Y. est mon amie. Ensemble, nous allons apprendre le flamenco, et rire beaucoup de nos maladresses.
Aujourd’hui elle m’offre une cérémonie du thé. Pour cela, elle a revêtu son kimono d’été, avec un obi de jute coloré qui laisse passer juste ce qu’il faut de lumière.
Le rituel m’est bien connu. Dans tous ses mouvements extrêmement codifiés, Y. m’offre toute la concentration de son art et les générations de connaissance de ses maîtres. Chaque geste est une offrande : la préparation du thé en poudre, la disposition des gâteaux sur le plat. Chaque objet a été choisi pour la rigueur de sa beauté et la perfection de l’adaptation aux gestes du maître qui sert. Tout cela n’est ni dédié au Bouddha de la Sérénité ni au Kami de la montagne.
Il n’y est pas question de Dieu. Que du partage d’un plaisir. Celui d’observer la meneuse du jeu, dans toute la beauté de ses atours, de ses préparatifs et de ses gestes. Celui de manger la pâtisserie qui a franchi mer et continents. Celui de boire, de brouter le liquide vert intense en concluant par quelques bruits de bouche de politesse et l’essuyage au doigt des bords du bol que les lèvres ont saisi. Rotation du bol, d’un quart. Celui de parler des objets du thé, de leur provenance et de leur histoire
Et pourtant. Dans le traité des Maximes des Pères que j’étudiai deux heures après, chez un autre Y., dans un tout autre rituel autour d’un tout autre thé, il était rappelé de la nécessité de donner à chaque geste une intention. Mes haverims de l’étude comprendraient-ils le poids d’une telle phrase : « servez-vous du gâteau » ?
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