27.3.18

#challenge #créatif #id2mars : jour 25 : aquarium

extrait de "Mais la lune n'est pas là"

J+3.J-12
Le soleil a rendez-vous avec la lune, mais la lune n'est pas là et le soleil l'attend. Mercredi, c'est mercredi. Nous sommes dans l'ascenseur de l'hôpital des enfants, en route vers le 7e, Service de Néonatalogie. Les portes s'ouvrent sur le sapin de Noël qui clignote. pas un bruit ni un signe de la double trois voie du bas, d'immenses baies vitrées donnent sur le Grand Bleu, on ne voit que la mer, c'est comme si l'on se trouvait tout en haut d'un phare. Pour rentrer dans le service, il faut passer une grande tenue blanche, des pantoufles-sacs. Il fait très chaud. Puis il faut sonner. Une femme nous fait entrer. Tout le monde ici est doux, calme et tranquille, au milieu de ces minuscules bébés. J'entre dans la chambre de Léa et de ses trois compères : deux berceaux et trois aquariums. Voilà Léa dans son écrin de verre. Elle dort, nue, transparente dans son énorme couche, avec comme un sourire. Léa, ma fille. Elle est si paisible, si présente que sa force me gagne nageant à travers mes larmes. L'écrin se démonte, je la touche, ses grands yeux gris s'ouvrent et me regardent. Je pense à la chouette chevêchette que nous avions trouvée éblouie de soleil au milieu de la route au Portugal : ce même regard intense, immense de confiance tranquille en cette rencontre incongrue improbable. Léa est là. Privée de son corps prisonnier de la cage de verre, je ne peux que la caresser d'un doigt, caresser sa petite main, il faudrait lui parler mais je ne sais que dire sinon son nom Léa Léa comme une musique.
     Léa ce prénom je l'avais entendu tout au fond de mon corps au moment où elle fut conçue un après-midi de sieste coquine. Mais elle ne nous était apparue qu'à la première échographie, la septième semaine. Le médecin avait fait le point sur une infime étoile sur l'écran, et l'infime étoile avait grossi, grossi, et c'était devenu un bébé avec sa tête et son corps devant nous ébernués? En gros plan sur l'écran de ces deux millimètres et demi, Léa Lune déjà dans mon ventre tout plat. Ce n'est qu'à l'été, allongée sous les arbres des Landes, que je l'avais sentie, vivre en moi pour la première fois, comme une petite bulle de Perrier.
     Maintenant, elle vivait sans moi,dans une autre bulle. Elle aurait tenue toute entière dans ma main, elle si petite. Si légère, avec son kilo de moins pour vivre en liberté. Un kilo, c'est deux paquets de sucre en morceaux, deux bottes de poireaux, une gourde dans un sac de randonnée, le gros roman de l'été dans un panier de plage, le trop-plein sur le pèse-personne après un repas d'anniversaire. Un kilo c'est vingt fois cinquante grammes. Léa prenait cinquante grammes par jour. Chaque gramme nous rapproche de la sortie loin du phare, chaque gramme aussi peu dérisoire que ces trois gouttes de lait que je m'arrache.

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