Les œuvres que j’aime sont comme une famille. Il me faut prendre des nouvelles d’elles régulièrement : le cours de ma vie est peuplé, constitué même de ces rappels à une bribe d’entre elles, sans quoi le quotidien n’a souvent pas de saveur en lui-même. Je me rappelle par exemple très bien de ce que je lisais dans tel paysage, ou dans tel événement. Témoins de ma vie plus que les humains infidèles et passagers.
Il m’est pour cela nécessaire, vital, de m’en réimprégner périodiquement, de les visiter temporairement ou de façon plus prolongée. Je relis ainsi très régulièrement Le livre des lumières de Haim Potok, les différents volumes de Dune et du seigneur des anneaux (dont une fois à haute voix à un auditeur privilégié). Je retrouve le même plaisir à les côtoyer, le même suspens dans les trames, la même saveur des anecdotes. Quand je découvre un auteur, j’aime livre son œuvre complet, l’un après l’autre, au fil des jours. J’aime connaître le fil de sa vie, voir sa photo. Ainsi ai-je fait pour Haruki Murakami et Aaron Appelfeld. Pourtant, je n’accorde qu’une importance relative à sa biographie ou à la véracité de ses propos ; je ne suis pas dupe, je sais que la littérature est mensonge. Ou plutôt qu’elle a ses propres vérités, ses propres lois, et que les auteurs ne sont passionnants et intègres que dans leur œuvre. Mais j’aime savoir un auteur en vie, car la source n’est pas tarie. Et je l’aime non en tant que personne, mais en tant que maître de littérature, passeur de vie.
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