7.12.13

Et la fureur ne s'est pas encore tue (1)

"Le matin effaçait leur visage. Tout juste après le rassemblement, nous partions pour nos travaux forcés. Nous nous affaiblissions, torturés par un froid d'automne cinglant, et la nuit il était interdit de faire du feu. Nous nous enveloppions dans des hardes en luttant de nos maigres forces contre les courants d'air glacé. Chacun de nous savait ses jours comptés.
Il me semblait parfois que Yossef-Haïm voulait dire quelque chose, mais il disparaissait dans le col de sa veste dès que je m'approchais de lui. Ce que j'apercevais de son visage exprimait l'aspiration à être seul et tranquille. Presque personne ne semblait se rendre compte qu'il priait toujours. Je sentais sa prière planer sur nous un long moment, parfois un jour entier. Je ne confiai ce sentiment à personne. Il ne faut pas dévoiler certaines choses tant que leurs temps n'est pas venu, sous peine, entre autres, d'être couvert de ridicule."
Et la fureur ne s'est pas encore tue, Aaron Appelfeld, ch.21

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