19.5.14

Le son du Français

dédié à Christian :

" La musique de la langue française ne se présente pas sous le même jour. Dans une mesure assez considérable, je le répète encore, l'apprentissage du français fut, en ce qui me concerne, un processus d'appropriation et d'incorporation de phrases et de textes le plus souvent littéraires à partir d'exercices d'écoute et de récitation imitative. Il me semble que j'éprouvais un plaisir proprement musical, en m'abandonnant aux rythmes et aux mouvements ascendants ou descendants des phrases qui se déployaient dans ces pages. Habitué à l'exemple de la musique qui proposait des notions comme thème, reprise, ou variation, j'étais devenu peu à peu sensible au phénomène de "retour du même" dans les lignes que je lisais et relisais à haute voix avec ou sans modèle
(...)
Ce qui crée le sentiment d'être touché par des effets d'ordre musical, ce n'est sans doute pas la langue elle-même qui, sous cet angle, n'est qu'un ensemble de virtualités grammaticales; c'est une certaine manière d'organiser des sons et des rythmes, des intensités, des durées et des silences, qui est à l'origine d'une certaine musicalité de la production verbale. Plongé dans un livre, pourquoi aimè-je tant répéter des mots qui sonnent, des phrases qui coulent, des paragraphes ou des ensembles textuels plus larges qui me paraissent fort bien taillés, bien construits ? D'où vient ce plaisir ? De la page que je suis en train de lire, assurément; mais il vient aussi du passé, de la vibration d'un passé lointain, des profondeurs ténébreuses mais sonores de la mémoire, bref de tout l'univers résonnant de ma petite enfance. Je cherche peut-être, dans la réalisation phonique des mots et des phrases chéris, des traces de souvenirs liées à l'écoute musicale de mon enfance non musicienne. Non, je devrais dire plutôt ces souvenirs se cherchent en moi."
Akira Mizubayashi, Une langue venue d'ailleurs, ch.11

2 commentaires:

  1. Pour faire écho au son du français, un peu de son japonais :
    connais-tu l'écrivain Yokomitsu Riichi ( 184861947 )?
    A ma connaissance, seule sa nouvelle "La mouche" ( ou "Mouche"? ) a été traduite en français... Hatsuo-san peut peut-être te parler de cet étonnant Riichi, où te traduire certaines de ses oeuvres... C'est très expérimental, mais il y a un jeu au niveau de la langue qui est fascinant, souvent hermétique, mystérieux, comme un message secret à décoder.
    Le Petit Page, qui te livre un de ses apprentissages nippons préférés de cette année

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    1. Merci PP, je vais me pencher sur son cas dès que je pourrai !

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