29.8.15

Les partisans et les livres (7) : désuétude du vocabulaire



"Une fois sa tâche terminée, il resta près de la fenêtre sans bouger. Je craignais qu'il se tourne vers moi pour chercher à savoir où j'avais été depuis que je les avais laissés sur le quai de la gare.
Mais il ne dit rien, perdu dans ses pensées. Mon angoisse devenait si oppressante que je lui demandai :
"Où étiez-vous, papa ?
- Pourquoi demandes-tu cela ?
- Je suis curieux de la savoir."
Il se mordit les lèvres :
"Pourquoi emploies-tu le mot "curieux" ? Ne sais-tu donc pas qu'il est désuet ?
- Que dire alors, papa ?
- Ce qui te vient à l'esprit mais pas cet adjectif."
Cette remarque me laissait perplexe. Il y avait donc des mots qu'il était interdit d'employer ? Di un mot pouvait nous aider à comprendre quelque chose, pourquoi s'en priver ?
Mais la remarque sibylline de mon père, qui semblait soudain très malheureux, m'avait fait taire. Je m'assis sur un fauteuil et mes yeux se fermèrent."
Les partisans, Aharon Appelfeld, ch. 69

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