12.7.13

D' Abraham le silencieux

"Je lisais la Bible seul, heureux quand je comprenais quelques mots. Je m'arrêtais sur la ligature d'Isaac. Une histoire terrible racontée avec retenue, sans doute pour que l'on puisse entendre le silence entre les mots. Je me sentais proche de ces phrases mesurées, j'avais l'impression que l'histoire ne transmettait aucune morale - et quelle morale aurait-on pu y trouver ? - mais qu'elle s'infiltrait dans des cellules pour y attendre patiemment d'être déchiffrée.
(...)
La nuit, je relus la fin de la ligature d'Isaac. La façon très concrète dont cette épreuve s'achève m'émerveilla et, dans le même temps, je me demandais ce qu'on pouvait retirer de l'obéissance à un ordre inhumain. Que pouvait se dire Abraham ? J'ai réussi, j'ai obéi au commandement de Dieu, j'ai freiné la miséricorde en moi ? J'ai été un exemple pour les générations futures ? Et que pouvait-il dire à son fils Isaac ? Merci de t'être comporté ainsi à mes côtés, avec un courage bien plus grand que le mien ? Cette péricope est un sombre labyrinthe qui ouvre sur de sombres labyrinthes, et c'est pour cela que mieux valait se rendre à Beer-Sheva avec les ânes, sans rien dire, comme l'a fait Abraham. Toute parole sur une telle épreuve aurait été stupide. Abraham s'était exécuté face à l'ordre reçu. Il en souffrirait sans nul doute le restant de sa vie. D'ailleurs, la Bible ne nous dit rien de plus sur lui, jusqu'à sa mort."
Le garçon qui voulait dormir, Aharon Appelfeld, ch. 43

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