30.4.09

Ballade de printemps



Mise en ligne par lu.ciole
Les fleurs, l'air, la lumière, hier, sur le chemin Nietzsche. Je me suis souvent demandé en quoi la culture aide à vivre plus heureux l'instant présent, si ce n'était après tout qu'un leurre, une lubie d'intello. Sur ce chemin, je ne pensais pas spécialement à ce philosophe allemand dont j'ai pourtant lu le Zarathoustra. Mais à la lumière du pays, au sourire de il postino. C'était comme si en même temps je marchais ici et maintenant, et en son temps heureux sur une route de Sicile. Deux fois plus de plaisir en somme.

28.4.09

Melnitz, extrait 4

Ils étaient assis face à face.
Son visage était –il ne trouvait pas d’autre formulation- précis, avec des lignes nettes, comme tracées par un dessinateur au trait ferme. Un nez sûr de soi et un menton décidé. Des cheveux plus courts que ne le veut la mode en Suisse, à la coupe presque juvénile. Les lobes des oreilles avaient autrefois été percés, mais le trou se refermait déjà. Peut-être avait-elle dû vendre ses boucles d’oreilles.
« Tu me regardes comme si tu voulais m’apprendre par cœur », dit Rosa.
Mais il n’en était pas encore là. Il commençait juste à l’épeler.
Ce n’était pas une beauté, personne ne dirait, au premier coup d’œil : voilà une jolie femme. Mais les femmes ne sont pas toutes faites pour le premier coup d’œil. On pouvait, sans difficulté, s’imaginer la regarder, jour après jour, de l’autre côté d’une table.

Melnitz de Charles Lewinski, p737

Le son de chez moi, 11 : autres méditations tortueuses

Pause au Parc Phœnix pour absorber le soleil enfin retrouvé.

27.4.09

Cent vues du mont Fuji

extrait, par DAZAI Osamu

"La veille de mon départ...j'étais assis sur une chaise, en bas, à prendre du thé, lorsque je vis venir deux jeunes filles en manteau d'hiver ; elles avaient l'air intelligente (des dactylos, peut-être...) et arrivaient du tunnel avec des rires joyeux. Soudain, découvrant devant elles le Fuji immaculé, elles s'arrêtèrent, saisies par le spectacle. Elles échangèrent quelques mots à voix basse, et l'une d'elles, qui avait le teint clair et portait des lunettes, vint vers moi en souriant.
-Excusez-moi, me dit-elle, est-ce que vous pouvez nous photographier ?
J'étais pris au dépourvu. Ces appareils, je n'y connais rien; et d'ailleurs je ne m'intéresse absolument pas à la photo... Affectant le calme, je pris l'appareil photographique et sur un ton serein, je demandai à me faire expliquer son utilisation; puis, je collais l'œil au viseur - la peur au ventre. Au milieu de l'espace délimité par le viseur, il y avait le Fuji, et devant lui, deux petites fleurs de pavot - avec le même manteau rouge.
Elles se serrèrent l'une contre l'autre avec un air très sérieux -ce qui m'amusa beaucoup. Mais je ne pouvais empêcher mes mains de trembler?
J'observai ces deux fleurs et, en les voyant prendre ainsi la pose et se figer dans leur sérieux, je retins le fou rire.
Incapable de cadrer correctement la photo, je résolus de les éliminer de l'image toutes les deux et de ne photographier que le Fuji : un immense Fuji, omniprésent !
Adieu, Fuji...et merci pour tout !
Clic !
- Voilà, dis-je aux deux jeunes filles(...)
D'une seule voix, elles me remercièrent.
Une fois de retour chez elles, elles seraient bien étonnées quand elles feraient développer la photo ! Rien que le Fuji dans son immensité -et nulle part leur image à elles !

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Dédicace (4)

C’est aussi, étrangement, à une signature, que j’ai rencontré Philomène. La première image que j’ai d’elle, c’est celle d’un décolleté penché vers un livre et d’un petit sein bien dressé à l’intérieur de la chemise blanche. Comme devaient l’être les hommes, elle m’a séduite par sa fraîcheur, sa joliesse, son innocence un brin Lolita. Je voulus nous revoir. Après plusieurs déjeuners, et par hasard, je découvris l’inimaginable : l’écho de Maud, la voix mystérieuse de ma dernière soirée avec elle, c’était celle de Philomène. Elle était pourtant aussi éloignée que possible de ce que pouvait être Maud, plutôt une antisymétrie. J’en déduisis que les textes que j’avais lus ne pouvaient être que le produit d’une schizophrénie, d’une métempsycose momentanées.
Je décidai d’adopter cette jeune sœur. C’était une amitié simple, reposante, adolescente. En y repensant, je ne saurais retrouver quelles étaient nos occupations, ni les motivations de ces rencontres hors du plaisir d’être simplement ensemble. Nous ne partagions ni les mêmes aspirations, ni les mêmes goûts, même à propos de nos littératures respectives : ses textes ne ressemblaient plus du tout à ceux de Maud, nous ne parlions d’ailleurs jamais d’elle pour qui nous n’étions plus l’une comme l’autre que de l’histoire ancienne. Nous ne l’avions jamais croisée à la librairie où nous aimions nous donner rendez-vous.

