13.9.20

Le souvenir des belles choses (3) : serviettes de toilette (1)

 Comme, au sortir de la douche, je me posais la question qui tournait dans ma tête, comment continuer, voici que j'eus la réponse avec un drap de bain.



Nous n'aimions pas les "souvenirs" et lors de nos nombreux voyages, nous ramenions des objets pour le quotidien.
Cette serviette là a 27 ans. Le rouge en est un peu délavé, à peine. Quand j'étais petite, je lisais le journal de Mickey, que j'achetais dans la boutique toute noire du buraliste à l'angle de ma rue, je pouvais y aller seule car il n'y avait aucune rue à traverser, mais le magasin lui-même, un vieux tabac tout noir, et le coin des magazines pour enfant, tout sombre au fond, étaient assez impressionnants ; c'est pourtant là que je trouvais mon journal, et les poches, et les parades, puis les Pifs gadget et les Totoche Poche, et puis après le vieux buraliste très gros en tablier blanc qui avait la voix de Bourvil a vendu à Monsieur Marcel qui a tout transformé. Adolescente, j'avais commandé au catalogue de la Redoute de toutes petites serviettes avec la couverture du journal de Mickey, mais je rougis en y pensant parce qu'elles ont eu un drôle d'usage ensuite, si ma mère avait su lequel elle ne les auraient pas commandées, ces serviettes Mickey ... Mais celle-ci , celle de la photo, est plus tardive, et plus grande , et j'ai craqué en la voyant , dans la vitrine du centre commercial de Broadway, juste en face de l'immeuble qui ressemble à un fer à repasser. Juste après, nous nous sommes pincés plusieurs fois pour voir si le décalage horaire ne nous avait pas flingués : il y avait des éléphants qui défilaient dans la rue, dirigés par des hommes enturbannés et chargés de femmes en saris qui jetaient des pétales de fleurs : c'était le défilé de campagne d'un juge de paix. New York, c'est le miracle perpétuel. Quand je suis arrivée dans cette ville, j'étais à la fois dans mon élément familier, des lieux que j'avais vus des centaines de fois au cinéma, mais tout à coup les dimensions étaient multipliées, insaisissables. De notre chambre d'hôtel, nous voyions l'Empire State Building par la fenêtre. Je ne me souviens pas avoir tant visité de choses que ça dans les huit jours que j'y ai passé, mais je me souviens avoir fait la même chose qu'à Venise : marcher, marcher, marcher. F. y était allé aussi pour le travail et nous avons visité dans un building avec gardien à casquette, une femme qui avait été en classe avec Angela Davis et qui habitait, en face de celui où John Lennon était mort assassiné, un appartement recouvert de livres et de trompe l'œil en forme de livres; nous avons visité une autre femme aussi, qui avait une galerie en immeuble dans Gramecy Park d'où aurait bien pu sortir Woody Allen. Dans mon album, il y a cinq photos : moi avec une famille d'ours sculptée devant le Musée National, une immense limousine blanche comme dans les dessins animés de Tex Avery, deux photos d'un concert de Franck Amsallem, de qui nous avons fait la connaissance dans son appartement de Brooklyn. Grâce à lui, j'ai pu me promener dans tous les paysages familiers des romans de Chaïm Potok,  avec en prime la maison du Rabbi qui était encore en vie, mais je n'ai pas visité le Zoo, parce que je n'aime pas les zoos.
 Il y a aussi une photo prise depuis l'île de la statue de la liberté. Nous avons du nous arrêter là en attendant de  reprendre le bateau. Rien de particulier au premier coup d'œil, même au deuxième, une vue tranquille sur Manhattan. En y regardant de plus près, à travers les arbres, on y voit les deux tours les plus hautes, deux tours jumelles.

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