A partir de ses dix-sept ans, après son départ, j'ai vécu de longs mois sans aucune nouvelle. C'était affreux, mais d'un autre côté il en a peut-être mieux valu ainsi, car si j'avais su ce qui se passait dans sa vie, j'aurais été encore plus tourmentée. Et puis elle a volontairement refait surface, à dix-neuf ans, et nous avons repris des relations en dents de scie, alternant entre chaud et froid, mais distantes puisqu'elle avait rejoint la Belgique puis le Nord. Et puis soudainement, il y a trois ans, tout a changé, il s'est installé une complicité que je n'avais jamais connue, une intimité délicieuse faite de petits échanges quotidiens, de petits bonheurs comme je les aime. Presque un an de pur bonheur. Je n'ai jamais su pourquoi cela avait changé mais je n'ai pas demandé, je ne cherchais pas à savoir, c'était tellement bien que je ne voyais pas pouquoi ça changerait. Et puis soudain patatras, le retour du froid. Et tout s'est désintégré comme si cela n'avait jamais été. Sans aucune raison apparente. Sa soupape a laché et elle a tout déballé. Cette vision insupportable de moi, jusqu'à ma façon de manger, de m'asseoir. Sans doute de respirer, sans doute d'être. Des revendications pour que je fasse des excuses à propos d'événements anciens, déformés ou dont je ne me souviens même pas avoir été. Mon inutilité crasse : elle n'a aucun besoin de moi, puisqu'elle a un compagnon, un chat et une famille.
C'est vrai, je ne peux rivaliser; je n'ai plus de chien, et pas de famille. Cela m'évoque la réflexion de mon ex lors de sa batmitzva : "la famille juive c'est nous".
Et depuis c'est comme ça. Après les injures, plus rien.
Dimanche c'était la fête des Mères.
Personne ne m'enlèvera mon statut de mère. Tout le monde a une mère : les assassinés, les assassins en série, les otages, les preneurs d'otages, les persécutés et les salauds, les exilés et les voisins. La plupart de celles-ci souffrent, Mater Dolorosa, il y a même un article dans Wikipedia.
Pourtant je ne m'identifie pas à la mater dolorosa. Je veux vivre. Peu importe ce qui arrivera. Peut-être reviendra-t-elle, bientôt, plus tard quand elle sera mère elle-même et qu'elle aura un peu compris le process, peut-être avec l'intention de reprendre la boucle infernale de oui-non dont je ne veux plus. Peut-elle ne reviendra-t-elle jamais. D'autres ont vécu cela : disparition volontaire, exil au fin fond des Amériques où on partait au siècle dernier sans communication possible.
I will survive.
Dimanche c'était la fête des Mères.
Je me suis faite un cadeau : je me suis offert une jolie bague, un anneau coloré de pierres multicolores, une alliance. Symbole de l'alliance avec moi-même : rester fidèle à mon amour, à mon éthique, et à la vie des petits bonheurs.
26.5.25
Fête des mères
Mais de ma fille aucun message, kloum, nada.
Cela devient une habitude, et, maintenant, j'ose l'avouer, à la fois une déception et un soulagement. Rien que je redoute plus qu'un message laconique comme j'ai reçu déjà, où même l'IA aurait fait mieux.
C'était quand même ma fête. De droit. Du discours même de l'intéressée qui a 17 ans a quitté le domicile matriarcal : devant l'aveu de mon échec, elle déclarait tout de go qu'il n'y avait pas d'échec, je n'avais fait d'elle ni une ratée ni une droguée, nous étions juste incompatibles.
Dont acte. Venant d'elle, c'est peut-être son seul mensonge en lequel je veux encore croire.
Longtemps je n'ai pas voulu d'enfant, et quand j'ai changé d'avis je n'étais pas sûre de moi. J'avais peut-être raison, puisque la vie de parents a brisé mon couple vieux de trente ans sorti du nombrilisme. Pourtant, il y a eu beaucoup de moments de grand bonheur, de souvenirs illuminés par son sourire et sa joie de vivre. Même si nos relations n'ont jamais été vraiment simples. On va dire que c'était le choc des caractères entre capricorne et sagittaire ... Lorsque ma fille a eu dix ans, nous nous sommes retrouvées abandonnées du jour au lendemain, commença une période terriblement noire pour moi, accentuée par la situation de parent isolé avec tous ses inconvénients : revenus, décisions à prendre, réactions à avoir devant tous les problèmes de l'adolescence accrus par tout ce qui est caricature du père à la fois démissionnaire et revendicateur. De la vie quotidienne je n'ai gardé que peu de souvenirs, j'ai du beaucoup scotomiser. Mais mon amour maternel, chevillé à un solide devoir éthique, ne m'a jamais fait lâcher.
