur, mais on continuait aussi à mettre au premier plan les préoccupations personnelles. Personne n'avait encore réellement accepté la maladie. La plupart étaient surtout sensibles à ce qui dérangeait leurs habitudes ou atteignait leurs intérêts. Ils en étaient agacés ou irrités et ce ne sont pas là des sentiments qu'on puisse opposer à la peste. Leur première réaction, par exemple, fut d'incriminer l'administration. "

Albert Camus, la Peste, ed. Folio p76

2. Bien que je sois plutôt obsédée par les petits bonheurs, de temps en temps, je suis ramenée à la réalité du monde par quelque horreur répétitive. Attentat de Charlie Hebdo ? Incendie de Notre-Dame ? Que nenni ... Dans un petit coin de campagne française, quelqu'un a trouvé une occupation divertissante et sans risque immédiat et aussitôt il trouve des followers, ou mieux, des copieurs, des fans, des imitateurs, et une ligue se crée. Le seul avantage de ce genre de récit, c'est que cela m'aide à comprendre comment le mal se propage dans le monde, un p'tit coup de rappel, même si la période n'est pas vraiment propice à être béat.

3. Heureusement , il y a l'ukiyo-e pour poursuivre son chemin


4. ... et puis les plantes. La vitalité, la puissance dans une toute petite chose qu'on plante au sens premier du terme. Saurez-vous trouver quelle est celle-là, dont le destin n'était certainement pas d'être en feuille sur mon balcon ?

5.9.20

My favorite things (12) : Rentrée

1. J'ai découvert cette chanson. J'ai trouvé qu'elle était juste ce qu'il faut en hommage à mes amies mortes de l'été, et surtout pour leurs veufs. Pourtant, pour moi, je ne pense pas partager ce sentiment ; simplement parce que je n'ai pas de projection vers le futur. Pourtant les rides sur les mains, c'est quelque chose qui me frappe depuis l'enfance; c'est le seul souvenir que j'ai de ma grand-mère maternelle morte quand j'avais quatre ans : l'image de ses mains, sur lesquelles je passais un petit cactus en plastique et je riais ...

2. Cette semaine, c'était ma dernière rentrée des classes. Ca m'a fait bizarre, juste quelques instants. Ensuite, c'était comme d'habitude, la petite angoisse de la découverte de la nouvelle promo et la joie d'être là, à ma place, parmi toute cette toute petite jeunesse mignonnette Benetton ...

3. Miro aussi devait être juste heureux quand il avait fini sa toile. En tout cas, il me donne ce bonheur chaque fois que je découvre une nouvelle de ses œuvres.


4. J'ai découvert grâce aux statistiques que j'avais une vingtaine de lecteurs au moins, parfois plus, pour ces chroniques. Totalement invisibles et silencieux ils sont. Merci à eux en tout cas, "on" se sent moins seul ...