"Elle lisait. Non pas un livre de poche mais un épais ouvrage relié. Elle l'a fermé et m'a souri. D'après son marque-page, je pouvais voir qu'elle l'avait presque terminé.
"Qu'est-ce que vous lisez ? ai-je demandé en enlevant mon duffle-coat et en l'accrochant au porte-manteau
- L'Amour au temps du choléra, a-t-elle répondu.
- Vous aimez Garcia Marquez ?
-Oui, beaucoup. D'ailleurs, j'ai presque tout lu de lui. Mais j'aime particulièrement ce roman. Je le lis pour la deuxième fois. Et vous ?
- Je l'ai beaucoup lu quand j'étais plus jeune. Dès la parution de ses livres.
- J'aime tout spécialement ce passage.
"Fermina Daza et Florentino restèrent dans la cabine de commandement jusqu'à l'heure du déjeuner, une fois passé le village de Calamar qui, à peine quelques années auparavant, était une fête perpétuelle et n'était plus aujourd'hui qu'un port en ruine aux rues désolées. Une femme vêtu de blanc et qui agitait un mouchoir fut le seul être vivant qu'ils aperçurent depuis le navire. Fermina Daza ne comprenait pas pourquoi on ne la recueillait pas alors qu'elle semblait en détresse, mais le capitaine lui expliqua qu'elle était le fantôme d'une noyée qui envoyait des signaux trompeurs afin d'attirer les bateaux vers les dangereux tourbillons de l'autre rive. Ils passèrent si près d'elle que Fermina Daza la vit dans ses moindres détails, se découpant bien nette contre le soleil, et elle ne mit pas en doute la réalité de sa non-existence, bien qu'il lui sembla reconnaître son visage."
"
MURAKAMI Haruki, La cité aux murs incertains, ed. Belfond, deuxième partie, chapitre 61
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