26.3.15

Méridien en cinémascope (22) : il faut le remplacer, maintenant.

"Caine s'était assis près de Paul, qui n'était plus que le cadavre de Paul. Il le regardait sans comprendre et avec une tristesse sincère, bien qu'il l'eût peu connu de leurs vivants communs. Une certaine confusion noircissait encore sa tristesse, car il se sentait obtus et gauche devant feu Paul, comme démuni. Il supposait l'existence d'une sorte de code de politesse nécrologique, d'un type particulier de conduite à tenir, de certains gestes précis, reconnus et consacrés, applicables sans risques à toute situation comportant un ou plusieurs cadavres, mais il ignorait malheureusement toutes ces choses. Lui vint à l'idée qu'il était d'usage, du moins au cinéma, de fermer les paupières des défunts. Paul gisait face contre terre. Caine dut le retourner, non sans des égards extrêmes que jamais il n'aurait accordés à un non-mort ; mais Paul avait fermé les yeux en expirant, et l'inventeur en éprouva un léger sentiment de frustration, suivi d'un long affect de culpabilité, celui-ci sanctionnant celui-là. "
Le méridien de Greenwich, ch.25, Jean Echenoz

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