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26.4.09

Pour retrouver la nostalgie nippone, 10


...très efficace : Still Walking de Hirokazu Koreeda (titre original : Aruitemo aruitemo, 2008)
le bus, les petites fèves fraîches, le bain, la véranda...et le japonais et les Japonais bien sûr...

Melnitz, extrait 3

Plus ils approchaient, plus souvent il leur fallait se courber pour déchiffrer un nom. En ces quelques années les lettres avaient déjà pâli, comme pâlit le souvenir en lequel un homme est d'abord un héros, puis juste un mort, un nom, et après plus rien.
Sur quelques sépultures gisaient des restes de fleurs. Elles tombaient en poussière, à l'imitation des défunts auxquels on les avait apportées.
Puis ils le trouvèrent. Meijer, Alfred, 1914.
François se pencha sur la tombe, du geste gauche d'un vieil homme. De la main droite, il parcourut le petit tertre de feuilles sèches érigé par le vent. Le tertre funéraire proprement dit s'était depuis longtemps nivelé au sol.
Il ramassa une pierre, non pas un caillou selon l'usage dans les cimetières juifs, mais un fragment de roc aux arêtes vives, de ceux qui émergent toujours dans les champs, aussi soigneusement labourés fussent-ils. Mais il n'y avait pas de pierre tombale où il aurait pu la poser en signe de commémoration, aussi la laissa-t-il retomber, la regarda s'enfoncer dans le tas de feuillage en décomposition.
Puis François se redressa, avec une extrême lenteur. Son dos refusait de redevenir droit.
"Je t'en prie, Pin'has, dit-il.
- Je ne sais pas s'il est juste de faire ça
-Y a t-il quoi que ce soit de juste en ce monde ? " dit François...
Ainsi advint-il que Pin'has Pomeransz récita le Kaddisch devant une tombe chrétienne : "Yissgadal veyiskadasch schemeï rabo."
Le Kaddisch pour Alfred Meijer, dont on avait fait un chrétien et un Suisse, et à qui tout cela n'avait servi à rien.
Le Kaddisch pour un Juif sur la tombe duquel se dressait une croix.

Hokusai et le mont Fuji, semaine 47 et fin

Shojin tozan (groupe de grimpeurs dans la montagne).

C'est la fin. On ne voit pas le mont Fuji, car on y est. Il y a beaucoup de monde, comme toujours au Japon. Coïncidence, hier, randonnée pour moi aussi .

Aujourd'hui, le feuilleton se termine, et il pleut.


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23.4.09

Melnitz, extrait 2

Le pire, ce fut que la vie continua. C'aurait dû être comme lorsque, au cinématographe, le filme se coince dans l'appareil de projection et se bloque, puis que la chaleur de la lampe ronge l'image, d'abord juste une tache, puis un trou qui s'agrandit, un néant bordé de brun, où disparaiît tout ce qui, tout à l'heure encore, était visible sur l'écran, les visages, les têtes, les gens, les couples d'amoureux. Les premières minutes, le pianiste continue à jouer, puis il constate qu'il n'y a plus rien à accompagner, lève les mains des touches, au beau milieu de la mélodie inachevée, sans accord final. Après, le public vitupère le projectionniste, dans la salle la lumière s'allume et les gens restent assis, pas encore revenus dans le monde réel et train de se demander que serait la suite de l'histoire.
Si elle avait continué.
C'est ainsi que ça aurait dû se passer. Mais la terre ne s'arrêta pas de tourner.
Melnitz de Charles Lewinsky, p559

L'impression d'être utile

"Je ne suis pas malheureux à Nice. L'important, c'est d'être utile. Et ne pas s'ennuyer, ce qui est impossible tant la délinquance est variée."
Eric de Montgolfier, procureur à Nice, dans le Nice Matin d'aujourd'hui

22.4.09

Le son de chez moi, 10, le son du Japon 33 : bassin

Besoin d'une pause ?
Offert par le jardin japonais de la villa Ephrussi de Rothschild (et accessoirement une société Nippon etc dont j'ai oublié le nom...

