Alors que je me débats entre l'épluchage de patates germées et mes douleurs cervicales (il faut bien se nourrir même en période de claustration), j'entends la voix de deux amis perdus de vue depuis longtemps : Marc-Alain Ouaknin citant Nietzsche : "L’art nous est donné pour nous empêcher de mourir de la
vérité".
"... ce prince jouissait d'une santé exceptionnelle, même pour un prince; des soins hygiéniques minutieux joints à une gymnastique appropriée le maintenaient en si bel état qu'en dépit des excès auxquels il se livrait, il gardait la fraîcheur d'un concombre de Hollande, long, vert et luisant. Il avait beaucoup voyagé, les facilités de communication modernes lui offrant l'avantage, qu'il prisait entre tous, de pouvoir goûter sur place les amusements à la mode dans tel et tel pays. En Espagne, il avait donné des sérénades et courtisé une joueuse de mandoline; en Suisse, il avait tué un chamois; en Angleterre, sauté des haies en habit rouge et parié d'abattre deux cents faisans; en Turquie, il avait pénétré dans un harem; aux Indes, il s'était promené sur un éléphant; il tenait maintenant à savourer les plaisirs spécifiquement russes. " Anna Karenine, quatrième partie, ch. 1, Léon Tostoï
Le passage en Egypte cette année fut des plus mouvementés. Descendance aux abonnés absents, déficience du physique (alliance dos et estomac pour semer la panique), atteinte des colatéraux invités par une des dix plaies les rendant indisponibles. Nous avons cependant réussi à mener un seder de style romantique, en duo aux chandelles,
avec un corban Pessah qui ne manquait pas d'allure ... juste ce qu'il fallait pour traverser la Mer et être prêts, tels Chaboudeau et Escarbille, à l'errance désertique. En espérant trouver une chaise, peu importe la couleur ...
Tant qu'il y aura des jonquilles au marché, je ne pourrai acheter rien d'autre. Je ne peux pas faire autrement, c'est plus fort que moi. Et c'est très bien, ces éclats de soleil parmi la grisaille de cet apocalyptique mois de mars
Sur la Prom, sur une toute petite trottinette, et dessus une toute petite, si petite que je fus toute étonnée de l'entendre parler si distinctement. Elle jouait toute seule à la course, et se donnant le départ, cria :
"Un
Deux
Trois
Bye bye !"
Les gardiens en uniforme m'avaient ouvert la barrière, j'avais longé le lac, le club house, le village et ses petits commerces. Dans mon rétroviseur qui tient avec une élastique, je voyais le véhicule garé derrière, une Porsche Cheyenne. Devant moi une énorme Audi jamais vue auparavant. J'étais calfeutrée dans ma voiture, attendant l'ouverture de l'école maternelle publique enclavée là, regardant tomber la neige à gros flocons. A l'horizon le cap d'Antibes.
C'était un petit être si tranquille, si timide et silencieux. C'était un pauvre petit être mystérieux comme tout le monde. Pelleas et Mélisande, Acte V, Debussy/Maeterlinck
Pelleas et Mélisande, Acte 5 scène 1. Debussy, Maeterlinck.
-Je n'ai jamais été mieux portante. Il me semble cependant que je sais quelque chose.
- Que dis-tu ? Je ne te comprends pas.
- Je ne comprends pas non plus tout ce que je dis. Je ne sais pas ce que je sais. Je ne dis plus ce que je veux.
- Mais si, mais si ! Je suis tout heureux de t'entendre parler ainsi; tu as eu un peu de délire ces jours-ci, et l'on ne te comprenait plus. Mais maintenant, tout cela est bien loin.
Pelleas et Mélisande, Acte 5 scène 1. Debussy, Maeterlinck.
Ta voix voix ! Ta voix ! Elle est plus fraîche et plus franche que l'eau ! On dirait de l'eau pure sur lèvres... On dirait de l'eau pure sur mes mains ... Donne-moi tes mains. Oh ! tes mains sont si petites !
(...)
Où es-tu ? Je ne t'entends plus respirer?
- C'est que je te regarde.
