18.8.15

Randonner (2) : Sauvage du bout du monde

Roya village
Je n’étais jamais venu dans ce village de Roya, si loin de la vallée du même nom. C’était pour moi le départ du mythique Mont Mounier que chaque année je me fixe comme objectif sans concrétiser. On ne pouvait pas rêver meilleur point de départ que cet enchantement de village ensoleillé, aux granges robustes, beaucoup moins chic que Saint Dalmas le Selvage. La balade d’une demie-heure vers le Pas de Roya, fut un enchantement, le long de la rivière dont le nom m’échappe, laune, pont naturel, prairie, et une montée vers le col de Pal à donner envie de partir sans manger.
Mais j’avais vu le gîte dans la vieille école, qui déjà, sur internet, m’avait fait rêver. Il était tard et je n’avais pas envie de me contenter de mon paquet de gaufres au miel, même bio. Sur le chemin du retour, je m’imaginai très bientôt dormir là pour franchir ma mythique montagne. J’imaginai donner l’adresse à mon amie qui chercher un petit abri avec laune proche. Une vraie Perrette.
A l’arrivée au village, il était bien un peu tard, deux heures moins le quart. Des parents avec un jeune enfant se dirigeaient vers la table, évoquant un grand père qui allait tout manger, ce qui me donna de l’espoir. L’assiette du randonneur, 12 €,  me laissait présager quelques délices qui allait me faire abandonner mon repas communautaire habituel …
J’arrive sur la terrasse. La petite famille avait rejoint les grands parents et s’installaient à table. Je reste debout, hésitante, alors qu’un autre couple mangeait déjà et que deux randonneurs allemands sirotaient une bière. Personne ne sort. J’entends dire par la grande tablée que l’hôtesse étant seule le service serait un peu lent, aussi je décide de m’installer. Pendant vingt minutes, j’ai assisté au manège : au bout de cinq minutes, l’hôtesse sort de sa cuisine, solide femme de la cinquantaine. Elle prend grand soin de cette jolie famille :y a t-il suffisamment d’ombre, on peut apporter un autre parasol ; au deuxième voyage,  elle apporte les sets et commande les boissons. Elle retourne dans sa cuisine, on entend des bruits de vaisselle, les enfants s’impatientent. Elle ressort avec un grand plateau de bières fraîches et de sirop. Dans un nouveau voyage, elle saisit la commande, menu pour les grands et assiettes de charcuterie pour les petits. Sera-ce trop ? Non, elle rajoutera les frites. Elle rentre. Il était deux heures, un quart d’heure s’était écoulé depuis que je m’étais assise. Des bruits de cuisine. J’ai décidé d’attendre cinq minutes, montre en main. Rien. Il ne s’est rien passé. Personne n’est ressorti ensuite. Pendant près de vingt-cinq minutes, j’ai attendu sur une terrasse sans que l’hôtesse m’adresse une seule attention, un seul regard, un seul signe.
Alors, je n’ai pas attendu la cuisson des frites de mes voisins. Je suis partie, sans rien dire. Je ne sais pas si dans ce cul de sac du bout du monde on ne sert que les familles que l’on connaît. Je ne sais pas non plus si ce l’on ne mange que sur réservation. Je ne sais pas si l’on ne prend plus les commandes après 14h. Je ne sais pas si l’on ne sert pas de boisson, même les bières bio des Hautes Alpes mentionnées sur l’ardoise. Je ne sais pas si l’on ne sert pas les asiatiques, quoique mon compagnon lui faisait dos et comme elle ne m’a même pas regardé une seule fois, ç’aurait pu être tout aussi bien un extra-terrestre. Affamée, fatiguée, je n’ai pas eu le courage de demander une explication, une attention, celle que le client peut s’attendre à avoir de son hôte. Peut-être était-elle surbookée pour huit couverts à midi. Je ne le saurai jamais. Pour atteindre ma montagne mythique, très bientôt j’espère,  je dormirai à Isola.


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