Je profite des vacances pour écouter France Culture, et voici que l'émission Grandes Traversées a consacré une semaine à Louis-Ferdinand Céline.
La chute d'Icare. Albert Woda
On n'en finit pas de se disputer à propos de Céline. Certains refusent catégoriquement de le lire. D'autres l'excuserait presque de son ignominie. Dernière polémique en date : doit-on publier les Pamphlets ?
Cette série d'émission est remarquable. Chaque aspect de la vie, de l'œuvre de Céline, est disséquée par d'éminents spécialistes d'avis les plus divers concernant cet auteur. Le tout ponctué d'extraits de l'œuvre, de correspondances, d'interviews, de documents de l'époque.
Evidemment, ce n'est pas le style d'émission d'été les pieds dans la piscine. Certains passages sont quasi-insoutenables. Mais l'ensemble est absolument passionnant.
Et que cela m'a-t-il apporté, personnellement ?
Une bonne piqûre de rappel.
J'ai lu Céline jeune, dans ma vingtaine. J'en avais entendu parler avant mais n'étais pas tentée. J'ai été obligée d'acheter le Voyage pour mon dîplome d'enseignante, il était au programme de l'Université. Et là, j'ai découvert le génie littéraire, irremplaçable, incontournable. Ceux qui ne le liront pas n'en auront pas conscience, et, oui, il leur manquera quelque chose.
Et c'est bien là le problème. Comment concilier le Voyage et les Pamphlets ? Comment concilier le génie littéraire et l'abominable, ignominieux homme ?
C'est ce qui se dégage de l'émission, c'est ce qui me renforce dans ma position.
C'est impossible. On ne peut concilier. Et pourtant c'est le même homme.
Ce qui m'atteint dans mes croyances. Je dirai même dans ma spiritualité. Comment est-ce concevable ? C'était la paracha de la semaine dernière, celle de Balak: existe-t-il de vrais prophètes qui ne sont pas dans le camp du Bien ? Existe-t-il des artistes extraordinaires qui ne sont pas dans le camp du Bien ? A quoi leur don sert-il alors ? Peut-on admirer leur œuvre et les dissocier de leur vie, de leurs actions ?
Pourtant, ce n'est pas si dur à comprendre pour pouvoir vivre avec. Je l'ai vu tant de fois, en cotoyant de nombreux artistes souvent intimement : une œuvre magnifique , et de pauvres types : mesquins, ou/et orgueilleux, ou/et sans éthique ou/et pitoyables ou/et même stupides en dehors de leur art ...
Ce n'est d'ailleurs pas une spécificité artistique : j'ai connu des enseignants, des personnels soignants extrêmement dévoués inaptes à s'occuper de leur famille ... pourquoi cela serait-il différent pour les artistes ?
Reste à l'accepter, à l'avaler dirai-je. C'est pourquoi souvent à présent, quand j'admire infiniment une œuvre, je ne veux rien savoir de son auteur, je résiste à la volonté d'en connaître plus. Pourquoi souffrir pour rien, ne pas jouir de l'œuvre seule ?
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