26.10.13

Marché du samedi : couleurs de saison


Renoncules. Raviolis à la courge : ils sont tellement frais que le vendeur-fabricant m'a recommandé d'attendre ce soir pour les manger, ou de les rafermir 1h au congélateur car il venait juste de finir de les faire...

17.10.13

Sauter dans ses vêtements

"Samedi 3 Août 1968

Ce matin, à Marseille, ma première impression d'été : la rapidité avec laquelle je me suis habillé. Deux temps, trois mouvements, slip, pantalon, chemise, sandales : c'est l'été. Ce ne sont pas mes vêtements en eux-mêmes, si légers soient-ils, qui m'ont procuré cette sensation de joie estivale, c'est la rapidité avec laquelle j'ai sauté dedans.
En hiver, m'habiller me prend un temps de chevalier à l'armure. Chaque partie de mon corps  exige la congruence du tissu protecteur : mes pieds sont tatillons quant à la laine des chaussettes; mon torse, lui, veut la triple protection du tricot de peau, de la chemise et du pull-over. M'habiller en hiver consiste à trouver l'équilibre entre ma température intérieure et celle des différents dehors - hors du lit, hors de la chambre, hors de la maison... Il s'agit de baigner dans son juste jus de chaleur; rien de plus désagréable ni de plus répréhensible que d'avoir trop chaud en hiver. Cet harnachement hivernal demande une attention et un temps considérables. "Sauter dans ses vêtements" est une expression estivale. En hiver, on les met, verbe rudimentaire; on les met et on les porte. Car il y a le poids aussi. Bien avant ses vertus calorifuges, c'est le poids de mon manteau qui me protège contre le froid.
(Du point de vue du temps qu'ils y passent, les toréadors sont les seuls à s'habiller en été comme si c'était l'hiver. Un toréador ne saute jamais dans ses vêtements. Fichu métier.)"
Daniel Pennac, Journal d'un corps

16.10.13

Crainte injustifiée

"Jeudi 17 Septembre 1987
(...)
Image furtive de Tante Noémie dans son petit appartement de la rue Chanzy. Craignant la cécité, elle s'entraînait à marcher les yeux fermés. Quand elle devint aveugle, elle ne pouvait plus marcher.)"
Journal d'un corps, Daniel Pennac

8.10.13

Comme un air de déjà vu aux infos ...


Au cours d'un de ces après-midi, il se produisit un spectacle rare. L'Andrea Doria, le transatlantique qui, en route vers l'Amérique, faisait escale à Naples, passa devant la plage des pêcheurs. Dans le court bras de mer entre l'île et le rocher de Vivara apparut la proue gigantesque qui, en passant, coupait la route aux navettes. Brusquement, l'île se tut. D'habitude il défilait au large, on le voyait de loin, mais cette fois-ci le bateau changea de cap et il se glissa dans le canal entre les îles. Je l'aperçus le premier et demandai à Nicola : "Mais que fait-il ?" Nicolas bondit sur ses pieds, m'ordonna de porter les palangres vers la maison et appela les autres. La plage des pêcheurs fut en ébullition, tout le monde se précipita dehors. Je ne comprenais pas ce qui les agitait. Ceux dont les barques étaient au mouillage devant la plage coururent monter dedans et se mirent à ramer vers le large. Ceux dont les barques étaient couchées sur le rivage donnaient de la voix et des bras pour les tirer le plus au sec possible. Entre-temps, le bateau se présentait à l'entrée du canal, le fil de sa proue tout empennée du blanc de la mer. Du port, la capitainerie fit sonner les sirènes en guise de salut et le bateau répondit par un mugissement de monstre. Il traversa le canal et tout rapetissa devant sa taille imposante, même le château. Rien que sa cheminée était aussi haute qu'un immeuble. Les barques qui avaient réussi à lever l'ancre prirent les premières lames, nous les vîmes sauter sur les crêtes énormes et les pêcheurs étaient des cavaliers de rodéo sur le dos des bêtes qui ruaient de leur poupe vers le ciel. Prises de côté, elles se seraient renversées. Voilà le danger que je ne mesurais pas, les vagues. Qui arrivèrent sur le rivage avec la force d'un fouet, soulevèrent les quelques barques restées à l'ancre et les projetèrent sur le rivage où l'écume de la mer arriva jusqu'aux maisons. Ce fut une rafale de six lames géantes suivies d'autres plus petites. Le vacarme de la plage couvrit les sirènes de salut. Les pêcheurs donnèrent encore de la voix et des bras, moi je n'avais jamais vu d'aussi près une machine si merveilleuse et terrible. Les vagues atteignirent les barques tirées au sec et en emportèrent deux en mer(...)
Je n'en revenais pas que ce magnifique spectacle fût si dangereux pour les pauvres gens qui habitaient sur la plage. C'était déjà arrivé. De temps en temps, un transatlantique empruntait le canal pour le plaisir des touristes à bord et les vagues soulevées provoquaient une tempête de cinq minutes qui suffisait pour couler les barques.
Les pêcheurs n'étaient pas en colère. Les navires aussi appartenaient à la mer, aux trombes d'air, aux tempêtes et à toute l'hostilité naturelle à laquelle il fallait opposer une résistance."
Tu, mio. Erri De Luca