Dédicace (3)

Un soir, lorsque furent partis les derniers invités, Maud me parla du trouble où l’avait jetée une jeune poète qui lui adressait des textes et sollicitait son avis. Elle me les fit lire. Je fus troublée aussi : on aurait dit des siens, exactement des siens sans en être copie, l’expression d’un même souffle, de cette même voix. Que fallait-il répondre, comment répondre à un écho ? Maud décida de ne pas répondre non plus…
Après cette soirée, je n’eus plus de nouvelles de Maud. J’attendis plusieurs jours, plusieurs semaines, supposant quelque aventure…Rien. Et puis, accidentellement, je la rencontrai en faisant la queue…pour une tourte de blette au carton de berger. Elle était la cliente devant moi. Etait-ce un nouveau signe ? Je laissais éclater ma surprise, ma joie. Surprise, elle l’était aussi. Elle me parla alors, usant d’une langue-mélange entre l’extrême courtoisie et l’épouillage raffiné entre collègues de bureau : non, elle n’avait pas déménagé, bien sûr tout allait bien, bien sûr que non elle ne m’oubliait pas, elle avait de nouveaux projets, mais on en reparlerait. La vendeuse s’adressa alors à elle ? Je ne l’avais jamais vue faire ses courses : je détaillais son attitude, la syntaxe utilisée pour obtenir une tranche de jambon ; elle ne m’avait pas parlé autrement aujourd’hui. Elle s’éclipsa lorsque ce fut mon tour.
Elle ne me donna aucune nouvelle. Benoîte, je me pris de culpabilité. Qu’avais-je fait ou dit pour mériter ce traitement, une indélicatesse, une pointe d’humour mal passée ? Je finis par l’appeler au téléphone : elle développa le même thème charcutier, avec d’infimes variations de ton : jurant de sa plus grande amitié, elle ne voyait pas de quoi elle pourrait m’en vouloir, j’étais innocente…
Après ce « coup » de fil, elle ne me donna plus jamais de ses nouvelles.

19.4.09

Hokusai et le mont Fuji, semaine 46

Tôkaidô Kanaya no Fuji (Le mont Fuji vu depuis Kanaya sur la route de Tokaidô)

"Le Fleuve possède aussi cette qualité lyrique par excellence, qui est l'expression volubile de soi, et la superbe ignorance de tout ce qui n'est pas soi. — Le Fleuve se tord et se roule et se pousse avec un bruit continu. Le Fleuve méconnaît et nie qu'il y ait d'autres fleuves à côté de lui, et recevant toutes les eaux qu'il puisse jamais connaître, il peut se croire unique au centre d'un univers enceint de montagnes. "
Victor Segalen, Equipée chapitre 9

Tea time

Pause gourmande pendant la visite des Jardins Ephrussi de Rothschild. Les jardins sont magnifiques en cette saison.

Le son de chez moi, 9 : du point de vue de la tortue

Dans le jardin de la villa Ephrussi deRothschild à Saint-Jean-cap-Ferrat, une tortue médite...

le son de chez moi, 8, le son du Japon 32 : bambou

Dans le jardin japonais de la villa Ephrussi deRothschild à Saint-Jean-cap-Ferrat

13.4.09

Pour répondre aux questions de "eg" que peut-être (presque) tout le monde se pose?


Faire cheerianou : c'est une bénédiction chez les juifs que l'on fait chaque fois que quelque chose est nouveau, fait pour la première fois, où qui revient régulièrement comme un événement : habit neuf, premiers pas, fête, ici premières fraises de l'année...
Tu as raison, je le fais plus souvent, mais officiellement la bénédiction à propos du soleil c'est tous les 28 ans. Voir
ici d'autres renseignements à ce sujet.
Le grand ménage de Pâque, c'est en rapport avec la fête : il ne faut posséder dans sa maison aucunes céréales qui puissent lever, même sous forme de miettes ! Alors c'est grand ménage général. j'aime bien en général, car cela me permet de faire un grand tri.
Pas la peine d'être dans un club de bordéliques...j'y suis déjà depuis longtemps !

11.4.09

Hokusai et le mont Fuji, semaine 45

Sunshû Katakura chaen no Fuji (Le mont Fuji vu de la plantation de thé de Katakura dans la province de Suruga)

En Chine, ce sont de jeunes filles vierges qui cueillait les feuilles de thé destinées à l'empereur...