22.5.25
ABSENCE PRÉVISIBLE
Dimanche, j'ai organisé dans ma synagogue une conférence qui s'intitulait "QU’EST-CE QU’UN GÉNOCIDE ? DÉFINITIONS ET (MÉS)USAGES". Elle était faite par un jeune philosophe extrêmement talentueux et directeur de collection chez Calman-Levy, Emmanuel Lévine. La conférence était à la fois extrêmement documentée, les éléments exposés indiscutables car basés sur des définitions juridiques référencées, mais aussi extrêmement délicate, sensible. La majorité des spectateurs en fut fort bouleversée et en même temps a acquis un savoir concret sinon rassurant par ces temps tourmentés.
J'avais bien préparé mon affaire, et le public était nombreux pour cette sorte de sujet.
Mais j'ai noté : les spectateurs, des Juifs, rien que des Juifs.
J'avais moi-même invité de façon détaillée et argumentée toutes les personnes de ma connaissance qui ne fréquentent pas ma synagogue où la conférence avait lieu, et des très proches, presque toutes n'étaient pas juives. PERSONNE n'est venu. Est-ce qu'il faisait trop beau ? Est-ce que le sujet était trop angoissant ? Est-ce que le bal aux Mais était plus tentant ? En tout cas, tout le monde avait piscine. De plus PERSONNE ne s'en est excusé, ni même ne m'en a parlé.
Voilà, c'est comme ça. Est-ce que j'en suis étonnée ? Même pas. Je pense à certaines de mes relations qui me reprochent de m'enfermer dans ma communauté. Hum hum. A l'heure où un jeune couple assassiné n'est même pas vraiment considéré comme de "vraies" victimes par une catégorie du peuple français, "oui mais avec tout ce qui se passe à Gaza" , plus rien ne m'étonne. Est-ce que je vais leur en parler, me fâcher, ou me révolter, même pas, je n'ai aucune envie de mettre de l'énergie dans ce chantier inutile. La plupart doivent penser que Gaza c'est une terre de Génocide sans creuser davantage, les autres ne plus vouloir entendre parler de tout ça, ça les gave, d'autres sont au fond indifférents , ça les regarde si peu, ils ont autre chose à faire, ils ont piscine.
En tout cas, pour moi,ce fut un moment fort et très constructif. La question a été réellement pesée et soupesée : y a-t-il un génocide à Gaza. Je ne donnerai pas la réponse ici. Ceux qui y étaient se sont fait une idée claire. Ceux qui n'y étaient pas, vous n'aviez qu'à venir.
J'avais bien préparé mon affaire, et le public était nombreux pour cette sorte de sujet.
Mais j'ai noté : les spectateurs, des Juifs, rien que des Juifs.
J'avais moi-même invité de façon détaillée et argumentée toutes les personnes de ma connaissance qui ne fréquentent pas ma synagogue où la conférence avait lieu, et des très proches, presque toutes n'étaient pas juives. PERSONNE n'est venu. Est-ce qu'il faisait trop beau ? Est-ce que le sujet était trop angoissant ? Est-ce que le bal aux Mais était plus tentant ? En tout cas, tout le monde avait piscine. De plus PERSONNE ne s'en est excusé, ni même ne m'en a parlé.
Voilà, c'est comme ça. Est-ce que j'en suis étonnée ? Même pas. Je pense à certaines de mes relations qui me reprochent de m'enfermer dans ma communauté. Hum hum. A l'heure où un jeune couple assassiné n'est même pas vraiment considéré comme de "vraies" victimes par une catégorie du peuple français, "oui mais avec tout ce qui se passe à Gaza" , plus rien ne m'étonne. Est-ce que je vais leur en parler, me fâcher, ou me révolter, même pas, je n'ai aucune envie de mettre de l'énergie dans ce chantier inutile. La plupart doivent penser que Gaza c'est une terre de Génocide sans creuser davantage, les autres ne plus vouloir entendre parler de tout ça, ça les gave, d'autres sont au fond indifférents , ça les regarde si peu, ils ont autre chose à faire, ils ont piscine.
En tout cas, pour moi,ce fut un moment fort et très constructif. La question a été réellement pesée et soupesée : y a-t-il un génocide à Gaza. Je ne donnerai pas la réponse ici. Ceux qui y étaient se sont fait une idée claire. Ceux qui n'y étaient pas, vous n'aviez qu'à venir.
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