17.7.06

ma coupe du monde, 1

C'était un drôle de soir que celui de France-Corée.
Nous étions depuis une demie heure installée sur la pelouse de mon institut, en train de regarder avec concentration le spectacle de comédia del arte de l'atelier théâtre.
Soudain, provenant d'on ne sait où mais certainement d'un immeuble voisin, un air gueulé par des soulards interrompt la mélodie italienne : après un retour sur terre immédiat, je perçois soudain l'identité d'un air que je n'avais pas entendu depuis des lustres autrement qu'à la télévision : c'était l'hymne national, la Marseillaise. Le match avait donc démarré.
A la fin de la représentation, en remontant vers le parking, je trouvais dans la salle des fêtes un groupe de mes étudiants, attroupés autour d'un minuscule écran d'une télévision portative. Je m'y attardai quelque peu, gagnée par l'enthousiasme attendrissant de mes stagiaires pour les passes molles des joueurs français. La chaleur, le partage, naissait dans cette salle froide autour d'un désir commun, d'être ensemble autour d'un événement partagé par tant d'autres, mais qu'hélas ne semblaient pas partager les joueurs.
Je regagnai ma maison, à la grande déception des jeunes, à la mi-temps, l'écran restant à l'immage de cette partie, illisible et aléatoire...
Le temps de voir la France gagner, et se sélectionner pour la vraie partie de la coupe. Comme tant de Français, je descendais à la fin du match, mais c'était pour promener mon chien.
Les gens se dirigeaient vers la place Masséna, lieu des rencontres de la ville, même entravée par les tranchées du tram. Des jeunes agitaient des drapeaux, issés sur les voitures, en klaxonnant très fort. Je n'avais jamais vu ce drapeau agité pour des événements gais (je n'étais pas en France en 1998). C'était étrange, et fascinant.
En rentrant chez moi, je surpris la conversation d'une des femmes qui traîne habituellement en bas de chez moi : toujours ivre, elle se dispute souvent avec les voisins exaspérés de ses clameurs nocturnes; elle profère souvent, entre autres vociférations, des propos anti-nationaux, se disant née à Lyon mais pas française pour deux sous. Ce soir là, elle était arrivée à tenir debout jusque là, lucide, pour voir le match. Et en sortant du bar d'où elle avait vu le match sur l'écran géant, elle disait à sa voisine : "que c'est bien qu'ils aient gagné ! Je vais pouvoir bien dormir ce soir".
Ce soir là, je suis rentrée chez moi émue et troublée. J'avais vécu de faibles émois sportifs mais de grands moments de vie.