Melnitz, extrait 1

Après, Arthur ne pouvait ni ne voulait l'oublier, cet après qui était toujours un avant, car le nouveau désir se réveillait déjà à peine le précédent était-il assouvi. Après, quand ils reprenaient leur souffle et que leurs cœurs cessaient de battre la chamade comme s'ils avaient gravi une cime, et c'était bien une cime, à chaque fois, une chaîne de montagne impraticable, qui vous effraie et pourtant vous attire irrésistiblement, qu'il faut explorer et conquérir, toujours différente et tujours plus familière, avec des sentiers qu'on voudrait arpenter de nouveau, encore et encore, s'il n'y avait la crainte de se trouver à bout de forces avant d'en avoir exploré d'autres, plus attirants encore. Après, lorsque les yeux ne voudraient pas se rouvrir, comme l'on cherche à prolonger un rêve tout en sachant qu'on ne le fera pas revenir, pas jusqu'à la prochaine fois, où il sera différent, encore plus beau, plus énigmatique, plus dangereux. Après, lorsque, sur la peau, le fin duvet est encore en charge, jette des étincelles sous le frottement des doigts-pas plus loin ! pas maintenant ! pas encore !-après, quand déjà le quotidien s'infiltre à travers les volets clos, avec son odeur fade, cette nauséabonde odeur de la réalité que l'on avait masquée pendant quelques minutes sans la chasser vraiment, quand la spontanéité les lâchait comme un manteau mal cousu, que la nudité redevenait nudité et non plus libération, après, quand ils se redressaient et demeuraient ainsi quelques secondes parce qu'ils n'étaient pas encore sûr de tenir en équilibre, après, quand ils étaient assis côte à côte jambes ballantes, comme si le lit n'était non plus dans le cabinet médical d'Arthur mais un rivage, au bord d'un lac,une mer, et la réalité une eau froide où ils devaient sauter - pas encore ! de grâce, pas encore ! quand tous deux fixaient l'armoire vitrée pleines d'ouvrages de médecine parce qu'ils n'avaient pas encore le courage de croiser leurs regards.Après, quand c'était terminé et que déjà montaient en eux cette légère déception inhérente au bonheur comme le vieillissement à la vie, après, quand le temps s'immobilisait et pourtant devait reprendre son cours, après ils surmontaient ces secondes de doux embarras...
Melnitz, de Charles Lewinsky, ed Grasset, p456.

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8.4.09

cheerianou des gariguettes


Oui, le panier est vide !
Aujourd'hui c'étaient les premières gariguettes de l'année au marché. Comme d'habitude, elles n'ont pas tenu plus loin que les rails du tram : tout grignoté le long du chemin, Hatsuo et moi !
Il y a beaucoup d'occasions de faire cheerianou aujourd'hui. Ce matin, même si je n'ai pas eu le courage de me lever à 6h pour le lever du soleil, lever qui n'eut pas vraiment lieu pour cause de nuage, je me suis tout de même rendue à la mer pour faire la bénédiction à propos du soleil. C'est tous les 28 ans. Où serai-je à la prochaine ? Nous avons décidé que ce serait à Yokohama.
Sur le rivage, il y avait aussi un autre que moi qui jetait son hametz à la mer, pour les mouettes en quelque sorte; très jolie idée; j'ai préféré grignoter le mien sous forme de gâteau au chocolat, en famille; quel détournement, ce n'est pas sérieux ;-)
Je vais devoir vous laisser, ce soir, comme chaque année, nous traversons la Mer Rouge, après une journée de ménage sauvage chez moi, toujours autant de poussière (et j'ai à peine honte, mais comme je n'ai plus de belle-mère, ce n'est pas grave...)

6.4.09

Hokusai et le mont Fuji, semaine 44

Sunshû Ôno shinden (Rizières d'Ôno dans la province de Suruga)


C'est sûr comme dit l'autre le paysage est serein : des grues, des boeufs. Y en a même un qui fume la pipe. C'est très beau, c'est sûr, composition parfaite. Mais quand même, femmes et boeufs même combat : au boeuf la paille, à la femme le grain, et l'homme peut marcher d'un pas léger...

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1.4.09

Et si Pikachu existait ?


On vient de découvrir une sorte de Pikachu pris dans la glace en Antarctique. Il serait vieux de plus de 10 000 ans. Cette découverte extraordinaire tend à prouver que les Pikachu ont réellement existé...

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