- Pourquoi me regardes-tu si gravement ? Nous sommes déjà dans l'ombre. Il fait trop noir sous cet arbre. Viens dans la lumière. Nous ne pouvons pas voir combien nous sommes heureux. Viens, viens, il nous reste si peu de temps.
- Non, non, restons ici... Je suis plus près de toi dans l'obscurité.
- Où sont tes yeux ? Tu ne vas pas me fuir ? Tu ne songes pas à moi en ce moment.
- Mais si, je ne songe qu'à toi.
- Tu regardais ailleurs?
- Je te voyais ailleurs.
Pelleas et Mélisande, Acte 4, scène 3. Debussy, Maeterlinck
"Je ferais mieux de m'en aller sans la revoir. Il faut que je la regarde bien cette fois-ci... Il y a des choses que je ne me rappelle plus... On dirait par moments qu'il y a cent ans que je ne l'ai plus vue... Et je n'ai pas encore regardé son regard. Il ne me reste rien si je m'en vais ainsi..."
Pelleas et Mélisande, Acte 4, scène 3. Debussy, Maeterlinck
Comment s'en sortir dans la crise économique quand on est boulanger et que l'on est coincé entre deux autres boulangeries dont les produits sont aussi classiques que délicieux ? Etre tendance ...
- Associer des parfums improbables : chocolat-crème brûlée- fruits de la passion. L'indiquer sur une adorable petite ardoise à la craie.
- Soigner le design : chocolaté évoquant les têtes de nègre de notre enfance. Intégrer un post-it imprimé sur une ostie trompe-l'œil en chocolat blanc.
- Emballer dans un joli carton design aussi .
- Etre aimable avec la clientèle, ce qui ne gâche rien.
... - surtout lorsque le prix est surtaxé façon boutique-branchée-de-luxe ...
Le concept what else est somme tout de même contraire à celui de la célèbre marque, qui, mis à part le prix des machines, vend un café délicieux pour un prix très raisonnable. Car le goût ici est ... désastreux : l'enveloppe façon rocher résiste à la cuillère pour partir en lambeaux mollassons, la crème pâteuse n'a de la légèreté de la crème brûlée que le nom, l'association des goûts est plus que douteuse.
Finalement, et c'est aussi dans l'air du temps, le concept repose sur l'apparence, et sombre dans un vulgaire "t'as que la gueule "
"Pourquoi m'examinez-vous comme un pauvre ? Je ne viens pas vous demander l'aumône. Vous espérez voir quelque chose dans mes yeux sans que je vois quelque chose dans les vôtres ? Croyez-vous que je sache quelque chose ?
Voyez-vous ces grands yeux...On dirait qu'ils sont fiers d'être riches.
- Je n'y vois qu'une grande innocence.
- Une grande innocence ! Ils sont plus grands que l'innocence ! Ils sont plus purs que les yeux d'un agneau. Ils donneraient à Dieu des leçons d'innocence ! Une grande innocence ! Ecoutez; j'en suis si près que je sens la fraîcheur de leurs cils quand ils clignent, et cependant je suis moins loin des grands secrets de l'autre monde que du plus petit secret de ces yeux ! Une grande innocence ! Plus que de l'innocence ! On dirait que les anges du ciel y célèbrent sans cesse un baptême. Je les connais ces yeux. Je les ai vus à l'œuvre. Fermez-les ! Fermez-les ! ou je vais les fermer pour longtemps !
Pelleas et Mélisande, Acte 4, scène 2. Debussy, Maeterlinck
Dans la catégorie "riche de temps en temps", je vous préviens, j'installerai ma chambre sous le toit de verre, les amis se contenteront du canapé du salon. (Quoi que si vous l'habitez vous, je me contenterai du pliant près de la piscine ...)
J'ai gardé juste comme ça presque tous les pots de mini-jonquilles à 2€ achetés l'année dernière. Cette année, en en achetant un tout fleuri sur le marché aux fleurs, j'ai pensé qu'il était temps de les sortir de la caisse verte couverclée du balcon où ils étaient enfermés : mais ils ne m'avaient pas attendus pour se couvrir de feuilles !
