29.1.16

Ecoute le vent (07) : Tennessee Williams

" Je m'interrompis pour faire tomber la cendre de ma cigarette dans le cendrier.
"Au fait, tu n'aurais pas lu La Chatte sur un toit brûlant ?" Elle ne me répondit pas, se contentant de fixer le plafond. Ainsi enveloppée dans son drap, on aurait dit une sirène échouée sur une plage. Je ne me souciai pas de son silence et poursuivis. "En fait, je pense à cette pièce chaque fois que je bois seul. Ca provoque immédiatement un déclic dans ma tête, ça me détend, en somme. Mais ça ne marche pas toujours si bien dans la réalité."
Ecoute le chant du vent, MURAKAMI Haruki, ch. 9

28.1.16

Ecoute le vent (06) : romans de cuisine

"Si vous cherchez l'art ou la littérature, lisez plutôt les écrits des Grecs anciens. Seulement, pour donner naissance à l'art véritable, l'esclavage était une condition indispensable. A l'époque des Grecs anciens, des esclaves cultivaient les champs, préparaient les repas, ramaient sur les bateaux, pendant que les citoyens, sous le soleil de la Méditerranée, s'adonnaient à la poésie où se colletaient avec les mathématiques. Tels étaient les arts.
Des gens contraints de fouiller dans leur frigo, à 3 heures du matin, dans une cuisine silencieuse, ne peuvent écrire que des textes comme celui-ci, commun, ordinaire en somme.
Oui, comme moi."
MURAKAMI Haruki, Ecoute le chant du vent, ed. Belford, ch1.

27.1.16

Ecoute le vent (05) : grand-mère

"La nuit où elle mourut, mon premier geste fut de lui abaisser doucement les paupières. En même temps que je lui fermais les yeux, les rêves qu'elle n'avait cessé de faire pendant soixante-dix-neuf ans s'en allèrent aussi silencieusement qu'une pluie d'été sur un chemin, et ensuite, il ne resta plus rien."
MURAKAMI Haruki, Ecoute le chant du vent, ed. Belford, ch.1.

26.1.16

Ecoute le vent (04) : I try

"Pourtant, il est très difficile de raconter une histoire honnêtement. Plus j'essaie d'être honnête, plus les mots justes s'enfoncent dans ces abîmes de ténèbres.
Ce n'est pas que je me cherche des excuses. En tout cas, ce que j'écris là est le mieux que je puisse faire à présent. Il n'y a rien d'autre à dire."
MURAKAMI Haruki, Ecoute le chant du vent, ed. Belford, ch.1.

25.1.16

Ecoute le vent (03) : something

"Je me souviens encore très distinctement de la sensation de ce quelque chose d'aérien qui m'était tombé dans les mains, il y a plus de trente ans, un après-midi de printemps, au stade Jingu. Et je me souviens de cet autre après-midi printanier, un an plus tard, où j'ai recueilli, près de l'école de Sendagaya, un pigeon blessé. Je me souviens de sa chaleur dans mes mains. Et quand je réfléchis à ce que signifie "écrire un roman", ce sont ces sensations qui me reviennent toujours en mémoire. Ces souvenir-là m'inclinent à croire qu'il y a quelque chose en moi, me laissent rêver à la possibilité de la faire grandir. que ces sensations subsistent encore en moi aujourd'hui, c'est merveilleux."
MURAKAMI Haruki, Ecoute le chant du vent, ed. Belfond, préface.

24.1.16

Ecoute le vent (02) : traduction

pour Shizuka
"Mais, par nature, les langues sont très solides. S'appuyant sur une longue histoire, elles possèdent en elles une force opiniâtre. Quoi qu'on leur fasse subir, il sera impossible de porter atteinte à leur intégrité, même si on les traite avec une certaine brutalité. Il faut reconnaître à chaque écrivain la prérogative d'expérimenter les options et les ressources dont disposent les langues, et sans cet esprit aventureux, rien de nouveau ne sera jamais créé."
MURAKAMI Haruki, Ecoute le chant du vent, ed. Belfond, préface.

23.1.16

Ecoute le vent (01) : épiphanie

"Je me souviens encore très nettement de la sensation de cet instant. J'avais l'impression que quelque chose allait tomber du ciel, lentement, presque en flottant, et que j'allais le recueillir dans mes mains. Pourquoi le hasard voulait-il que cela tombe entre mes mains, je n'en ai aucune idée. Je l'ignorais à cette époque, et je ne le sais toujours pas aujourd'hui. Quelle qu'en soit la raison, cela a eu lieu."
MURAKAMI Haruki, Ecoute le chant du vent, ed. Belfond, préface.