"Je ne t'ai embrassé qu'une seule fois jusqu'ici, le jour de ta venue; et cependant les vieillards ont besoin, quelquefois, de toucher de leurs lèvres le front d'une femme ou la joue d'un enfant, pour croire encore à la fraîcheur de la et éloigner un moment les menaces de la mort. As-tu peur de mes vieilles lèvres ?"
(...)
"Laisse-moi te regarder ainsi, de tout près, un moment. On a tant besoin de beauté aux côtés de la mort."
Pelleas et Mélisande, Acte 4, scène 2. Debussy, Maeterlinck
"Je t'observais, tu étais là, insouciante peut-être, mais avec l'air étrange et égaré de quelqu'un qui attendrait toujours un grand malheur, au soleil, dans un beau jardin."
Pelleas et Mélisande, Acte 4, scène 2. Debussy, Maeterlinck
Ma note professionnelle est maintenant de 20/20. Bien sûr, je m'en doutais un peu, vu l'appréciation. Bien sûr je suis ravie et je l'ai fêtée au chocolat/tarte au citron...
Mais quand même... Je sens qu'une porte s'est fermée derrière moi. Même si j'en ai encore pour des années de travail , cela a une petit air de cercueil ...
Hina Matsuri, c'est le trois mars. Comme chaque année, j'ai déballé précautionneusement mes petits chats de Kamakura reçus en cadeau de mariage, avec le plus grand bonheur du monde ...
Autour de Peillon, par un impromptu de balade, dans un impromptu de soleil, les traces de neige du début de semaine n'avaient pas totalement disparu de l'ombre. Mais dans la lumière, à l'abri des murs, sept petites asperges sauvages avaient percé la terre et évidemment, je n'ai pas résisté à les mettre au menu du soir. Goût du trop peu, mais tellement fort.
"- Non, petit père, ils ne parlent pas.
- Mais que font-ils ?
- Ils regardent la lumière.
- Tous les deux ?
- Oui, petit père.
- Ils ne disent rien ?
- Non, petit père, ils ne ferment pas les yeux.
- Ils ne s'approchent pas l'un de l'autre ?
- Non, ils ne ferment jamais les yeux. Pelleas et Mélisande, Acte 3, scène 3. Debussy, Maeterlinck
"Le meilleur moment, pour un concert, c'est la nuit, quand on ne voit pas le visage des gens."
Sei Shônagon, Notes de chevet.
Mes notes de chevet.
Vu côté scène, il est bien plus facile de se lancer dans la nuit du parterre, plus encore quand on est loin de chez soi et que l'on est sûr que personne dans le public ne vous connaît.
Je n'oublierai jamais l'homme placé dans la première rangée, qui a scrupuleusement plié sa cravate pendant tout le dernier morceau ...
"Eh bien, voici l'eau stagnante dont je vous parlais. Sentez-vous l'odeur de la mort qui monte ? Allons jusqu'au bout de ce rocher qui surplombe et penchez-vous un peu; elle viendra vous frapper au visage. Penchez-vous, n'ayez pas peur, je vous tiendrai. Donnez-moi - non, non, pas la main, elle pourrait glisser, le bras. " Pelleas et Mélisande, Acte 3, scène 2. Debussy, Maeterlinck
"- Oh ! Oh ! Qu'est-ce que c'est ? Tes cheveux, tes cheveux descendent vers moi ! Toute la chevelure, Mélisande, toute la chevelure est tombée de la tour !
Je les tiens dans les mains, je les tiens dans la bouche, je les tiens dans les bras, je les mets autour de mon cou. Je n'ouvrirai plus les mains cette nuit.
- Laisse-moi ! Laisse-moi ! Tu vas me faire tomber.
- Non, non, non ! Je n'ai jamais vu de cheveux comme les tiens, Mélisande. Vois, vois, vois, ils viennent de si haut et ils m'inondent encore jusqu'aux genoux ! Et ils sont doux, ils sont doux comme s'ils tombaient du ciel. Je ne vois plus le ciel à travers tes cheveux. Tu vois, tu vois ? Mes deux mains ne peuvent plus les tenir; il y en a jusque dans les branches du saule. Ils vivent comme des oiseaux dans mes mains, et ils m'aiment, ils m'aiment plus que toi.